Il ne plane aucune ombre d’éventuelle opposition au sein de l’APN envers le programme de Sellal. Aucune silhouette de désaccord n’est de nécessité publique. Il n’y a cependant que le député, son immunité et sa solde.
Dans une précédente chronique nous avions estimé que le président est à l’aise dans la gestion des affaires du pays. Que nulle opposition n’était capable de lui obstruer le chemin vers lequel, il tend mener le destin national, tant que celui-ci (programme) travaille au bonheur du citoyen. Ni celle bruyante et structurée en partis, ni celle tacite et éparpillée dans les commandes du système ; l’opposition est devenue inutile au motif de la figuration faciale qu’on lui fait faire. Fut-elle à l’assemblée nationale.
Cette assemblée est certes la chambre la plus indiquée pour l’expression la plus plausible en matière de construction démocratique. Elle est de ce fait le maître d’œuvre, des œuvres législatives. Un pilier colossal soutenant les bouts angulaires de l’édifice étatique. Un député est en principe le représentant du peuple. Il est le résultat d’une addition de voix lors d’une opération de calcul électoral. Mais en réalité ce n’est qu’une facture salée qui coûte cher au trésor public. Hélas une dépense obligatoire, néanmoins pas trop inutile du fait de l’utilité parlementaire dans un régime se vouant pleinement aux caprices de dame démocratie.
Elle n’a pu avoir depuis sa formation, l’impact attendu. Considérée comme un contre pouvoir dans le principe sacro-saint des constitutionnalistes relatif à la théorie de la séparation des pouvoirs, elle n’avait pu remplir qu’une fonction d’un organe nécessaire dans le tissage d’un Etat. Avec ou sans prérogatives, cette assemblée reste caractérisée dans ses membres par l’esprit de courtisanerie face au pouvoir en place. De mémoire, elle n’aurait fait obstacle à l’élan exécutif d’aucune autorité. En pleine tourmente de la catastrophe nationale (vacance de pouvoir, manque d’autorité, terrorisme, séisme, fraude électorale, injustice, déposition et inégalité de cadres, mutineries, rébellions, suicides, accidents routiers, criminalité, drogue, dépravation des mœurs, corruption etc. ) notre auguste cénacle n’adoptait qu’une seule démarche entérinée par des questions orales. Ce fut et se continue de se faire, une séance de bonne récréation.
Son absence d’implication s’absorbait dans la lutte des sièges de présidence, de vice présidence et de chefs de commissions. Le passage que franchissait douloureusement le pays n’était, perçu dans cet hémicycle que comme un menu commun de conciliabules et de tractations intuitu-personae. Ici sont nés tous les qualificatifs conjoncturels. Du révolutionnaire au contre-révolutionnaire, du progressiste au réactionnaire, du pro-machin à l’anti-truc, du démocrate au nationaliste, de l’islamiste à l’assimilationniste, du redresseur au contre-redresseur. Pour les uns, les portefeuilles ministériels étaient lorgnés dès le début du mandat. Pour les autres, les lots marginaux constituaient les fins du mandat. Encore, voilà qu’ils cherchent le passeport diplomatique ! Enfin pour certains, probes et corrects mais malheureux, ce sont le leurre, la déception et la mélancolie du poste électif qui font de leur séjour parlementaire un aveu d’incapacité et d’impuissance face à la déviation de l’état des lieux.
La crise qui traverse le pays revêt une forme des plus déstabilisantes au plan du moral des troupes et des plus dures à la survie de tous les relents voulant l’entretenir en l’état. Elle tient fermement à appeler à la rescousse tout ingrédient capable de faire le détonateur pour l’explosion sociale définitive et finale que les concepteurs de complots sournois s’avisent à tisser soigneusement le textile de la révolte avec fils fins et aiguës aiguilles. Si la manigance demeure dans certains cas un agissement révolutionnaire en termes de radicalisation du changement, l’éthique et le bon sens ne pourraient viser les institutions ou les pylônes de cette démocratie sans qui la manigance des clans, par partis ou corporations opposés n’auraient à se prévaloir de ces moyens. L’Algérie est un pays que se partage tout le peuple. Les clans naissent de l’accumulation d’enjeux. Les députés de celle de l’obséquiosité. L’assemblée dans sa forme est une merveille universelle, dans son fond un tremplin pour l’ambition démesurée et une tribune pour ceux en mal de médiatisation. D’anonymes individus, inconnus dans leurs contrées elle en a fait de prestigieux « défenseurs des intérêts suprêmes de la nation ». Rendus célèbres par la désinvolture de fracassantes déclarations, ils ne doivent leur apparition au grand public qu’au sérum que leur injecte un débordement médiatique à la recherche de scoop.
Le programme de Sellal, en fait un plan narratif est décliné en actions phraséologiques à même de vulgariser la contenance pragmatique du programme présidentiel. Contrairement à Ouyahia, véritable tribun et grand orateur, le chiffre ne semble pas être dans le cœur de Sellal. La statistique, les ratios et autres indicateurs de performance sont chez Sellal, que des figurations pour cacher le vrai désarroi populaire. Il en a tout de même raison. A quoi aurait servi ces tangentes, ces courbes, ces camemberts, ces graphiques ? L’engouement à la réaction par les agents parlementaires s’est vite cogité en des interpellations pour un besoin local. L’on dirait qu’un député est uniquement représentant de la population qu’il l’aurait élu. Oubliant sa vocation de mandataire national, il accentue, pour l’un son zoom à être capté et sa démonstration de maitrise du parler pour l’autre. La suppression de la « corvée » de la retransmission télévisée du brouhaha parlementaire est une preuve supplémentaire de la volonté d’avoir toujours une vitrine de démonstration dans les masses. Et quelle bonne vitrine autre que la télévision ? Y étant ; pourquoi pas une chaine parlementaire, à l’instar de l’hexagone ou de l’Egypte ?
En tous cas, la situation actuelle du parlement deviendra un ferment fort convenable pour le maintien du pouvoir ou pour la tentative sans cesse répétée de l’avoir. L’Algérie restera néanmoins pour certains l’unique critère de classification. Tout le monde lui déclare son amour. Du président au chef du gouvernement, du sénateur au député, du ministre au directeur général, la hiérarchie, ne saurait de quel couvert faire dépendre la voie hiérarchique des uns et du reste. Seul un lien apolitique est censé expliquer les méandres du degré d’obéissance à l’un ou à l’autre. La divergence d’options à résorber le climat délétère dans toute la dimension nationale qui transperce la société, arrivera quand bien même à nourrir les appétits pour l’échéance controversée de 2014.
Le débat sans violence est une civilisation. Ce ne sera pas à l’accointance des sphères actuellement dirigeantes nommées ou élues avec des esprits éradicateurs, conservateurs, privatiseurs ou protectionnistes qu’échoira la fixation sans appel du destin de toute une nation. De la concorde nationale aux hydrocarbures, du code de la famille à celui de l’information, de la règle 51/49 à la gestion des réserves de change ; les pour et les contre seront, selon l’intention pour ou contre l’avenir du pays. Il n’a jamais été question lors de confrontation d’idées, d’un quelconque besoin de force logistique ou de pression politique voire personnelle. Un député ou un parti, à priori un premier ministre ; doit convaincre et non vaincre ses opposants. L’opposition est une création divine. Le tout puissant a crée Ibliss, juste pour établir un équilibre, non dans la gestion (il est le maitre des mondes) mais dans le libre arbitre humain. Il est de règle que la vie communautaire n’engage que ceux qui ont eu à contracter d’abord un contrat puis un engagement à appliquer ses dispositions tel « un bon père de famille » comme il est rappelé dans les manuels juridiques relatifs aux obligations. Ainsi il n’y a pas de place pour le clan à la place de la collectivité, il n’y aura plus de crise à la place de l’espoir. Il n’y aura plus de duperie à la place d’un bon député.
L’Algérie expérience à l’appui, a bien pu se gérer sans collèges d’élus. Les DEC (délégation exécutive communale) ou le CNT avaient en leur temps rempli une mission d’utilité publique. Désignés et non élus, les membres de ces « administrations » qui d’ailleurs avaient utilement fonctionné dans les pires moments de la tragédie nationale, se trouvaient pour le bien de tous amputés de cette légitimité populaire qui devrait singulariser les titulaires de tels emplois. Contrairement aux députés déclarés tels qui n’encourent aucune responsabilité, aucun risque de carrière, car à la limite du tord verbal ils sont protégés par l’immunité parlementaire ; les DEC avaient tout de même une responsabilité, beaucoup de risques et peu d’autorité. On aurait à gagner si l’on avait vu des députés venir, avant débat ; s’enquérir des conditions dans lesquelles bossent les entreprises, recueillir les avis d’experts locaux, des notables de la ville, des investisseurs du coin, pour en finalité en faire un point d’intervention à moudre dans une vocation de dimension nationale. Mais à parler comme ca, des choses sans référentiels ou avec des éléments de réponse familiaux ou de tribu, ce n’est pas le propre d’un député digne des authentiques définitions le concernant. Votre serviteur aurait bien aimé entretenir les députés de son quartier sur le monde de l’édition, la sphère du livre, la politique générale de la culture, les media, la liberté d’expression. Pas dans un café, dans une fête ou un enterrement, mais dans une permanence. Trouvez-moi cette permanence ! Elle a disparu le 11 mai au crépuscule.
Le cahier des charges que s’est fixé le gouvernement Sellal contient certes plus de flexibilité, de choses faisables et des mesures fortement ambitieuses, mais aussi une contrainte majeure. Le temps. Maintenant que les débats se sont achevés, les réponses du chef du gouvernement assurées, peu importe cette phase d’examen. Le projet sera adopté sans surprises. Là, aussi n’est pas le problème, quand celui se situe dans le facteur temps. C’est un staff gouvernemental qui entreprend dans une durée politiquement déterminée. Il a deux ans pour pouvoir non seulement lancer ses propres actions innovantes et de redressement mais également parachever le reliquat des œuvres en cours de réalisation ou en voie d’achèvement. Un bon point est cependant à enregistrer, c’est que les secteurs les plus importants ont gardé leurs anciens ministres. Ce sont eux-mêmes les initiateurs, les promoteurs ils en seront en conséquence les finisseurs. Pour les autres, la feuille de route est toute tracée.
C’est « le quotidien de l’algérien » qui constitue en fait la trame de fonds du document venant sous forme d’un ensemble d’objectifs socio-économiques. Le « climat des affaires » selon Sellal devra être aéré par des dispositifs amélioratifs pour stimuler la compétitivité et partant assurer une production nationale apte « à booster l’investissement ». Pourvu que le programme en question ne s’aligne par en toute exclusivité, comme les précédents sur la seule dépense publique. Le trésor n’engendra pas la richesse, il l’accompagne.
4 octobre 2012
El Yazid Dib