Culture : En librairie
LE 17 OCTOBRE DES ALGÉRIENS, DE MARCEL ET PAULETTE PÉJU
Silence, on tue !
Secrétaire général des Temps modernes depuis 1953, Marcel Péju était, en 1961, l’un des membres de l’équipe de la revue la plus engagée en faveur de l’indépendance de l’Algérie.
Il avait fait la connaissance à Lyon de Frantz Fanon, qu’il avait d’ailleurs présenté à Jean- Paul Sartre. Puis il a rencontré à Paris des militants algériens du MTLD, dont M’hammed Yazid qui occupera en 1961 le poste de ministre de l’Information du GPRA. Né en 1922, Marcel Péju est décédé en 2005. Pour sa part, Paulette Péju (disparue en 1979) a travaillé en tant que journaliste au quotidien Libération, sous la houlette d’Emmanuel d’Astier de La Vigerie. A l’été 1962, ce couple avait tenté de publier ce manuscrit dans la collection «Cahiers Libres» chez l’éditeur parisien François Maspero. Marcel et Paulette avaient recueilli à chaud de nombreux témoignages d’Algériens miraculeusement rescapés du massacre de la sanglante journée du 17 Octobre 1961. Mais ce projet est resté dans les tiroirs. Ce n’est qu’un demi-siècle plus tard qu’il a pu voir le jour grâce à l’historien Gilles Mancero qui explique sa démarche comme suit : «Au départ, quand on m’a parlé du 17 Octobre, je ne savais pas ce qui s’était passé. En plus, ça me paraissait énorme. Je n’ai rien trouvé dans les livres sur la guerre d’Algérie de l’époque. J’ai cherché dans les archives, mais elles étaient fermées à partir de 1939 … Ça a été très long.» Le 17 octobre 1961, des dizaines de milliers d’Algériens répondent à l’appel de la Fédération de France du FLN pour une marche pacifique à Paris. Les manifestants se heurtent à la féroce répression des policiers, sous les ordres du préfet Maurice Papon. Massacrés, jetés dans les eaux glacées de la Seine, près de 200 Algériens trouveront la mort durant cette funeste nuit, dans l’indifférence de l’administration française. De nombreux témoignages recueillis à chaud racontent ce cauchemar. «Place de la Concorde, le métro s’arrête, les portières s’ouvrent, tous les Algériens descendent. Nous nous dirigeons vers toutes les sorties. ‘‘Mains en l’air ! Haut les mains !’’ Les CRS et les policiers de toutes sortes, rageurs, comme si on leur avait fait quelque chose, nous injuriaient. Ils étaient armés de mitraillettes, de révolvers, de matraques… Ils avaient en main de courts manches de pioches… D’autres cachaient des barres de fer fourrées dans des tubes de caoutchouc noir…» (Page 57). La violence est extrême, comme le révèle un autre manifestant qui a eu la chance de s’en sortir : «Les coups sont tellement forts que chaque Algérien ruisselle de sang, ou vomit… Ceux qui ont eu le courage de protester contre cet acharnement barbare et inhumain, ceux- là sont morts. Personnellement, je porte trois blessures à la tête sans compter les bosses. Mais je m’oublie pas quand je me rappelle les douze cadavres que j’ai vus allongés un peu partout sur le trottoir.» (P.59). Le 17 Octobre des Algériens de Marcel et Paulette Péju est suivi de «la triple occultation d’un massacre» relatif au silence qui a entouré cette tuerie. Gilles Manceron tente d’y apporter des réponses. A lire absolument.
Sabrinal
Le 17 Octobre des Algériens, de Marcel et Paulette Péju, Editions Médiaplus, 2012, 192 P., 900 DA.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/09/04/article.php?sid=138710&cid=16
5 septembre 2012
Histoire, LITTERATURE