A la naissance, chaque Qatari hérite d’un logement, d’un terrain et d’une rente à vie que le million et demi de travailleurs étrangers se chargent de garantir en trimant H24.
Les Qataris sont des chômeurs de luxe ou des fonctionnaires hyper-protégés par un système collectiviste doté d’un secteur public qui assure les services dans tous les domaines, et une paix sociale qui permet à l’émir Hamad de dormir sur ses deux oreilles, sans autre souci qu’une éventuelle conspiration de palais. L’innovation est la caractéristique de la stratégie qatarie, notamment dans le domaine économique. Cette stratégie s’articule autour d’une vision hautement nationaliste basée sur la mise à profit des compétences nationales et consolidée par une matière grise internationale, essentiellement occidentale. Certes, l’émir Hamad bin Khalifa Al-Thani ne serait pas quelqu’un de brillant, mais c’est un redoutable joueur qui veut gagner même par la triche, ou en s’alliant avec le diable. Dans le domaine économique, il a acheté les meilleurs experts pour lui concocter un programme à la hauteur de sa bourse et de ses ambitions. Les dragons de l’Asie, Taïwan, la Corée du Sud et les Philippines se sont articulés sur le transfert technologique et le soutien du Japon pour décoller. Le Qatar, le Koweït et les EAU, quant à eux, se sont basés sur le know-how des conseillers étrangers pour élaborer les programmes de leurs politiques. La formule a été payante : avec l’argent du pétrole, ils ont acheté les idées des autres, en toute modestie, contrairement à l’Algérie où l’on marginalise ou exile les compétences. Dans les infrastructures qataries ou émiraties, il n’y a aucune réalisation de pur prestige, aucune méga-mosquée ; et dans la moindre infrastructure qu’ils construisent, ils songent à injecter des apprentis ou des aides nationaux, pour capter le savoir. L’utilité économique est le but ; et le gaspillage n’a aucune place même quand il s’agit de dépenser des millions de dollars dans des manifestations parées de prestige, mais dont les retombées économiques et financières sont énormes. Les projets les plus fous, les tours, les stades gigantesques, les foires et les séminaires à la pelle et toutes les dépenses qui semblent inutiles engendrent des bénéfices proportionnels au nombre des invités et à leur stature. La facture de marketing est à la hauteur de l’appétit étatique pour le gain. Zidane, pour 10 millions d’euros, a fait du lobbying pour que Doha abrite la Coupe du monde de football 2022. Maradona, Pelé, Hicham El Guerrouj et tant d’autres figures ont été invitées par le pays qui s’offre le champion du monde d’athlétisme 2003, le Kényan Stephen Cherono, en le naturalisant qatari…
Sens des affaires et opportunisme
Les affaires ne sont pas compatibles avec la philanthropie ; elles l’instrumentalisent. En 2011, le Qatar a accueilli pas moins de 27 événements de taille continentale (dont les Jeux panarabes) qui nourrissent l’ego d’Al Jazeera qui en vend les droits de retransmission à d’autres diffuseurs, comme ce sera le cas pour la Coupe du monde de football. Mais comment diable un minus qui doit construire les infrastructures de ladite manifestation et préparer les championnats du monde de handball de 2015 peut-il également s’impliquer dans des complots planétaires ? Le sport est aussi une vitrine pour ce mouchoir de poche qui veut tirer bénéfice de tout, en organisant des manifestations pour des activités sportives dont les Qataris ne soupçonnaient même pas l’existence il y a deux décennies de cela : l’Open de Doha au tennis, l’Open du Qatar ITTF au tennis de table, la voile avec le catamaran du Club Med rebaptisé Qatar-2006. Le championnat qatari de football compte Gabriel Batistuta, Frank Lebœuf, Stefan Effenberg et Josep Guardiola, payés entre 100 000 et 200 000 euros par mois mais qui jouent devant des tribunes vides. Même le domaine humanitaire et l’écologie deviennent des instruments diplomatiques et médiatiques. Il n’y a que des enjeux pour le Qatar. Tout est défi. Le concours international du couscous ou celui de la choucroute, il se battrait pour l’organiser afin d’en tirer bénéfice. Douzième Jeux panarabes, Congrès mondial sur le pétrole, premier sommet du Forum des pays exportateurs de gaz, Sommet mondial sur l’innovation en éducation et quatrième Forum de l’ONU sur l’alliance des civilisations comptent parmi les nombreux événements qu’il a accueillis en 2011 ! Nul ne sait sur quelle base le Qatar a été privilégié comme pays hôte de la Coupe du monde 2022 par rapport aux Etats-Unis, au Japon, à l’Australie et à la Corée du Sud, d’autant que ce pays de canicule n’a aucun passé footballistique et que les travailleurs chargés de la réalisation des stades ne sont pas employés en conformité avec les règlements internationaux. Le lobbying qatari est insondable : politique et argent y sont liés. La promotion du Qatar passe par une série incroyable d’événements en tous genres. La moindre manifestation coûte des millions de dollars, avec une interminable liste d’invités et de journalistes occidentaux, en passant par les personnalités les plus en vue. Ce qui est extraordinaire c’est que ce pays qui tue à coups de milliards en Libye, en Syrie, au Mali et ailleurs, et qui a financé le terrorisme dans beaucoup de pays dont l’Algérie, s’intéresse aussi aux questions humanitaires et les finances ! Mais sélectif, il commence par les malheureux de l’ouragan Katrina aux Etats-Unis. Il organise un forum international sur le handicap où Valerie Amos, sous-secrétaire de l’ONU en charge de l’action humanitaire, dira que le Qatar «a su s’imposer comme une vraie force» dans le domaine humanitaire. Elle ne précise pas que l’argent qatari ne va pas à la Somalie, ni au Tchad, à l’Ethiopie ou aux pays les plus pauvres de la planète, fussent-ils musulmans, mais à ceux des pays où il y a une grande visibilité, la France, les Etats- Unis et ailleurs. En France, l’émirat a créé un fonds de 50 millions d’euros pour financer les projets de jeunes entrepreneurs des banlieues parisiennes. Paris, pas Marseille où il y a moins de visibilité ! Surtout pas en Libye, en Syrie ou au Mali où il vient en prédateur et en destructeur en envoyant armes et mercenaires.
Pays pollueur et congrès sur l’écologie !
Le domaine humanitaire n’est qu’un instrument parmi d’autres, au service d’un entrisme politique caractérisé. C’est aussi un moyen pour doter les terroristes en armements comme on l’a vu en Libye, en Syrie et au Mali. Humanisme rime avec opportunisme, pour ce pays qui croit qu’avec l’argent, on peut tout acheter, les ennemis comme les amis, les riches autant que les pauvres. Le pays le plus grand émetteur de CO2 par habitant au monde va aussi accueillir le sommet mondial contre la pollution, du 26 novembre au 7 décembre 2012. Or, déjà en 2008, un habitant du Qatar émettait une moyenne annuelle de 53,4 tonnes de dioxyde de carbone, ce gaz responsable du réchauffement climatique, soit trois fois plus qu’un Américain, dix fois plus qu’un Chinois et trente-six fois plus qu’un Indien. A ne rien comprendre ; comment fait ce califat devenu dynastie bruyante et tapageuse qui, du nomadisme et de la pêche des huîtres perlières, se propulse au XXIe siècle à une vitesse sidérante et, au passage, polluant, corrompant, complotant et déstabilisant à tout-va ? Ce n’est pas le gaz ni le pétrole qui sont la vraie richesse qatarie mais la matière grise qui est employée à l’utilisation et la rentabilisation des revenus. D’autres pays ont aussi du pétrole… L’Algérie aussi a investi des centaines de milliards de dollars depuis 1999, mais avec pour conséquence l’explosion du chômage et l’augmentation de la dépendance vis-à-vis des hydrocarbures sans parler de la corruption et des autres fléaux. Evidemment, tout n’est pas rose et tout n’est pas négatif au Qatar. Sa gabegie, sa surconsommation, sa surexploitation des ressources fossiles se font aussi au détriment des générations futures même si le pays veut s’auto-suffire sans les revenus du gaz et du pétrole à l’horizon 2020. Sa «Vision nationale 2030» ne laisse rien au hasard, et tous les peuples arabes souhaiteraient voir cette stratégie réalisée chez eux avec cette rigueur, ce sérieux et ce sens des responsabilités, évidemment sans les écueils déjà cités. Encourageant l’entreprise et le sens entrepreneurial, l’Etat qatari ne donne pas de l’argent aux bras cassés mais aux cadres et aux ingénieurs ; il finance les projets qui peuvent tirer le pays vers l’avant, créer des richesses et du développement. Du simple bon sens ! Dégager un budget entièrement financé par des activités autres que l’extraction des hydrocarbures va aussi de pair avec une vision qui érige l’éducation en priorité, par le biais de la Fondation Qatar pour l’éducation, la science et le développement communautaire, une fondation qui dispose d’un budget annuel d’environ onze milliards d’euros ! Née du sable, la Cité de l’éducation réunit déjà les plus grandes écoles mondiales. Un pays qui a de l’argent doit s’offrir le must du savoir : une sagesse élémentaire. Mais quel autre pays l’a appliquée dans la oumma du «iqra», «lis !» ? N’étaient les injustices qui touchent l’immense majorité des expatriés du Qatar, on ne peut pas dire que les Arabes ne savent pas gérer, évidemment sur le plan économique s’entend. N’est-il pas normal de réaliser ces records lorsqu’on a des richesses aussi importantes que celles du Qatar ? Alors pourquoi des pays qui ont beaucoup plus de richesses humaines et naturelles sont-ils gouvernés de manière approximative ?
A. E. T.
(A suivre)
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/10/01/article.php?sid=139781&cid=41
1 octobre 2012
AlI EL HADJ TAHAR