RSS

L’Emir Moto et le Kaboul Eternel par Kamel Daoud

19 septembre 2012

Kamel Daoud

Il faut parler de lui car il fait l’actualité. Qui ? Le Abou de l’heure. Ellibi en Libye. El Masri en Egypte. Abou El Afghani en Afghanistan. Abou Leyth El Djazairi en Algérie. C’est selon. Nom Abou. Prénom : le pays où il est né et où il revient tué. Le Abou El Emir a généralement une bio tombée dans le domaine public depuis des années : il est né généralement dans les années 70. A donc la quarantaine. Généralement il a fait l’Afghanistan, le Pakistan, les prisons de son pays, « les services », le maquis, les mosquées, les camps d’entraînement et a été agitateur durant sa scolarité et son université. Ceci pour le Abou instruit. L’autre version va directement de la profession de tôlier à celle d’Emir international. Généralement aussi il a un regard amusé, de celui qui fréquente la malice et la ruse. On ne sait pas alors s’il s’agit d’un faux djihadiste retourné, un ancien des « Services » en service, un indicateur islamiste qui a donné des noms à Benali contre un discret exil à Londres ou un vrai djihadiste. Il a généralement un garde rapproché, une moto, une mosquée et un plan qui ressemble à la fois à la guerre sainte et à de la manip de barbouzes. Il a aussi du charisme, est ancien militaire parfois, sait parler et surtout recruter.

Le Abou Emir est donc une production nationale du pays « arabe » mais destinée à l’exportation. De son pays d’origine, le Abou Emir ne garde que son pseudo et une famille consternée et anonyme. Fils de qui ? De plusieurs circonstances : diffusion éditorial du wahabbisme, échec des indépendances, répression des polices politiques, échec scolaire et amoureux et mauvais rapport avec le Père et le surmoi. Le Abou a de l’influence mais il provoque des doutes : car la durée de vie d’un vrai djihadiste est de vingt-cinq ans. Si le Abou Emir a 40, c’est qu’il a acheté une dizaine d’années de plus en monnayant quelque chose. Passons. Donc à 04 heures du matin le Abou Cheikh est en Arabie saoudite. A 08 heures il est au Pakistan avec halte thermale en Afghanistan. A midi, il est au Maghreb et vers 13 heures il est au Sahel ou à Tunis-ville ou au Sinaï. Il ne meurt jamais ou seulement comme Nabil M., aussi connu sous le nom de Nabil Alqama. Emir adjoint d’El Qaïda au Sahel et qui est mort dans un accident de voiture en allant payer la dime à un chef de tribu dont il avait tué l’âne par erreur (Ô respect insondable de l’humain et de l’animal chez ces gens !). Physiquement : le même partout. Yeux petits, barbe disparate, front dégarni, cheveux longs, taille moyenne, visage peu beau ou déformé par une étrange volonté de tuer jusqu’au jugement dernier, nez droit et doux mixage entre le sourire et le hurlement. Collections ? La bombe, les femmes mais surtout les otages blancs, les chaussures sport Nike, la jupe longue au-dessus de la cheville, le khol, internet, les grands couteaux, les séjours All-inclusif au Sahara, les motos du Mollah Omar, les ultimatums.

L’Emir est donc de plus en plus typé, on le reconnaît vite dans la mosquée ou sur Youtube. Il a un gros trait incompréhensible qui fait qu’on ne sait pas pourquoi il croit si intensément à sa mission, quel est son salaire et pourquoi tant d’effort dans le désastre. C’est que l’Emir est rarement débile comme ses disciples qui meurent sous ses doigts. On dirait une grosse intelligence déçue par une ancienne affaire personnelle. Il ne fait jamais de la politique et regarde avec mépris les islamistes dit modérés. Lui est dans l’épopée alors qu’eux sont dans l’attente des élections. On l’a vu en Algérie, à Kaboul, à Tunis cette semaine, au Sinaï. En Arabie saoudite il est dit « Savant » et a un salaire et travaille assis. Ailleurs, dans les autres déserts, il travaille au contrat, debout et avec une moto ou un œil borgne et une main coupée. Quand va-t-il mourir ? Un jour, une nuit. Lorsqu’on cessera de l’utiliser et de le subir.

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

Voir tous les articles de Artisan de l'ombre

S'abonner

Abonnez-vous à notre newsletter pour recevoir les mises à jour par e-mail.

Les commentaires sont fermés.

Académie Renée Vivien |
faffoo |
little voice |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | alacroiseedesarts
| Sud
| éditer livre, agent littéra...