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Amar Boukhalfi a quitté le terrain ! Par Ahmed Halli

3 octobre 2012

Contributions

Contribution : HOMMAGE
ERREUR D’ARBITRAGE

En apprenant la funeste nouvelle du décès de notre ami Amar Boukhalfi, dit Francis, j’ai d’abord pensé à téléphoner à sa compagne, Laurence, qui partageait sa vie depuis plus de deux décennies à Paris, tout près de la gare Montparnasse. Moment d’intense émotion lorsque j’ai entendu la voix de Francis lui-même, comme un petit signe de là-haut, vous promettant de vous rappeler dès son retour.
Il ne le fera pas cette fois, il ne le fera plus, alors qu’il avait la sacro-sainte habitude de rappeler systématiquement ses correspondants enregistrés sur sa messagerie. Que ce soit lui, ou Laurence, vous aviez toujours quelqu’un au bout du fil, en direct ou en différé. Lorsqu’il me rappelait après une tentative infructueuse de ma part, ses premiers mots étaient invariablement : «Alors ? Où et quand est-ce qu’on se voit ? Tu ne me fais pas le coup de repartir en douce à Alger, comme la dernière fois, hein ?» On finissait tout de même par trouver l’endroit et l’heure idoines, en général dans le quartier de Ménilmontant, sur les traces de Matoub, où il allait se ressourcer, au propre et au figuré, dans les bistrots de ses pays. On parlait, bien sûr, de l’Algérie, de Tizi-Ouzou sa ville, et de la JSK, son équipe fétiche, à laquelle il avait lié son univers affectif. Il était surtout attaché à la génération des El-Kolli, Karamani, plus proche de la sienne, mais il ne négligeait pas pour autant les relèves successives. «Chauvin, mais pas trop», disaient ironiquement de lui ses collègues de la rubrique sportive, où il était relativement esseulé entre «Mouloudéens» et «Usmistes». Comme il avait toujours le mot pour rire, et que ses crises de colère ne duraient jamais jusqu’au lendemain, on lui pardonnait volontiers ses coups de gueule. J’ai connu Amar Boukhalfi, bien avant qu’il ne devienne Francis, au stade Oukil-Ramdane de Tizi, vers la fin des années soixante. Il était venu en «supporter», en compagnie de Kader, le reporter sportif maison de la Chaîne II, pionnier du direct des stades en kabyle, et du regretté Ferhat Oumalou. Ils constituaient un joyeux trio, cocktail d’affabilité et d’humeur jubilatoire, qui n’avait pas besoin de «shaker» pour fusionner. Le résultat était certes plus visible et plus remontant, lorsque la JSK gagnait, mais on n’était pas de caractère à se morfondre trop longuement en ce temps-là. Ami attentionné et commensal plus qu’agréable, Amar ne s’est jamais incliné devant la morosité, l’aigreur et l’adversité. Mais, autant il était volubile et enjoué lorsqu’il parlait de son équipe favorite ou éreintait un confrère grincheux, autant il restait discret sur ses drames intimes. Ainsi, très peu dans son entourage savaient qu’il luttait depuis des années contre la cruelle maladie qui l’a emporté. Au début des années soixante-dix, je crois, il a tiré sa première révérence en se repliant sur Nice, d’où était originaire sa première femme. Nous avions régulièrement de ses nouvelles, et nous savions qu’il n’était pas très stable sur le plan professionnel, en dépit de ses aptitudes en tant que rédacteur et aussi comme maquettiste. Il m’a raconté, plus tard, que durant des années, et à chaque fois qu’il y avait un plan de licenciement, on commençait par l’immigré algérien qu’il était. De guerre lasse, il a dû se résoudre à se naturaliser français, pour ne plus être la victime idéale des plans sociaux et pour s’ouvrir d’autres perspectives de carrière. C’est ainsi qu’il passa le concours d’accès à la fonction de douanier, métier qu’il a exercé, de façon continue, jusqu’à son départ à la retraite en 2007. Pour tous les voyageurs algériens qui transitaient par l’aéroport Charles-de- Gaulle, il était «Francis l’officier de douane», affichant toujours une disponibilité sans faille envers ses compatriotes. Il avait gardé aussi de solides amitiés tant au sein de la presse qu’auprès des anciens cadres de la JSK qu’il retrouvait toujours avec plaisir à Paris, ou lors de ses fréquents déplacements à Tizi-Ouzou. Comme il n’était pas homme à rester inactif et qu’il fallait continuer de pays l’appartement récemment acquis sur la Côte-d’Azur, Francis a repris du service. Il a d’abord été gérant d’une résidence universitaire dans la banlieue nord de Paris, puis d’une autre, la résidence Jean- Dolent, perdue par l’Algérie et gagnée par les étudiants français. Il a finalement constaté que le retraité qu’il était commençait à ressembler à l’immigré surexploité des premières années, et il a claqué la porte. Durant deux ou trois ans, il a encore travaillé, comme administratif, dans un lycée parisien avant que la maladie ne l’oblige à renoncer à toute activité. Dans nos récentes conversations téléphoniques, il ne m’a jamais donné l’impression d’être un malade résigné et en fin de vie. Bien au contraire, il irradiait toujours la même bonne humeur et une foi inébranlable en l’avenir. Comme d’habitude, on s’est promis de se revoir, mais c’est lui qui m’a fait faux-bond cette fois-ci, et je me promettais d’enfoncer le clou à l’occasion. Le destin en a décidé autrement, mais je suis sûr qu’il ne s’est jamais résigné à quitter le terrain prématurément. Et lorsqu’il l’a fait, c’est sous les clameurs des tribunes et avec les applaudissements de la foule. Je suis prêt à parier qu’il a gardé jusqu’au bout un moral de vainqueur, qu’il a perdu son dernier match, contre la maladie, avec le sourire, et sans pester outre mesure contre l’arbitrage.
A. H.

Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/10/03/article.php?sid=139868&cid=41

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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