Ce livre collectif qui vient de paraître en Algérie et en France réunit plusieurs grands thèmes liés à la période coloniale, le tout sous la plume d’historiens et sociologues, spécialistes de l’Algérie.
On ne pouvait s’attendre à mieux. Au milieu des dizaines d’ouvrages publiés à la faveur du cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie, Histoire de l’Algérie à la période coloniale 1830 -1962 se veut un livre qui s’inscrit dans le temps long. A travers plusieurs séquences historiques qui ont marqué pour certaines l’histoire algérienne, les auteurs interrogent, dépouillent, expliquent et vont au fond des événements avec une lecture clair, impartiale et novatrice.
Dirigé par Abderrahmane Bouchène, Jean-Pierre Peyroulou, Ouanassa Siari-Tengour et Sylvie Thénault, ce livre collectif coédité par La Découverte et Barzakh sans doute Original est cet ouvrage, en ce sens que le lecteur aura à loisir des 720 pages de choisir les sujets qui l’intéressent pour les lire. Dense donc, ce nouveau livre critique de la période coloniale est écrit principalement par des historiens des deux pays (Algérie, France). Mettre à perspective les rapports complexes de la période coloniale qu’a vécue l’Algérie pour les expliquer est sans doute l’essence de cette fresque historique.
« Cette histoire, en France comme en Algérie, reste souvent mal connue des non-spécialistes, alors que sa connaissance est essentielle pour mieux comprendre la situation actuelle dans les deux pays, ainsi que leurs relations depuis l’indépendance en 1962, lit-on en introduction. (…) On ne peut comprendre les grandes questions que posent la fin de la colonisation et la guerre d’indépendance sans saisir les enjeux et les modalités de la conquête militaire, de la colonisation, des évolutions des sociétés française et algérienne et de la construction des nationalismes, le tout dans le cadre de la constitution et de la transformation des empires coloniaux dans le monde et de l’histoire politique générale« .
L’ouvrage est partagé en quatre chapitres, dans lesquels on retrouve des études poussées sur des événements les plus saillants et des portraits de résistants et hommes politiques algériens.
Le premier chapitre pose une lumière crue sur la conquête coloniale et la résistance des Algériens. Le décor de l’Algérie est vite planté pour expliquer le pourquoi de la conquête. Les historiens passent au crible la période de la domination turque. On apprend, selon l’historien Xavier Yacono qu’en 1830, la population algérienne ne dépassait pas 3 millions d’habitants. Majoritairement des ruraux. « Si les Turcs ont pu régner en maîtres sur l’intérieur du pays, c’est grâce à certaines grandes familles locales qui ont su négocier leurs appuis moyennant de vastes apanages et autres avantages matériels« , précise les auteurs du premier chapitre. Les premières pages lues on entre très vite dans le vif de la colonisation et de la résistance. L’un ne va pas sans l’autre, car les Algériens n’ont jamais cessé de résister à la brutalité de la colonisation.
Vincent Joly décrit les différentes résistances et révoltes algériennes. Mohamed Brahim Salhi pousse l’analyse sur l’insurrection de 1871. Pour ceux qui souhaitent plonger dans les chiffres de la démographie aux premières années de la colonisation n’ont qu’à se pencher sur l’étude menée par Kamel Kateb.
Lieux et espaces, les acteurs, l’ordre ou le désordre colonial sont aussi décortiqués, étudiés dans cet ouvrage. Dans les voies de l’indépendance, Hocine Malti revient sur le pétrole saharien et Amar Mohand Amer sur les déchirements du FLN à l’été 1962. « Comment centre-trente deux-années d’une colonisation sans équivalent à l’époque contemporaine, dont ce livre à plusieurs voix tente de retracer l’histoire, ont-elles marqué la société algérienne et française ? » s’interrogent dans une postface lumineuse rédigée par Gilbert Meynier et Tahar Khalfoune. « Dans l’Algérie indépendante des années 2010, la prégnace de lhéritage colonial reste une puissante évidence, au point que le pouvoir actuel, depuis les années 1980, est parfois accusé de reproduire à l’encontre de son peuple les pires pratiques du gouvernement général et des grands colons », écrivent ces derniers.
L’ouvrage est dense. Son éclectisme fait qu’on a sous la main plusieurs livre dans un seul.
Kassia G.-A.
Histoire de l’Algérie à la période coloniale, 1830 – 1962. Editions La Découverte et Barzakh
15 septembre 2012
Histoire