Par Kaddour M’HAMSADJI
si la voix d’un siècle c’est sa poésie, le chant des Rossignols de l’Association éponyme de Chéraga a redonné au palais des Raïs à Bâb-El-Oued d’Alger, le temps d’une soirée, le son et le ton de son histoire féérique, émouvante et glorieuse.
Mercredi dernier 27e jour du mois de Ramadhâne 1433, Le Temps de lire a été invité au palais des Raïs. Ce prestigieux patrimoine national, couramment appelé Bastion 23 à l’époque coloniale, a accueilli, durant toute la soirée d’un temps clément, un monde de mélomanes de tout âge. Sur sa terrasse ouverte à la mer, l’ensemble des jeunes musiciennes et musiciens et chanteuses et chanteurs (dix-huit ans de moyenne d’âge), encadrés par leur maître Youcef Ouznadji et président de l’Association Anâdil el Djazâir, soutenus par des aînés de toutes les cultures littéraires ou artistiques tel que Ahmed Serri, ont offert une prestation de bonne qualité dans les genres madih, melhoûn et pur andalous s’appliquant à nous rappeler des pièces poétiques rares de «jadis et naguère». La seconde partie de ce concert a été excellemment animée par Mahmoud Hadj Ali dont la voix et la diction ont comme toujours véhiculé une émotion artistique pleine de charme. Il y avait durant cette soirée-là une forme de «bibliothèque médiathèque» des plus prometteuses et des plus accessibles au public composé de nombreuses familles.
Et maintenant voici, extraits de notre Petite bibliothèque de l’été 2012, les livres que je propose cette fois-ci à nos lecteurs:
- ECH-CHEÏKH EL HÂDJ KHELIFI AHMED, Publication conçue et réalisée par Abdelkader Bendamèche, Ministère de la Culture, Alger, 2011, Dix CD: «Il me faut souligner que chacune des nos régions a son âme propre évoluant dans les plis de l’histoire de notre pays qui est évidemment formé et unifié depuis fort longtemps. L’histoire de la culture algérienne, notamment dans le domaine du patrimoine immatériel, et plus précisément dans la poésie populaire, nous offre des exemples de poésies chantées dont le verbe oral est constitué d’une des premières syllabes traduisant, dirai-je, l’état d’âme de l’identité algérienne. [...] J’en viens à la poésie chantée de Cheïkh El Hâdj Khelifi Ahmed. Ah! que de fois son «ayèye» avait fait naître en nous des rêves, des espérances, des douceurs vives et inaccessibles quand nous étions à l’âge de l’enthousiasme juvénile, à cette phase d’historicité où l’homme commençait à poindre en nous! Pour écouter Khelifi Ahmed, nous allions alors dans les cafés maures où l’on jouait ses disques et où la radio d’Alger en arabe diffusait ses chansons. Tout naturellement, Hayziya nous passionnait et la voix chaude et sonore de Khelifi Ahmed qui était toujours accompagné de son sublime gaççâb Saad Belgacem dit Lakhdar, nous transportait loin dans les espaces de notre prodigieuse imagination.[...] Après ce bref rappel, puisé dans diverses sources dont celles de Sî Abdelkader Bendamèche, il est agréable d’aller vers le coffret de CD de Cheïkh El Hâdj Khelifi Ahmed et d’écouter cette voix si extraordinairement limpide et puissante, et si fraîche et si chaude, et si douce et si rebelle, et si pleine et si frissonnante qu’il pourrait sembler au rêveur mille certitudes idylliques fleurir en pleine aridité du Sahara, terre enfin trempée de pluie bénie où germent les semences d’espoir d’une humanité algérienne revivifiée.»
- IBN KHALDOUN, Un génie maghrébin de Smaïl Goumeziane EDIF 2000, Alger, 2001, 190 pages: «(L’auteur) étudie, analyse et présente de nombreuses facettes de la pensée khaldounienne dont L’homme politique et le savant, L’historien, L’économiste, Le Maghreb au coeur des conflits, Ibn Khaldoun» et le siècle des Lumières. En somme, dans son livre, Goumeziane nous remet en mémoire l’illustre personnalité d’Ibn Khaldoun tout en mettant en lumière, à la fois, sa pensée riche en hautes valeurs, son art délicat et sa place dans l’actualité universelle. À cet effet, il se consacre à une analyse fine, méthodique et convaincante de l’oeuvre monumentale de ce maghrébin génial du xive siècle qui réunit en lui science et action, et dans laquelle les plus grands chercheurs modernes libres continuent de puiser des références pour étayer les conclusions de leurs travaux nouveaux dans tous les domaines: Histoire, Politique, Sociologie, Économie politique, Psychologie sociale. Enfin, la plus belle vanité de l’Algérien est, sans conteste, de vouloir commencer à lire Ibn Khaldoun pour apprendre ce qu’est la liberté du jugement et comment la porter à son plus haut point.»
- L’ÉQUATION AFRICAINE, de Yasmina Khadra, éditions Julliard, Paris, 2011, 327 pages; «L’intention de l’auteur est de présenter ici telles qu’elles sont les réalités humaines tout en circonscrivant les valeurs qui font l’humaine condition. Le registre de l’Afrique meurtrie est ouvert à plat totalement; à l’évidence, la sauvagerie supérieure où qu’elle règne a pour couronne la barbarie. Alors le drame actuel de l’humanité ne serait-il pas là pointé par un Yasmina Khadra plus que jamais idéaliste à raison, combattant vigilant contre l’exclusive, l’intolérance et la médiocrité chevillées dans les coeurs? Bien sûr, nous pourrons croire à la réalité de cette détestation, car elle est si insidieusement installée à travers le monde qu’elle fait sans cesse des surenchères injustes, insupportables, préjudiciables à l’honnête homme – elle procède d’une «qualification» peu commune – et, dans la foulée de son dessein malfaisant, elle se persuade des gains de jouissances apportées à sa «Vérité» suspecte. C’est dire qu’il n’est pas difficile de démontrer, quand l’esprit est mauvais, combien est mauvais l’esprit mauvais: l’accusation est au rabais de la volonté de nuire. Cela va dans la vie des orgueilleux comme il va dans la vie des miséreux, comme il va encore plus fort dans la vie où les vieux nantis se sont fait de vieux os sur les générations de squelettes dépourvues de vitalité. Ici ce n’est pas la peinture d’une nature morte… et belle; on décrit un mal de l’esprit! L’équation africaine est en quelque sorte l’incarnation décortiquée de l’exclusion, la douleur même en sa triste élégance!»
- LES MIROIRS AUX ALOUETTES, de Badr’Eddine Mili, Chihab éditions, Alger, 2011, 227 pages: «Le choix de l’auteur me paraît clair: dans un lieu perceptible, un contexte historique prouvé, une société définie, il transcende le vécu de son jeune personnage émerveillé par l’avènement d’une Algérie indépendante, en donnant du sens au récit général et, tout spécialement, de l’étoffe aux personnages antagonistes. J’y vois là une audace d’écrivain algérien qui, fort de sa déjà longue expérience dans la pratique de l’audiovisuel, entreprend d’introduire dans son oeuvre un concept où prédomine le fantastique national tous azimuts. De quoi est-il question? Des souvenirs égrenés dans le chapelet de l’histoire de l’Algérie des années 1960-1970 par le jeune Stopha, venu de Constantine, sa ville natale, étudier à Alger, la ville encore traumatisée par la crise politique et sanglante de l’été 1962. Mais en extérieur, elle est en fête, comme toutes les villes du territoire national; il faut reconstruire le pays.»
- LES SECRETS DE L’EXTRÊME, de Nour-Eddine Mamouzi, éditions Zyriab, Alger, 2011, 222 pages: «Il y a tant de choses à apprendre de l’inconnu. Même dans la déception tout comme dans la fascination, même dans le mystère tout comme dans l’impossible, même dans le drame tout comme dans le bonheur, même dans l’extrême tout comme dans le sentiment exacerbé, les secrets ne sont en définitive que l’évidence de notre propre croyance. Cette subtile réflexion, qu’il n’est sans doute pas donné à tous de dénouer, est étayée avec délicatesse et ferveur dans un récit intitulé Les Secrets de l’extrême de Nour-Eddine Mamouzi.»
Il est encore temps, pour Le Temps de lire hebdomadaire, de dire à chacun de vous çahha ciyâmkoum et Îd moubârak wa saîd!… Évidemment, La Petite bibliothèque de l’été 2012 continue…
1 septembre 2012
Kaddour M'HAMSADJI