Elle peut en augmenter le montant et mettre en œuvre d’autres instruments. Elle reporte la date limite du taux directeur quasi nul. L’annonce vaut plus par son caractère ouvert que par les mesures elles-mêmes. Pour se donner plus de chances de faire baisser les taux d’intérêt, elle procédera au rachat sur le marché de bons du trésor à court terme contre des bons de termes de durations longues. L’objectif est clair : essayer de rassurer les marchés financiers.
Ces nouvelles mesures prolongent et accentuent les mesures accommodantes et franchement non conventionnelles que la Fed reconduit depuis 2008. Si on ne peut dire que ces mesures ne se sont traduites par aucun résultat, elles n’ont pas permis jusqu’ici de stimuler la croissance et l’emploi de façon déterminante. Le nouveau dispositif a-t-il plus de chances que les anciennes mesures?
ETAT DE LIEUX
Pour apprécier les mesures ainsi annoncées, il convient de souligner que le bilan de la Fed est déjà chargé d’actifs immobiliers : 844 milliards sur un actif total de 2867. La dette publique y entre pour 1739. La Fed émet, donc, la monnaie essentiellement contre la dette publique et des créances douteuses même si celles-ci sont garanties par Fannie et Freddie, agences publiques de refinancement hypothécaire. L’or apparait au bilan pour un montant insignifiant et les devises étrangères aussi ; celles-ci sont noyées dans une rubrique regroupant plusieurs types d’actifs.
A la veille de la crise financière, le bilan se montait à 899 milliards de dollars ; il ne comprenait que 790 milliards de bons du trésor et pas de titres hypothécaires. La crise a, donc, multiplié par plus de 3 la base monétaire et ce, parce que la Fed a été dans l’obligation de «nourrir» des dettes que les investisseurs ne pouvaient pas financer eux-mêmes.
Le cours du dollar s’en est ressenti : de 1,25 CHF au 31-12-06, il est tombé à 0,74 en été 2011. Encore, a-t-il fallu l’intervention de la banque nationale suisse pour freiner la dérive incontrôlée du dollar. Depuis 1970, dernière année de sa convertibilité théorique, le dollar a perdu près de 83% de sa valeur vis-à-vis du franc suisse. La qualité des actifs au bilan des deux banques centrales explique le trend d’évolution des cours des deux monnaies. La BNS accumule des devises gagnées par la Suisse et la Fed doit faire feu de tout bois parce que l’Amérique a vu sa position nette vis-à-vis du reste du monde se détériorer de plus de 26000 milliards depuis 1960.
COMMENT EXPLIQUER CETTE EVOLUTION ?
L’Amérique a façonné le système monétaire international au lendemain de la Seconde Guerre mondiale : le dollar en constituait la monnaie pivot avec une parité fixe vis-à-vis de l’or. Mais, l’Amérique s’est refusée d’en assumer les conséquences : régler à chaque pays son excédent en devises ou en or, ce qui l’aurait obligée à maitriser ses déficits. Moyennant la combinaison du hard et du soft power, le dollar s’impose comme monnaie de compte mais aussi de paiement sans limite.
Les échanges de biens de l’Amérique avec le reste du monde sont déficitaires depuis le début des années 70, et les déficits suivent une courbe quasi exponentielle. La balance des IDE étant quasi équilibrée, c’est par l’endettement, essentiellement public, que le pays mobilise l’épargne du reste du monde.
Nous avons expliqué dans notre précédent article que la crise a aussi des causes économiques lointaines et que le déclin industriel américain irrépressible devant l’agressivité de la Chine est aussi difficilement réversible. Les emplois perdus sont difficiles à recouvrer dans la logique du système. Mais alors, la Fed qui a reconnu au début de l’été son impuissance face au chômage, peut-elle réussir maintenant ?
MISSION IMPOSSIBLE
Les investisseurs ne semblent pas le croire s’il faut en juger par les premières réactions :
- Le cours du dollar est parti à la baisse face à l’euro et autres devises internationales.
- Le rendement des bons du trésor US de 30 ans s’est tendu de 49 points de base, cad (0,49%) par rapport au 3 août dernier et de plus de 0,8% dans la journée du 14-09-12.
- Même les indices boursiers ne saluent pas les mesures : les hausses sont marginales et insignifiantes au regard de celles des principaux indices européens.
Les marchés financiers ne s’y trompent pas ; non seulement les mesures ne peuvent stimuler l’emploi, mais elles risquent d’être contreproductives :
- Les titres hypothécaires sont détenus par des agences gouvernementales qui n’ont pas seulement un problème de liquidité mais un problème de solvabilité : les débiteurs finaux ne peuvent pas et ne pourront pas payer en contexte de chômage élevé.
- Le reprofilage de la dette publique selon l’opération dite « Twist » ne prend lui aussi en charge que l’aspect liquidité ; il peut signifier que le pays craint que les détenteurs de titres courts risquent de s’en détourner, ce qui en ferait exploser les rendements.
- Les ressources additionnelles que la Fed apportera seront détournées vers des besoins de spéculation financière. Cela entretiendra l’illusion de la croissance par les plus-values sur les marchés financiers mais ne pourra, en aucune manière, relancer les industries manufacturières seules capables de dynamiser les activités et l’emploi.
L’Amérique a fermé sur elle-même le piège du sous emploi endémique, de la pauvreté et de la désillusion. Le déclin industriel, auquel ont activement participé des acteurs économiques de premier plan sous le regard des autorités concernées, laisse des traces indélébiles sur le pays.
20 septembre 2012
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