Culture : Le coup de bill’art du Soir
Il était une fois un bar-restaurant à Alger. Le décor n’a pratiquement pas changé depuis la période coloniale. C’est toujours le même comptoir en bois et les mêmes chaises autour des mêmes tables.
Les clients, tout en buvant un coup, admirent les jolies toiles accrochées au mur, peintes par un artiste pied-noir. Si ce n’est le fait qu’il soit un bar, cet espace où se rencontrent des habitués passerait inaperçu. Des gauchistes y côtoient des «bourgeois» sans le moindre problème, parfois autour du même gueuleton. Le propriétaire du bar-resto est un homme assez âgé, lui-même «consommateur avec modération» de bon vin. Mais ses fils ne sont pas comme lui. Sachant que la vente et la consommation de boissons alcoolisées est haram (illicite du point de vue religieux), ils insistent auprès de leur père «indigne» pour qu’il transforme le bar en café. Un jour, il finit par céder. Il laisse le local à ses enfants et prend sa «retraite». Le bar devient un café. La plupart des jeunes du quartier y entrent pour la première fois. Les portes qui étaient presque tout le temps fermées (par discrétion) sont maintenant tout le temps ouvertes aux quatre vents. Mais il y a pire. Le quartier a perdu sa quiétude. Des cris et des éclats de rire se font entendre tout le temps. Mais ce qui gêne les habitants des immeubles voisins, ce sont ces hommes qui tapissent les murs tout autour du café. Un verre de café à la main, ils sont comme cet «homme qui regardait les fenêtres» pour reprendre le titre d’un film de Merzak Allouache. Les femmes ne peuvent plus regarder par la fenêtre ou sortir sur le balcon. Les gens regrettent le bar, mais personne n’ose le dire. Nous étions en 1989…
K. B.
bakoukader@yahoo.fr
14 septembre 2012
Kader Bakou