Rumeurs et échéance réactivent l’électrocardiogramme national à plat depuis le 10 mai. Dans un pays où l’authenticité et les vraies valeurs du nationalisme politique et économique sont brandies en étendard pour souligner la bonne santé du candidat à un sourire de reconnaissance et à un poste de responsabilité, la contrefaçon s’invite et s’installe en terrain conquis. Du sentiment au dernier clou, du discours politique à la courroie de transmission d’une 205 poussive, des chiffres sur le terrorisme résiduel à la montre Omega, made in China, tout est sujet à contrefaçon. Le taux de participation, le JT officiel, l’intérêt populaire pour la politique, le sigle des partis, le bonheur du peuple d’en bas, la liberté de la presse, la nationalité de l’argent, l’influence des étoiles et la météo sont frappés du sceau de la contrefaçon qui échappe aux statistiques douanières. La contrefaçon, à force, est en passe de devenir une constante nationale avec la démocratisation du procédé à tous les pans de la nation. Elle s’inscrit, dorénavant, dans une logique de gouvernance où tout et n’importe quoi, ont leur propre existence avec photo et CV mais également leur reflet, enjolivé, empaqueté et prêt à être vendu à la première échéance. Vrais, faux moudjahidines, fausse déclaration et véritable saignée du pays, larmes d’origine et passeport de substitution, le pays navigue entre deux visions du monde, l’une algérienne et l’autre parfaite, finissant par confondre les deux rives et verser fatalement et irréversiblement vers la schizophrénie. Dans un pays où se côtoie fausse barbe et vrai compte en banque, où travaille smicard authentique et l’ombre de l’UGTA, où dort sur un toit le fils du pauvre et un ministre sur le dos des Algériens, le fossé se creuse chaque jour et à chaque baril de pétrole exporté entre le peuple oublié et les derniers étages de la République. A opposer deux versions parallèles d’un même produit, on se dirige forcément vers l’aliénation d’une des parties en conflit et son éradication. A vouloir faire subsister la gauche et la droite, le noir et le blanc, le ciel et la terre, le peuple et le gouvernement, les décrets et la corruption, la démocratie et les chancelleries, on contribue à renflouer les statistiques sur la contrefaçon. Dans un pays où crier sa colère est assimilé à un début d’émeutes, où ne pas aller voter par conviction à un semblant de corruption, où chercher un autre pays au risque de sa vie à une tentative d’assassinat, la contrefaçon des cosmétiques, de la pièce détachée et des médicaments, même si elle charrie leurs dangers de mort, fait pâle figure.
11 septembre 2012 à 11 11 27 09279
Merci pour cet article très intéressant!