Jeudi, 27 Septembre 2012 09:50
L’auteur est l’une des voix essentielles de la littérature algérienne. Auteur bilingue, adapté au théâtre également, il se consacre ces dernières années à l’écriture en langue arabe et publie régulièrement des romans qui portent la marque de l’histoire.
L’écriture de Waciny Laredj a pris un tournant décisif ces dernières années, avec la publication d’un certain nombre de romans historiques. Exercice périlleux, terrain glissant, écriture de la difficulté, le romancier a conscience de tout cela, et il l’a rappelé, mardi dernier, lors d’une rencontre au Sila. Une rencontre – qui a attiré très peu de monde car la salle a été changée à la dernière minute (devant se tenir à la salle A, c’est à la salle de conférences de la direction générale de la Safex que cette rencontre a eu lieu) –, durant laquelle il a présenté son dernier roman, en deux tomes, Ramad Acharq (les cendres de l’Orient). Waciny Laredj a expliqué que son dernier texte entre dans le cadre d’un “grand projet arabe”, où il a été demandé aux auteurs de produire une œuvre qui s’intéresse aux cent dernières années. Sur la soixantaine de propositions, seuls dix projets d’écriture ont été retenus, notamment celui de Waciny Laredj, celui d’Amin Mâalouf et d’autres grandes plumes de la littérature mondiale. Le roman Ramad Acharq est né du “scepticisme” et de “l’inquiétude” de l’auteur quant à ce qui se passe actuellement dans le monde arabe, où le retour à l’histoire est un exercice nécessaire. Mais quelle histoire ? Celle écrite par les vainqueurs ? Celle que l’on retrouve dans les manuels scolaires ? Ce n’est pas ce qui intéresse Waciny Laredj qui préfère aborder l’histoire par le truchement de la fiction. “Le roman historique, il est dans l’histoire mais ce n’est pas l’histoire”, a signalé l’auteur des Ailes de la reine, qui a pris l’exemple de George Zidan pour étayer son propos. “George Zidan a dit les gens fuient l’histoire, je vais donc leur apporter l’histoire en leur racontant une histoire d’amour. J’y croyais jusqu’au jour où j’ai demandé qu’on distribue aux élèves d’un lycée les romans de George Zidan et qu’on leur demande d’écrire sur ce qu’ils ont gardé de ce qu’ils ont lu. 99% des réponses racontaient l’histoire d’amour. Il faut donc faire attention”, a relevé M. Laredj. Et d’estimer : “L’auteur qui écrit des romans historiques est un trapéziste. Car l’histoire est écrite par les vainqueurs. Celui qui gagne incrimine le perdant. Par exemple, lorsque j’étais jeune, on m’a donné une image autre de la réalité concernant notre histoire, et lorsque j’ai commencé à lire, j’ai compris certaines subtilités.” Waciny Laredj affirmera que l’écriture de l’histoire, même par le biais de la fiction, est “un terrain glissant”. Cette difficulté, il la connaîtra lors de la rédaction de son ouvrage, Kitab Al-Amir. Il en viendra au bout tout de même, et signalera à l’assistance que “la vérité historique nous impose des difficultés. Et il faut le faire et assumer les conséquences. Car si on n’arrive pas à produire un roman propre à soi, on reproduira l’histoire. Or l’écrivain est celui qui façonne l’histoire”. Revenant sur les grandes lignes de son roman, Waciny Laredj indiquera que l’histoire commence avec les attentats du 11 septembre 2001. L’édifice des Twin Towers, fleuron de la modernité, est justement “détruit par la modernité. Cet attentat a détruit le tissu social et la notion du pardon”. Le personnage central, Jazz (en référence à l’Algérie et à son amour pour la musique), est médecin. Après les attentats, il apporte son aide aux victimes. Mais son grand rêve dans la vie est de rendre hommage à son grand-père, et pour lequel – après que celui-ci lui eut raconté l’histoire de sa famille et sa trajectoire – il compose une symphonie. Une symphonie qui a pour titre Ramad Acharq. L’auteur conclura cette rencontre par une présentation d’un autre roman, Assabiê Lolita (les doigts de Lolita), dans lequel Waciny Laredj soutient que “il n’y a pas de bonté absolue et il n’y a pas de mal absolu”. Sur le territoire du rêve que cet écrivain explore à chacune de ses œuvres, il soulignera que son imaginaire est nourri par Les Mille et Une Nuits, un texte qui l’a fait rêver, pour que lui nous fasse rêver à son tour avec des histoires qui cherchent un sens à la vie.
27 septembre 2012
Histoire