Le dur et invraisemblable parcours d’un combattant, (Mémoires et témoignages), est un ouvrage qui va très probablement faire parler de lui si ce n’est provoquer des empoignades en soulevant de violentes polémiques.
Ce livre-témoignage d’Aït Mehdi Mohamed Amokrane (décédé en 2011), mis en librairie ces jours-ci, traite d’événements et de faits survenus dans la Wilaya III, durant la guerre de libération. L’ancien lieutenant de l’ALN raconte ses mémoires et, plus précisément, les péripéties qui l’on mené jusqu’à sa désertion de l’armée française, en 1958, pour rejoindre, en passant par Souk Ahras via Bruxelles et Tunis, la Wilaya III où le colonel Amirouche lui confie, dans un premier temps, une compagnie à former. L’ouvrage revient surtout sur l’affaire bien connue de la bleuite, une opération de manipulation montée par le capitaine Léger des services spéciaux de l’armée coloniale pour réduire à néant les capacités de lutte de la Wilaya III historique. Les conséquences furent terribles pour cette dernière et sanglantes pour les jeunes militants instruits venus d’Alger, notamment pour s’engager dans les rangs de l’ALN.
Le lieutenant Amokrane, un des jeunes cadres de cette dernière à l’époque, raconte dans un style dépouillé, le vécu tel qu’il avait eu à le subir avec ses compagnons lors du déroulement de ce traquenard, ainsi que les retombées très dures de l’opération Jumelles : les combats contre l’ennemi, mais aussi les conflits qui, à plusieurs reprises, ont opposé des frères d’armes. Il cite des noms, des témoignages et s’aide d’une volumineuse documentation qu’il avait gardée durant des décennies. Les témoignages du lieutenant Amokrane lui-même ainsi que les témoignages d’anciens combattants indiquent que la bleuite avait très gravement atteint le commandement de la Wilaya III, et ce dernier, diaboliquement manipulé par les services spéciaux français, mena des actions qui eurent des répercussions terribles sur la cohésion de l’ALN et son crédit.
En effet, une cause est très gravement atteinte lorsque la direction qui la mène commence à ordonner tortures et assassinats de ses propres membres sur la base de simples soupçons. Amokrane n’hésite pas à qualifier l’équipe de cadres de l’ALN qui entourait le colonel Amirouche de «tortionnaires» (page 47). Il indiquait dans la page précédente : «On pourrait citer l’exemple de Mahiouz Ahcène dit ‘‘Hcène la torture » connu de tous et promu par la suite au grade de commandant par le colonel Mohand Oulhadj, ou encore celui du nommé Rachid Adjaoud. Ceux-là détiennent une grande part de responsabilité, car ils sont instruits.» Il précise un peu plus loin : «On pourrait citer d’autres personnes qui furent actives et qui avaient induit en erreur Si Amirouche. Ce dernier, évidemment, ne pouvait être disculpé, car une partie de ses collaborateurs était encore plus responsables dans cette grave réaction.»
Le lieutenant Amokrane rapporte aussi ce qu’il qualifie de faits conflictuels qu’il a vécus lui-même et qui l’ont opposé à Mohand Oulhadj, qui prendra la tête de la Wilaya III à la mort du colonel Amirouche. Il relate, entre autres, l’épisode dit du «Congrès des officiers libres de la Wilaya III» qui eut lieu le 14 septembre 1959. Ce congrès serait, selon l’auteur du livre, la conséquence de la mauvaise gestion de la Wilaya III par Mohand Oulhadj et ses adjoints.
Le livre d’Amokrane qui fait part d’autres révélations est en vente à Alger (Librairie générale d’El Biar, Kalimat à Victor Hugo, des Arts et lettres du Val d’Hydra, la Renaissance de Riadh El Feth et bientôt à Béjaïa et à Tizi Ouzou).
Aït Mehdi Mohamed Amokrane : Le dur et invraisemblable parcours d’un combattant (Mémoires et témoignages), Editions Rafar, juin 2012, 255 pages, 650 DA.
11 août 2012
Histoire