Dimanche, 26 Août 2012 09:50
…PORTRAIT…
Pour une fois, je ne ferai pas le portrait d’un repère, mais l’amère chronique d’un salon de glaces. Je passe ainsi, sans transition, d’un débat sur les intellectuels algériens et le pouvoir, à une chronique sur la discrimination dont je fus victime, ici même, en Algérie au salon de glace Noor El Hani. Vers le coup de 22 heures, j’étais attablé avec les miens à la terrasse de ce salon de glace, au Val d’Hydra. C’était la première fois que je mettais les pieds dans cet endroit qui se veut huppé. On commande 3 glaces et un décaféiné. Au bout de quelques minutes, on nous ramène l’addition. Salée : 2 000 DA. Je n’ai rien dit même si mon hypertension qui n’admet aucun régime salé a oscillé dangereusement. On n’avait même pas terminé nos dégustations que je vois un serveur faire la danse du scalp devant nous. Il trépignait, il trépidait, il sautillait, louchant vers nous un regard mitraillette. D’abord j’ai pensé qu’il était pris par une sorte de frénésie fiévreuse, une sorte de maladie qu’il avait contractée en mélangeant les différents parfums des glaces : vanille, chocolat, melon, caramel… À la longue, pour peu qu’on n’y prenne garde, ce mélange explosif peut induire des comportements bizarres. Comme j’avais ce soir-là une âme à pardonner au monde entier, je me suis mis à observer la danse du serveur avec beaucoup d’amusement. Et soudain, le voilà qui se rapproche de notre table, soufflant comme un boxeur prêt à en découdre, je lui dis : “Monsieur y a-t-il un problème ?” Enfin un sourire, celui de l’homme qui a fait comprendre à un trisomique ce qu’il attendait de lui. “Oui, kho, il faut que tu partes !” Je n’ai pas aimé la familiarité, mais moins encore cette affreuse semonce : “Il faut que tu partes !” Je ne comprenais pas. Qu’ai-je fait ? Comme on a tendance à culpabiliser, je me suis regardé, j’ai regardé les miens. Pas un poil qui dépasse. Étonné d’être chassé de ce paradis, assommé par les manières du serveur, ne comprenant plus rien à rien, je me suis dirigé vers le gérant. Je lui explique l’inexplicable. Il me répond : “Kho, il y a du monde, donc ceux qui ont terminé leurs consommations doivent céder leurs places !” J’étais en train de lui expliquer que le procédé est anti-commercial, anti-convivial, anti- éthique quand je réalise qu’aucun client étranger n’a été touché par cette chasse aux consommateurs. Je lui fais la remarque. Il me répond textuellement : “C’est normal ! Ce sont des étrangers, mais nous on est Algérien, on se comprend hein, binatna kho” Ce “kho” que j’apprécie chez le petit vendeur m’a révulsé dans la bouche de ce discriminateur. Nulle part au monde, je n’ai été victime d’une pareille discrimination. La nuit, j’ai essayé d’oublier ma mésaventure. Mais les glaces sans doute avariées m’ont rappelé qu’on ne fréquente pas impunément Noor El Hani. El Hani, tu parles…
H. G.
hagrine@gmail.com
31 août 2012
Hamid Grine