Par Kaddour M’HAMSADJI
il est des promesses que l’on aime et des promesses que l’on abandonne sans regret à leur très vaniteux auteur…
Tant il est vrai que les promesses ne sont pas des sciences exactes. Pourtant, unanimement et avec insistance, il a été assez dit et répété dans les séminaires, dans des rencontres de haut niveau intellectuel et de responsabilité nationale, dans des Salons du Livre, que le livre est une nécessité pour celui qui veut se cultiver.
Cinquante ans d’indépendance avaient donc fallu pour que l’on songe enfin – grâce à des réunions de sages, apprend-on – à faire retrouver au livre sa place à l’école, c’est-à-dire pour que le livre trouve sa khizâna, une armoire, une khizânat el koutoub, une armoire à livres, une bibliothèque au vrai sens du terme, – à l’école et pourquoi pas en classe aussi? Je parle d’armoire simple ou de rayonnages ordinaires mais protégés de la poussière et de tout… en attendant que de bonnes âmes veuillent proposer un meuble esthétique qui flatte l’oeil et excite le sujet au point de lui donner envie d’y accéder pour choisir un livre. L’idée d’organiser les Assises sur «Le Livre et la Lecture» réclamée justement par la dynamique et vigilante Association des Amis de la Rampe Louni Arezki-Casbah-Alger ainsi que par d’autres Associations culturelles et par tous ceux qui réfléchissent sérieusement, en toute conscience, sur l’avenir de notre jeunesse, me semble avoir éveillé (yeux et oreilles tout ouverts) quelque instance éducative à formuler une prodigieuse promesse. Et celle-ci, elle sera suivie pas à pas par tous les Amis du Livre: à la rentrée scolaire prochaine, chaque école algérienne aura sa bibliothèque! Le bonheur est dans cette promesse, ce bonheur sera complet quand l’idée deviendra un fait… En ces jours de Ramadhâne el moubarak, formons des voeux afin que cette promesse soit tenue, in châa Allah!
- ECH-CHEÏKH QADDOÛR BEN ACHOÛR EZ-ZARHOÛNÎ par Mohammed Benamar Zerhouni Format (22×30) cm, couverture cartonnée en couleur. Éditions Houma/Bibliothèque nationale, Alger, 2011, 628 pages: «À Nedroma, en wilaya de Tlemcen, il est un tombeau devant lequel vont se recueillir de nombreux adeptes de la tarîqa (ordre religieux) de Sîdî Qaddoûr Ben Achoûr ez-Zarhoûnî (1850-1938) dont l’essentiel est l’amour infini pour Dieu et la pratique constante d’une morale religieuse sans reproche. De fait, son mysticisme est de caractère çoûfî maghrébin, issu d’une doctrine métaphysique fortement humaniste et abondamment imprégnée de la pensée théosophique de l’illustre andalou Mohieddine Ibn Arabî (1165/1240), surnommé «Cheïkh el Akbar» dont, au reste, l’émir Abd el Kader avait lu des ouvrages et avait été admirateur. [...] Pour en venir au fonds du Diwân, je crois reconnaître chez Mohammed Benamar Zerhouni un scrupule de chercheur – car il explique comment il a pu réussir sa belle compilation – et une sérieuse application d’amoureux de beaux poèmes populaires qui entend faire sentir au lecteur, sans doute, non seulement «l’essence spirituelle» du poète mystique ech-Cheikh Qaddoûr Ben Achoûr ez-Zarhoûnî, mais bien entendu aussi la valeur éducative, culturelle et artistique des qaçâid proposées.»
- L’AFRIQUE DU NORD d’YVES LACOSTE, EDSCO DOCUMENTS, Chambéry (France-Savoie), 4e année 1957: «Le lien entre extermination et colonisation a été reconnu et décrié par de nombreux historiens français dont certains sont pourtant peu suspects d’anticolonialisme.
Autrement dit: L’histoire n’a qu’une seule loi: sa propre vérité.
Ce n’est là qu’un survol de l’«oeuvre de civilisation» produite par la colonisation française en Algérie. Cette «civilisation», assez méconnue ou ignorée, a évidemment atteint l’extrême de l’horreur (la guillotine surnommée «la veuve» et la torture à la chaîne) pendant la guerre d’Algérie de 1954 à 1962. Durant celle-ci tout le peuple algérien, combattant suprême, s’est dressé contre l’armée d’occupation en acceptant tous les sacrifices pour la libération nationale activée par deux organisations populaires intimement liées: le F.L.N et l’A.L.N. Le peuple algérien, victorieux le 5 juillet 1962, est le seul héros, car il compte parmi les siens plus d’un million et demi de martyrs…
L’histoire ne les oublie pas, ils sont dans ses plis de gloire, tout comme les héros de l’Algérie de tous les temps.»
- BURURU YEHYA-D suivi de TIÃWIST N BURURU de Saïd Zanoun, Asqamu Unnig n Timmuzya, Alger, 2009, 318 pages: «Il ne s’agit pas d’une douteuse culture d’importation à laquelle certains voudraient nous habituer. C’est une part de culture algérienne de filiation ancestrale, réélaborée, au besoin, dans les temps durs des années cinquante-soixante et fixée comme ici dans le genre théâtral radiophonique par des Algériens passionnés de leur pays et qui ont oeuvré pour l’élévation culturelle de leur société dont la caractéristique est de vouloir s’ouvrir au progrès sous toutes ses formes. [...] Eh oui! c’est le vieil ami des auditeurs des émissions de la Chaîne II émettant en kabyle; c’est M.Saïd Zanoun, l’humble et célèbre auteur de plus de trois cents pièces de théâtre radiophonique dont la toute première a été écrite en 1955. C’est l’auteur de Bururu yehya-d (La Résurrection de Bururu) suivi de Tiãwist n Bururu (Le Hululement de Bururu). [...] Tout en disant bonne lecture à ceux qui ont le bonheur de lire – dans la langue source – ces récits de Bururu, édifiants par l’enseignement à tirer, je souhaite que bientôt ces mêmes récits soient sans complexe publiés, ici chez nous, dans une version double en arabe et en français. Ce voeu est également valable pour d’autres oeuvres d’auteurs algériens, ceux-ci qui, en quelque lieu qu’ils vivent et en quelque lieu qu’ils résident, restent avec coeur et raison fidèlement algériens. Indignons-nous contre nous-mêmes qui péchons d’orgueil et de jalousie mal placés, secouons nos consciences, mesurons et sauvons nos mérites, faisons-nous enfin confiance mutuellement,… car «trente pièces d’argent» reçues en guise de gratification, hors du champ et du bon sens algériens, ne feront jamais d’un Algérien, un homme heureux, total et stable!»
- LA PÉTAUDIÈRE de Youcef Merahi, Casbah-Éditions, Alger, 2011, 124 pages: «Dure vérité, sans doute, est La Pétaudière de Youcef Merahi, mais il faut l’assumer pour s’élever au-dessus du symbole que formerait le personnage d’Itij – «le candidat de l’avenir et que la mafia locale veut bâillonner» -, car il faut se persuader que «Demain, le soleil brillera». Cette commune dont parle l’auteur est bel et bien toute l’Algérie. Cela se résume magnifiquement dans les lignes suivantes: oui, «Jusqu’à nos jours, il en est ainsi des Kabyles. Ils opposent leur irrédentisme à tout vent. Ils sont prêts à rompre, à se briser, à mourir. Jamais ils n’ont accepté de se plier, de courber l’échine, d’admettre la flagornerie.» Oui, il en a été ainsi, il en est ainsi dans toutes les régions d’Algérie chaque fois que la parole humaine est fondamentalement algérienne.»
- LE 17 OCTOBRE DES ALGÉRIENS de Marcel & Paulette Péju, suivi de La Triple occultation d’un massacre par Gilles Manceron, éditions Média-Plus, Constantine 2012, 199 pages: «En grand intellectuel français, Manceron s’est chargé, en se rapprochant des hommes de conscience Français, Algériens, libéraux et progressistes, et selon les explications même des Péju dans leur livre, de «faire éclater la mystification» du 17 octobre. Respectant ce voeu, il publie intégralement, et augmentée de notes et de commentaires, l’enquête des coauteurs Péju qui ne sont plus hélas de ce monde. Le livre comprend donc une riche introduction, quatre chapitres (1 – La bataille de Paris. 2 – Le 17 octobre: pourquoi? comment? 3 – Ce soir-là… 4 – La manifestation des femmes [«Un millier de femmes algériennes et 595 enfants avaient été conduits dans des commissariats]) et cinq annexes: 1 – El Moudjahid: «La politique du crime». 2 – Fédération de France du FLN: «Appel au peuple français». 3- Appel des intellectuels français du 18 octobre. 4 – L’opinion française dénonce. 5 – Des Algériens accusent. Dans le dernier paragraphe de l’introduction à leur livre, les Péju ont écrit ces lignes: «Bref, le 17 octobre apparaît, avec le recul comme un acte politique de première importance. Ce qui exige de mieux le comprendre. Comment a-t-il été conçu, décidé, organisé par la Fédération de France du FLN? Comment a-t-il été vécu par ses acteurs?»
Quant à Gilles Manceron, il s’évertue à compléter ce document par un autre document dont il est l’auteur: «La Triple occultation d’un massacre.»
En attendant l’ouverture des prochaines bibliothèques promises, entrons dans la plus modeste, la plus simple et la plus accessible de toutes: La Petite bibliothèque de l’été 2012 du Temps de lire à L’Expression.
1 septembre 2012
Kaddour M'HAMSADJI