L’Algérie a eu faim et soif la première semaine de l’Aïd. Et ce n’est pas faute du régime Dukan. Comme à chaque jour férié, le pays oublie de respirer, de vivre. Ses habitants font la grasse matinée jusqu’à trois jours plus tard et la torpeur, l’inertie et les désertions s’installent. Ceux qui sont censés être au service du service public sont les premiers à baisser rideaux et à disparaitre derrière les dunes de sable. Et le pays se retrouve en face de rien, du vide et des murs en béton. En face de son propre écho qui rebondit sur des zombies courant derrière une baguette de pain, d’émeutes autour de quelques patates pourries à 70 dinars le kilo et de rumeurs sur la présence de sachets de lait pasteurisées dans tel ou tel quartier de la ville. L’Algérie devient une ville en état de siège, frappée par le pire des tsunamis et le soleil se cache de peur d’être pris pour une galette de pain. Les hôpitaux tournent au ralenti, comme dans les films de John Woo, et les malades meurent à grande vitesse. Les fours des boulangers s’éteignent et l’Algérien de manger des cailloux. Les marchés ferment faute de mandataires en vie et les taxis calent pour que les mollets du pays se développent. Et malgré toutes les promesses faites, à chaque occasion de vacances du pays, le phénomène de désertion se répète. Inlassablement. Implacablement. Comme si les bonnes paroles ne suffisaient pas à réanimer la permanence assassinée par l’incivisme des Algériens. L’Union des commerçants ne sait plus quoi faire, ni quoi dire à ses affiliés qui sont les premiers à être sourds à ses appels. Elle estime que la prochaine fête de l’Aïd sera encore plus pire. Les prévisions de Chahbandar ettoujar font froid dans le dos puisqu’il s’agit d’une véritable préméditation de la part des gens à qui on délivre des registres du commerce, qu’on subventionne pour justement être au service du client. L’Etat veut donc se substituer aux consciences mortes et raviver la flamme civique à travers un texte de loi organisant l’activité commerciale et les permanences durant l’Aïd et les jours fériés. Eh oui ! si ça n’existait pas, il fallait l’inventer ce texte. Ainsi, et pour garantir un approvisionnement normal des citoyens en produits de base, l’Etat réfléchit à l’organisation de permanences pour les boulangeries, les commerçants des produits alimentaires et les vendeurs de légumes et fruits durant les fêtes religieuses et nationales. Ainsi, et devant chaque commerce, à proximité de chaque étal, faisant la queue devant les boulangeries, des policiers seront en faction pour s’assurer du respect de la permanence. Derrière chaque conscience, une table d’écoute pour sonder les intentions. Derrière chaque geste civique, un édit de la République. Mais serait-ce suffisant pour autant quand on connaît l’aptitude et l’amplitude de l’Algérien à transgresser toute loi, fut-elle salvatrice pour son ombre ? Pourtant, force est de reconnaître qu’on ne peut pas franchement condamner un épicier pour avoir fermé sa boutique pour aller fêter l’Aïd avec les siens, ni obliger un citoyen à voter parce qu’il a décidé de ne pas le faire alors que le pays même est en vacances depuis des années.
25 août 2012
Moncef Wafi