le 18.08.12 | 10h00
Cette gestion chaotique et stupide de la chose publique n’aura, à mon avis, qu’une seule conséquence : mettre l’Algérie à genoux ou sur un plat devant les revendications les plus ultras, les plus extrémistes de la société, donc les plus destructives, de telle sorte que la solution qu’est aujourd’hui possible, demain serait inopérante!
Quand nos dirigeants commenceront-ils à réaliser, à comprendre que trop de dangers guettent ce pays, trop d’ennemis sont en alerte, tels des vautours attendant au festin leur tour, pour qu’ils fassent surgir leur haine dissimulée au fond de leurs cœurs à l’encontre de notre pays. Depuis fort longtemps, des ennemis redoutables et pas forcément de l’extérieur, revêtent souvent la tunique d’amis et qui, ironie du sort, sont actuellement les bénéficiaires privilégiés de la manne de cette nation généreuse et que demain, sans aucun doute, ils seront les premiers à la renier au premier chant du coq. L’Algérie se trouve dans un tournant historique de son histoire contemporaine, là où elle doit choisir son chemin et elle n’a nullement droit à l’erreur !
Le temps court en faveur du changement. Faisons en sorte qu’il soit le plus «light», le plus doux possible, le plus révolutionnaire pourquoi pas. L’Algérie est en mesure de donner une autre leçon aux peuples arabes et à tous ceux qui aspirent à la démocratie et à l’Etat de droit, comme elle l’avait fait dans les années 1970, devenant la «Kibla» (direction) et l’exemple de pays révolutionnaires et d’idéal de libération pour ces peuples. Oui, notre «statut historique» nous oblige à agir avec discernement et intelligence vis-à-vis du printemps arabe et ne pas l’ignorer comme un non-événement. Il faut que les changements légitimes auxquels aspire l’ensemble de la société soient exaucés, concertés, oui pourquoi pas, afin de préserver les acquis du peuple et le devenir du pays.
Il n’est pas nécessaire d’être prophète pour comprendre que le pays va mal. L’Algérie se trouve hélas en «cale sèche». Trop d’erreurs ont étés commises, trop de dégâts ont étés perpétrés à tous les niveaux, politique, économique et social, aucune vue d’ensemble, aucun projet, ni conception de perspective claire d’un avenir commun n’a été dessinée ou imaginée pour ce peuple, pour ce pays, ni autour de quelles valeurs consensuelles cela devra être construit… Comme s’il s’agit d’une bâtisse qu’on a louée pour un temps et qu’un jour on va débarrasser le plancher, pareils à des mauvais locataires qui laissent la toiture goutter sur leurs têtes, sans se donner la peine de remplacer une tuile cassée, d’étaler un peu de ciment sur les fissures des murs lézardés, ou un peu de plâtre aux plafonds qui les protègent. Cela est dans l’intérêt du propriétaire et non du locataire diront-ils, oubliant que fissure après fissure, goutte après goutte, un jour la demeure tout entière va s’écrouler sur nos têtes. Nos jeunes s’immolent sur le bûcher de l’injustice, et des disparités sociales flagrantes, devenues trop voyantes et que nos responsables refusent de peser ce phénomène à sa juste mesure, «nos jeunes n’ont pas aimé leur vie au point de craindre la mort».
Personnellement, je l’ai dit au patron du Cnes, en l’occurrence M. Babas «…Ecoutez Monsieur, notre génération ne vous a rien fait du tout, avec tout ce qu’elle a enduré, elle est restée docile et bien tranquille ! Cela ne sera pas le cas pour celle-là ! En effet, la génération montante n’a pas les mêmes priorités, les mêmes repères, ni encore moins les mêmes principes sacro-saints que la nôtre. Vous auriez donc plus de mal à la convaincre et encore moins à la confiner.» Un Etat moderne ne se construit jamais par des esprits d’un autre âge. On adore tous être des chefs, mais pas responsables, on fait tout pour accéder aux postes et privilèges, mais sans fournir l’effort requit pour faire face à nos responsabilités et devoirs à l’égard de ce peuple, soit parce que la plupart d’entre nous sont incompétents, ou bien qu’une fois arrivés, le luxe de la nouvelle vie leur fait oublier le vrai boulot, le poste devient un but en soi. Servir la collectivité nationale qui attend sur sa soif n’entre plus dans leur priorité immédiate et ainsi nos problèmes vont en s’accumulant, en s’aggravant, au point où la solution qui est aujourd’hui possible, demain sera inopérante.
Sommes-nous à ce point à court d’idées ? Si dans une situation aussi féconde financièrement parlant (à ne pas confondre avec la fécondité économique qui est en carence hélas) où abondent les richesses dont nous a dotés le bon Dieu et une situation disant relativement stable du pays, n’arrivons plus à gérer, que ferions-nous alors si les vaches maigres pointeraient du nez ? Ou si une grande catastrophe frapperait ce pays (que Dieu nous protège) ? Entre nous, franchement, avec 120 dollars le baril, même ma grand-mère serait en mesure de gouverner avec aise. De cette gestion, il résulte que la composante sociale a énormément changé aussi bien en quantité qu’en qualité. L’absence de l’Etat dans presque tous les aspects de la vie sociale et déprimante et plus que déconcertante, à tel point que le peuple est devenu libre de faire ce qu’il veut, hormis la politique bien sûr ! Les gens sont devenus si virulents, si égoïstes, l’éducation, l’altruisme, la solidarité, la finesse des Algériens d’antan ne sont que de bons souvenirs, comparée à ce qu’on voit au quotidien, au point où, parfois, l’on se demande franchement si ce peuple mérite vraiment d’être libre de cette forme de liberté-là sans droits.
La liberté, la démocratie ne peuvent subsister que dans un seul milieu, l’Etat de droit. Toute autre forme de liberté en-dehors de cela n’est qu’anarchie et diversion. Si l’image de l’Etat existe, c’est par rapport à une minorité d’Algériens, à ce peu de monde qui observe encore et volontairement les lois, et donne par cette attitude l’impression qu’il y a un Etat et un système de gouvernance, car la majorité malheureusement viole les lois, et l’Etat n’est même pas en mesure de les faire respecter, sauf pour les revendications politiques durement et immédiatement réprimandées.Il est temps de considérer, plus l’opinion publique interne qu’externe, à répondre aux aspirations de son peuple, c’est le seul étalonnage crédible sur lequel devrait être pesée toute politique. C’est en fait le véritable indicateur de réussite et de bonne gouvernance que de chercher inlassablement à gagner l’amitié et voir ce que pensent certaines capitales de la sphère occidentale de notre gestion, de notre politique, de telle sorte qu’un silence de l’oncle Sam est déchiffré comme une grande victoire de notre politique et signe de satisfaction, un éloge de Matignon est perçu comme un appui.
Les temps ont bien changé, l’Algérie, les démocraties occidentales aussi, elles commencent à réaliser, quoique un peu tard, que ce sont les régimes totalitaires qui créent directement ou indirectement la violence et la favorisent à toute autre forme d’expression libre, démocratique et donc civilisée, en muselant les voix libres et indépendantes de leur société et en soumettant l’élite cultivée à l’intimidation et à l’oppression bien souvent. Ces régimes forment en fait le milieu nutritionnel, naturel où prolifèrent les germes de la haine, de la violence et donc du terrorisme. Du point de vue coût financier, ils commencent enfin à réaliser qu’il serait moins coûteux pour leurs contribuables de pousser ces régimes, les persuader à se démocratiser que de combattre leur enfant naturel, le terrorisme qu’ils fabriquent directement ou indirectement et qu’ils finissent par le leur exporter.
Devenant une véritable pépinière de l’idéologie de la violence et de la haine de l’autre, ces régimes où règnent la terreur dictatoriale, la tyrannie, l’impunité, l’injustice, «la hogra», comme disent les Algériens, les disparités sociales, les crimes économiques et les pillages systématiques des ressources partagées entre clans et groupes d’intérêt mafieux qui ont réussi à faire partie intégrante de l’Etat lui-même, au point d’être assimilés à des jumeaux siamois, difficiles à séparer même par acte chirurgical, résistent ainsi à tout changement d’où qu’il vienne.
Cela devrait faire réfléchir nos dirigeants, ils doivent comprendre une fois pour toutes qu’un peuple qui communique ne peut être asservi, un peuple qui voit vivre les autres respirer un air de liberté dans un Etat de droit à quasiment 150 km de ses côtes ne peut et ne doit accepter autre chose que d’être libre et civilisé, d’autant plus qu’on a payé le prix fort pour se débarrasser d’un terrible colonialisme étranger qui a duré le temps de plusieurs générations.
La chose la plus stupide que commettrait un dirigeant, c’est d’ignorer les alertes que lance la société avec ses diverses franges, ou en faire de mauvaises interprétations, ou bien aller à dénigrer son peuple, l’intelligence des masses est subtile, elle capte et décode vite les messages d’où qu’ils viennent, le peuple aura au bout du compte le dernier mot. Nonobstant dans cette entropie sociale ce bouillonnement d’idées et de revendications populaires, il faut faire la bonne lecture. En effet, il y a de vraies alertes, comme il y en a de fausses, celles émanant notamment de la classe politique, pseudo politique ou se déclarant carrément intellectuelle, se trouvant aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, on y distingue trois catégories : la première se considérant comme victime politique reconnue du système depuis fort longtemps, exilée de force ou de gré de la vie politique du pays et qui espère un jour pourquoi pas retrouver un rôle dans l’Algérie après révolution à laquelle ils ne cessent de prophétiser. La seconde, c’est la classe politique nationale bien officielle celle-là, qui a toujours été nette avec l’Etat et prête à jouer le jeu du système en acceptant toutes les règles qui leur furent imposées par ce dernier.
Ils ont participé à ce jeu, afin de ne pas laisser, disaient-ils, le champ libre au système, croyant de bonne foi que l’exercice démocratique «incomplet» et «distordu» n’est qu’à ses premiers pas, il fallait donc lui laisser un peu de chance, donner du temps au temps, comme on dit, et ne pas brûler les étapes, car la démocratie est un exercice de tous les jours et un apprentissage continu, le croyaient-ils. Enfin, c’est ainsi qu’on leur avait fait croire ! Voyant que leur espérance à participer effectivement à la gouvernance du pays s’évaporait, ils sont entrés dans une phase de jérémiades politiques pathétiques.
La troisième, et c’est la plus significative à mon avis, c’est l’alerte populaire. Les gens simples qui souffrent dans leur quotidien devenu si amer, si rude, si pesant de telle sorte que le moindre service qu’ils sollicitent de leur Etat relève de la mission impossible, une tare qui fatigue leur vie, le peuple crie son ras-le-bol à sa façon.
Malheureux est celui qui fait la sourde oreille. «Ce n’est pas que de pain que vit l’homme.» L’Algérien adore la liberté, c’est vrai, mais la justice et l’Etat de droit encore plus.
1 septembre 2012
Contributions