Nous sommes, par principe, à l’orée de la constitution d’un nouveau gouvernement. La chose devrait être réalisée comme résultat aux joutes législatives de mai 2012. Avec l’organisation maintenant officielle des municipales pour le 29 novembre qui n’influe en rien sur un nouvel état-major gouvernemental, quel sera donc son nouveau personnel ?
Le temps s’est arrêté pour permettre à la réflexion de faire ses affres. Un gouvernement étant nécessaire, il doit y avoir du nouveau. Les temps ne sont plus les mêmes. Les ministres aussi. Ceux d’antan faisaient parler d’eux. Les actuels également. À la seule différence que c’est dans la charge sémantique que se situe l’appréciation des uns par rapport aux autres. Il fut un temps où nos ministres étaient connus de tous. L’on retenait aisément leurs noms. L’on savait à quel patronyme était dévolu tel département ministériel. Ce nom là, remplissait vastement le secteur en question. A commencer par l’actuel président de la république. Bouteflika était synonyme des affaires étrangères. Tayebi Larbi celui de l’agriculture. Et ainsi de suite. En ce jour seul un nom continue à retenir l’attention. Est-ce du au brio par lequel le ministère de l’éducation est géré ou est ce par la pérennité de ce nom ? Les autres ; ce sont des noms usuels que seuls les esprits concernés, les subalternes, les chercheurs et les intéressés d’une manière ou d’une autre semblent pouvoir retenir le temps d’un remaniement alternatif. Les anciens perduraient outre dans le temps, mais aussi dans la connotation de la perpétuité des taches qu’ils accomplissaient. Belaid Abdsellam n’est-il pas glorifié d’être le « père de l’industrialisation » ? A contrario de ceux-ci, certains de nos récents serviteurs sont aussi targués d’être non pas des marques déposées de produits de haute qualité mais tout simplement de très hauts fonctionnaires par ci par là.
Ces ministres d’antan n’avaient entre autres objectifs que celui de devoir hisser à un niveau espéré le secteur attributionnel dont ils avaient la charge. Ce fut au nom du peuple que leurs actions se perpétuaient. Et non pas au nom d’un principe budgétaire ou d’un impératif mondialiste. Les seuls indices de performance dans la gestion étaient l’écho urbain et rural. La loi qu’ils appliquaient ou faisaient appliquer était cette loi qui rendait hommage aux classes pauvres et démunies et assuraient par voie de conséquence la conservation d’un peuple et sa marche en avant. Les droits de l’homme en cet instant n’étaient qu’un luxe, tant que l’homme cherchait le droit à la survie remettant dans la voie des institutions ses libertés, son expression et tous ses hypothétiques droits. Les ministres d’antan provenaient d’une pépinière un peu exceptionnelle. Ou de la maison révolutionnaire ou du sentiment national. Mais guère de la coopération technique. Ils étaient bien de chez nous. Ils le sont heureusement toujours, pour certains. Nous n’avions point connu de binationaux qui vaquaient aux postes les plus supérieurs de l’Etat et se gavaient des ristournes émanant du trésor public. Leur progéniture, certes fréquentait pour les uns, les hautes universités d’outre-mer, mais n’y était pas née. Ils étaient des militants. Ils sont des fonctionnaires. Ils étaient des décideurs. Ils sont des demandeurs d’avis. Ils étaient les serviteurs d’un Etat. Ils sont au service d’un régime
Nos ministres du moment font de la gestion une mécanique qui répond aux doléances quotidiennes. Peu importe le feedback qu’ils reçoivent. Ils font de la statistique. Ils la commentent sans nul idéal de vouloir convaincre quiconque. Ils crapahutent néanmoins à aspirer faire quelque chose de bon. Limités parait-il dans leur champs d’action, ils tentent cahin-caha à chaque fois de se déresponsabiliser à la décharge d’entraves ou d’obstacles majeurs. Seul le pouvoir est censé apprécier l’effort de l’un par rapport à l’inertie de l’autre se disent-ils. C’est pour ce dernier justement qu’ils semblent agir et s’entêtent de faire croire à autrui une bénédiction d’en haut. Devant tous ces paradoxes, sur quel registre évalue-t-on donc un ministre ? Sur le nombre de ses inspections extra-capitale, les projets engagés et non réalisés, les moyens déployés mais mis vainement en branle, les chiffres rébarbatifs, les études lancées et demeurées sans suite ? Alors que l’on devait le faire sur l’état de satisfaction des utilisateurs et usagers du produit ministériel. Un ministre doit produire quelque chose, ou d’essence matérielle et physique ou de service. Sommes-nous satisfaits de l’état de nos routes, de nos cités, de nos ports et aéroports, de nos gares routières et ferroviaires, de nos administrations, de nos guichets de payement ou de l’état civil ? Le sommes nous également sur nos salaires, pensions, bourses, primes et allocations ? Sommes-nous heureux de revenir du marché prenant en guise de panier, un sac poubelle à moitié vide ? Le sommes-nous également quand l’on interroge nos bambins sur leur journée passée à l’école, à l’université ou dans la rue ? Peut être que ce ne sont ici que quelques paramètres d’évaluation citadine, loin de l’orthodoxie des exégètes en matière d’évaluation managériale.
Car le citoyen en finalité, outre qu’il soit esprit est aussi matière. Il a des besoins dont la satisfaction demeure du ressort de ceux qui sont censés le gouverner, sans qu’il y ait cependant de sa part une banale volonté pour le faire. Entre ministres d’hier et d’aujourd’hui, il y a toute une période temporelle, toute une culture gestionnelle, toute une génération de cran, de gabarit et d’ossature. Ils ne prêtaient pas le flanc tout azimut. Des hommes de baroud, de nif. Le risque dans la gestion de leur département n’était pas incarné dans la fâcherie de la présidence, mais bien dans le remord moral qu’entraînerait une faillite ou la sensation terrifiante de la mission inaccomplie ou échouée. Une situation donnée ne s’assimilait pas simplement à un point d’ordre du jour gouvernemental. Elle était un devoir national. Presque un djihad. A la imite d’une affaire personnelle. La démission alors n’était pas une procédure. Tant que l’adhésion fut un acte de militantisme. Le contraire était le limogeage. Donc une mort politique. Plus grave qu’une mise fin aux fonctions, qui permettra un temps après un probable retour aux affaires ou une transformation radicalement mercantile. Que n’a-t-on pas vu de ministres, une fois out, se reconvertir dans un championnat de mutisme et de désengagement politique radical.
De nos actuels l’on ne garde pas assez de noms ni assez d’intitulés exacts de leur portefeuille ministériel. L’on ne se rappellera d’eux que par quelques frasque et déboires. Hilarité ou ironie. Tellement, qu’elle devient l’équivalent d’un record, la longévité dans ce conseil, à l’exception d’un cas est une denrée rare. A peine chauffé, que le cuir du fauteuil ministériel éjecte bien au large dans les vagues de la disgrâce son précaire locataire. Furtif est le nom qui s’y assoit, aléatoire sera la fonction qui lui échoit. La postérité gardera tout l’effectif des premières années postindépendance jusqu’à presque les années 80 où tout commença à basculer vers le dérisoire que l’on s’enorgueillit d’appeler le renouveau sous un slogan d’une meilleure vie. Bouteflika avait gravé pendant 17 ans les fiches de pointage du département des affaires étrangères et pourtant sous la houlette d’un président plus redoutable qu’il ne l’est, lui actuellement. Beaucoup d’autres eurent au moins un record similaire. Seul Benbouzid est en passe de battre Bouteflika sur ce record. 20 ans, baraket !
Bouteflika n’aurait-il pas déclaré à la fin de son premier mandat à propos de ses ministres « c’est le gouvernement le plus médiocre qu’a connu l’Algérie » Il ne suffit pas, pour être ministre de la république, d’avoir été un généraliste de campagne, un enseignant, un mouhafedh, président d’association, de croissant rouge ou de comité de soutien. Ni être l’enfant protégé ou le sujet d’un parrainage de sérail. Etre membre d’un gouvernement cela suppose d’abord une conscience du souci national. La charge est lourde. Loin de se consumer dans l’ultime phase d’un parcours professionnel jusqu’ici réussi ; la fonction de ministre est aussi une conviction intime de pouvoir encore réussir. Elle ne devait donc pas se contenir dans un rajout de mentions à une carte de visite.
Entre ministres d’hier et d’auj-ourd’hui, il y a toute une culture, toute une génération ce qui fait dire qu’une grande diversité de vision est venue bouleverser l’ordre des valeurs. La problématique du qui a tord qui a raison s’élève pernicieuse et complexe. Mais si l’on arrive à re-identifier ces valeurs et connaître adéquatement leur ordre ; l’on saura sans doute qui peut être ministre et comment l’apprécierait-on. En attendant ; qu’ils gouvernent, que nous subissons !
La rumeur circule en toute fluidité et ceci à défaut d’une étude de profil. Cette rumeur selon son diffuseur est toujours digne de foi ou de source crédible. Apres moult rumeurs voilà que Sellal vient d’être nommé là où ces rumeurs le plaçaient comme favori. Dans un Etat équivoque toutes les rumeurs se confirment. Le silence des couloirs est certainement en plein travail. La navette des fiches de propositions connait un taux d’accomplissement des plus performants. La situation exigerait d’importantes mesures radicales. L’on ne peut s’attendre à une simple et tacite reconduction. Certes il n’y aurait pas assez de remous dans la cocotte mais, au moins un léger remue-ménage. Beaucoup de noms sont avancés comme étant de probables futurs ministres. Ou ceux qui ont une grande chance de pouvoir encore passer pour être encore reconduits. Si certains d’entre eux n’émeuvent personne, d’autres par contre doivent se saisir et connaitre la valeur du baroud d’honneur lié à la décharge. Partir de son propre gré vaut mieux qu’un limogeage. Ils le savent comme ils savent leur degré de décadence dans l’opinion publique. Pour ceux qui vont venir l’avenir leur est un lourd calvaire à supporter jusqu’à l’enfantement attendu. Ils doivent être relativement jeunes et surtout d’affermis professionnels. Le pays n’a plus besoin d’icones, ni de symboles. Encore moins de lauriers avachis. Il est dans l’obligation de se garnir à la tête par des compétences ayant fait leurs œuvres ici, chez nous, à l’ombre des institutions ou en charge de quelques unes d’entre elles. Il y a des gens qui ont réussi leurs programmes de modernisation, qui ont fait des couloirs verts fluidifiant ainsi l’opacité envahissant les ports et leurs quais. D’autres qui ont mené jusqu’au bout des reformes, des recherches et des actions d’envergure nationale. Ils ont mené la théorie des élections, préparé la mouture des codifications, permis l’ouverture démocratique malgré une réticence partisane. Nous les verrons assidus et affranchis du complexe systémique. Privilégiant le futur national à un passé excédement ressassé. Le professionnalisme et le pragmatisme n’y seront qu’un prélude à une autre phase de la reconstruction de lEtat en état de recherche permanente.
* Cette chronique a été rédigée et adressée à la publication le matin du mardi 04 septembre, soit au moment où le staff gouvernemental n’est pas encore constitué.
7 septembre 2012
El Yazid Dib