Publier des brûlots contre l’Islam devient le nec plus ultra de la défense de la liberté d’expression. Charlie Hebdo, confronté sans doute à une baisse de notoriété depuis le long passage à sa tête du sioniste islamophobe Philippe Val, vient de s’illustrer de nouveau en publiant des caricatures dont il n’ignore pas la colère qu’elles vont provoquer. Les Musulmans de France, abonnés au chômage, aux discriminations et à l’exclusion sociale, sont désormais et par surcroît la cible d’une campagne indigne qui les atteint au plus profond de leur imaginaire collectif. Les Musulmans de France, dans leur écrasante majorité issus des anciennes colonies et des terres d’esclavage, expérimentent le mépris que leurs aïeux connaissaient si bien. Fatmas des maisons closes d’Alger, Mohamed cireurs de chaussures, Mamadous enchaînés sous un soleil de plomb alignant les rails du train Congo-Océan, ressortent des recoins sanieux d’une mémoire putride.
Tout le monde est invité à la curée. Il y a dans cette foule bon nombre d’«intellos de gauche». Incapables de proposer des idées nouvelles, ils sont en mal d’existence et choisissent de suivre la ligne de plus forte pente en collant à un air du temps nauséabond. De plus, ils n’assument même pas leurs rôles. Céline au petit pied, ils habillent leurs haines des oripeaux d’une morale mortifère. Les diatribes contre les femmes voilées ne relèvent pas pour eux d’une logique d’exclusion mais d’une résistance légitime face à une atteinte aux libertés. Si on exclut, c’est par amour de la liberté ! Je songe à cette dame que je refuse, pardon amis lecteurs, de nommer parce que je trouve qu’elle ne mérite pas autre chose que l’oubli. Elle soutenait qu’il fallait interdire l’accès aux basketteuses voilées dans les gymnases parce qu’elles en profitaient pour collecter de l’argent pour le Hamas, qualifié d’organisation terroriste ! A-t-elle pris le soin de vérifier ? Quel député, quel ministre, quel intellectuel de renom l’a sommée de fournir la preuve de ce qu’elle avançait ? Personne Pour l’écrasante majorité des leaders d’opinion en France, elle n’a fait qu’énoncer l’évidence que leur dicte leur inconscient.
Un climat malsain s’installe en Europe, notamment en France. Les vieilles haines assoupies se réveillent. Le gentil «Arabe du décor» (Ah ! Camus, quel bel islamophobe il aurait fait !) ne se confond plus avec le paysage. Son image renvoie à l’autre Arabe, le générique, Irakien, Palestinien, Congolais, Indien, Chinois, l’Autre en somme, celui qui menace l’Occident dans son leadership, dans son mode de consommation adipeuse, dans sa boulimie de pétrole et de matières premières à bas prix. C’est ce même Occident, entre deux rots «odorants», qui prétend dicter au monde ses valeurs, celles d’un monde où les vieillards meurent seuls entre les murs nus d’une salle d’hôpital. C’est ce même Occident qui prétend n’avoir rien à apprendre d’un monde extérieur qu’il a maintenu dans l’asservissement pendant des décennies et qu’il ne conçoit que soumis et zélote. Pourtant, s’il était à l’écoute, peut-être qu’il percevrait le message d’un monde dans lequel le sacré, au sens le plus large, n’est pas un vain mot et qu’on n’y insulte pas les croyances qui fondent souvent les peuples.
L’Occident doit être entendu comme un concept. Beaucoup de citoyens de cette partie du monde ne sont pas dans le paradigme décrit plus haut. Ceux-là se battent, hélas dans l’indifférence souvent, pour une démocratie-monde, un ordre qui donnerait toute leur place à toutes les nations dans la construction d’un ordre juste Un mot sur les réactions qu’a entraînées le passage de ce misérable film sur Internet. Elles sont très malvenues. La réponse à ce genre d’attaque imbécile doit être le silence. Il faut d’abord éviter de faire de la publicité à ce genre d’entreprise. N’importe quel individu pourrait ainsi se donner le plaisir de secouer le monde musulman en postant une «saloperie» sur Internet. Se rend-on compte du pouvoir que l’on offre ainsi à des imbéciles ?
Un sage, dit-on, cheminait tranquillement quand, sur son passage, un groupe d’hommes se mit à lui lancer des insultes et des pierres. Le sage les ignora. Un témoin de l’incident l’apostropha et lui demanda pourquoi il n’avait pas eu le courage de réagir. Le sage lui répondit que ce n’était pas affaire de courage. «Si un chien me mord, dit-il, dois-je me faire chien pour le mordre en retour ?»
20 septembre 2012
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