Chronique du jour : CE MONDE QUI BOUGE
Alors que les combats font rage sur le terrain, sans qu’aucun des protagonistes – forces loyales à Bachar ou Armée syrienne libre – ne s’assure un avantage décisif, l’étau diplomatique se resserre autour de Bachar al-Assad.
Sortant de son semblant d’expectative, le président français François Hollande a annoncé, lors du discours prononcé à la 10e conférence des ambassadeurs français, qu’il reconnaîtrait un gouvernement provisoire syrien «pour devenir le représentant légitime de la Syrie», et ce, alors que l’opposition syrienne, dans sa diversité politique et idéologique que trop de choses séparent, se bat de façon dispersée contre le régime d’Assad. La formation de ce gouvernement provisoire, couplée à la création de «zones tampons» à l’intérieur du territoire syrien à laquelle la France travaille «en concertation» avec ses «partenaires» a-t-il précisé, est dictée par le besoin de contourner, si besoin est, le Conseil de sécurité de l’ONU où Russes et Chinois sont accusés d’empêcher toute résolution sanctionnant le régime de Bachar al-Assad. «Le blocage du système conduit à son contournement», a-t-il prévenu dans une allusion à l’endroit de la Russie et de la Chine. Aussi suffirait-il que ce gouvernement provisoire syrien reconnu comme seul représentant «légitime» appelle à l’aide internationale pour que soit légitimée une intervention militaire sans nul besoin de l’aval du Conseil de sécurité de l’ONU. En outre, il a indiqué que l’usage d’armes chimiques par le régime syrien «serait pour la communauté internationale une cause légitime d’intervention directe». Ainsi, cédant aux critiques et aux pressions de la droite mais aussi de l’aile atlantiste de son propre camp, l’incitant à s’engager davantage afin que la France «tienne son rang» dans le monde, le chef de l’Etat français donne l’image d’un dirigeant qui ne veut pas seulement se contenter d’endosser les positions exprimées le 20 août dernier par le président Barack Obama, mais aussi se placer en première ligne dans le front anti-Bachar al-Assad. «La France est une puissance mondiale (…) c’est quand elle est silencieuse qu’elle recule», a-t-il répété. De son côté, après Washington, Londres, Berlin, Paris et Ankara, l’Égypte, par la voix de son président Mohamed Morsi, a elle aussi écarté toute possibilité de solution politique, arguant qu’«il n’y a pas de place pour un dialogue concernant une réforme, la discussion doit porter sur le changement» en Syrie. Cette offensive diplomatique de Washington et de ses alliés occidentaux et arabes vise assurément à torpiller la mission de Lakhdar Brahimi, l’émissaire onusien, afin d’ouvrir la voie à une solution militaire, sans se soucier du reste de ce qui adviendra en Syrie. Une chose est sûre, les préparatifs militaires vont bon train. Officiellement, la France, tout comme les Etats-Unis et la Grande Bretagne, voire l’Allemagne, ne finance ni ne fournit des armes aux rebelles syriens. Elle ne leur livre que des appareils de vision et de communication cryptés. Reste, secret de Polichinelle, qu’à l’arrière du front syrien, en territoire turc, des instructeurs français, allemands et américains entraînent et encadrent les hommes de l’Armée syrienne libre (ALS). Et qu’à l’ombre des services de renseignement occidentaux et turc, très actifs à la frontière turco-syrienne et jordanosyrienne, les djihadistes, dont on ne mentionne l’existence que du bout des lèvres ou pour affirmer contre l’évidence qu’ils ne sont pas très nombreux, histoire de rassurer l’opinion européenne et anglo-saxonne, sont en train de prendre un ascendant certain au sein de la «résistance» au régime de Bachar. Paris, tout comme Washington et Londres, sait pourtant que des ONG saoudiennes et qataries encouragent, financent, arment ces djihadistes dont elles assurent le transit de leurs pays d’origine vers la Syrie via la Turquie. Au final, on assiste à la mise en place d’un scénario rappelant étrangement l’Afghanistan à la veille de la chute du régime pro-soviétique de Najibullah en 1991- 1992, avec la Turquie et les pétromonarchies du Golfe en première ligne et les Etats-Unis et leurs alliés aux manettes. Avec toutefois, l’Iran en point de mire dans l’agenda caché de Washington et de ses alliés.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/08/30/article.php?sid=138494&cid=8
31 août 2012
Hassane Zerrouky