D’autres ont grimpé sur le dos de Makhloufi pour insulter : voyez, vous les détracteurs de l’Algérie glorieuse, ce qu’un algérien peut faire ! Oui. « Sauf qu’on est un peuple trop émotif » a conclu un internaute : on déteste Kadhafi, mais son lynchage en a fait un martyr chez certains. On oublie tout ce que l’on dit et juge durant dix ans, par quelques secondes d’émotion et un gramme de raison pure kantienne. Emotifs justement au point d’oublier : Makhloufi est un héros, mais il ne doit pas faire oublier, qu’il est le seul sur 32 athlètes envoyés là-bas et que le sport algérien se porte mal et que l’esprit de conquête est une feuille morte et le désir de vaincre n’est plus que chez les harragas face à la vague haute. C’est ainsi : il suffit de rien, pour oublier le tout même si on se retrouve avec ce rien, juste après.
Sur le dos de Makhloufi, on va donc bâtir des mosquées, des minarets d’insultes ou de dénis, des illusions et des satisfecit et des vanités. On va aussi se cacher derrière son dos et le pousser le premier à endosser tous nos prénoms possibles. On l’a fait, il y a deux ans avec l’épopée Saadane : le vieil homme et l’amer qui a bien expliqué, longuement, qu’il ne faut pas se faire des illusions et que le foot est à rebâtir en Algérie, de l’œuf et jusqu’au stade, mais personne ne voulait écouter : le régime y a trouvé un lapin d’illusionniste et le peuple un mouton gras pour faire oublier les années maigres. Et donc, on est allé au mondial et on vaincu les anglais avec un zéro à zéro, plus grand paradoxe mathématique de la décennie. Makhloufi a donc couru, avec brio et élégance et il a gagné malgré les bourdes de ses encadreurs. Il a décroché l’or qui brille et tout le monde va vouloir lui arracher sa médaille et en faire son butin, sa preuve, sa contre-épreuve, son insulte, sa haine de soi ou de l’autre, son déni ou son affirmation que l’Algérie est ronde comme une planète à part, son cheval ou sa feuille de vigne. Presque pour faire oublier qu’il faut courir. Tous et pas uniquement Makhloufi et que si chacun se battait contre le vent comme ce bonhomme, on aurait fait plus que quelques mètres de 1962 à avant-hier.
9 août 2012
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