Albert Camus évoque l’Etranger
« …J’ai résumé L’Étranger, il y a longtemps, par une phrase dont je reconnais qu’elle est très paradoxale : ‘Dans notre sociéte tout homme qui ne pleure pas à l’enterrement de sa mère risque d’être condamné à mort.’ Je voulais dire seulement que le héros du livre est condamné parce qu’il ne joue pas le jeu. En ce sens, il est étranger à la société ou il vit, il erre, en marge, dans les faubourgs de la vie privée, solitaire, sensuelle. Et c’est pourquoi des lecteurs ont été tenté de le considérer comme une épave. Meursault ne joue pas le jeu. La réponse est simple : il refuse de mentir. »
« …On ne se tromperait donc pas beaucoup en lisant dans L’Étranger l’histoired’un homme qui, sans aucune attitude héroïque, accepte de mourir pour la vérité. Meursault pour moi n’est donc pas une épave, mais un homme pauvre et nu, amoureux du soleil qui ne laisse pas d’ombres. Loin qu’il soit privé de toute sensibilité, une passion profonde, parce que tenace l’anime, la passion de l’absolu et de la vérité. Il m’est arrivé de dire aussi, et toujours paradoxalement, que j’avais essayé de figurer dans mon personnage le seul christ que nous méritions. On comprendra, après mes explications, que je l’aie dit sans aucune intention de blasphème et seulement avec l’affection un peu ironique qu’un artiste a le droit d’éprouver a l’égard des personnages de sa création. »
Albert Camus, Editions de la Pléiade
Maurice Blanchot, Jean-Claude Brisville, Jean Grenier évoquent Albert Camus
Cet Etranger est, par rapport à lui-même comme si un autre le voyait et parlait de lui… Il est tout à fait en dehors. Il est d’autant plus soi qu’il semble moins penser , moins sentir, être d’autant moins intime avec soi. L’image même de la réalité humaine, lorsqu’on la dépouille de toutes les conventions psychologiques , lorsqu’on prétend la saisir par une description faite uniquement du dehors, privée de toutes les fausses explications subjectives.
Maurice Blanchot, Faux pas, Gallimard 1943
Penseur morose, Albert Camus… Il faut ne l’avoir jamais lu, ne l’avoir jamais vu sourire , pour continuer à le croire. On imagine très bien Ulysse avec le regard de Camus.
Jean-Claude Brisville, Le Figaro littéraire , 1957
Il est important de connaître son enfance . Le langage a été pour lui une conquête : son oncle quasi muet, sa mère qui ne parle pas, la grand-mère au langage utilitaire… Albert Camus a voulu parler pour eux. Les lectures, les études ont été pour lui une révolution : il a eu pour le langage le respect et l’amour dus au sacré.
Jean Grenier, Carnets, 1991
Quelques citations de l’Etranger
Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier.
L’absurdité est surtout le divorce de l’homme et du monde.
Tout refus de communiquer est une tentative de communication ; tout geste d’indifférence ou d’hostilité est appel déguisé.
Devant cette nuit chargée de signes et d’étoiles, je m’ouvrais pour la première fois à la tendre indifférence du monde. De l’éprouver si pareil à moi, si fraternel enfin, j’ai senti que j’avais été heureux, et que je l’étais encore. Pour que tout soit consommé, pour que je me sente moins seul, il me restait à souhaiter qu’il y ait beaucoup de spectateurs le jour de mon exécution et qu’ils m’accueillent avec des cris de haine.
Source bibliographique
Pierre-Louis Rey, l’Etranger (Hatier)
Pierre Sauvage, l’Etranger (Nathan)
Kléber Haedens Une Histoire de la Littérature française, Grasset 1970
5 août 2012 à 12 12 22 08228
Format:
Dans son étude sur Albert Camus, Robert de Luppé écrit: «L’Etranger est une « oeuvre absurde » mais qui n’a pas la force de l’être jusqu’au bout: Meursault se réveille du lourd sommeil quotidien en faisant éclater sa révolte. » Par l’analyse précise de L’Etranger, essayez d’apprécier la justesse de cette affirmation.
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Personne, personne n’avait le droit de pleurer sur elle.» Puis lui revienne les paroles, de l’infirmière : « Personne ne peut imaginer ce que sont les soirs dans les prisons. » 2. La lucidité. L’entrevue avec l’aumônier est décisive : Meursault découvre enfin sa vérité : « sûr de ma vie et de cette mort qui allait venir ». Aussi, se sent-il justifié par cette mort qui met les hommes, tous les hommes, sur le même plan, sans qu’il soit nécessaire de recourir à Dieu et encore moins à la justice des hommes qui le représente ici-bas. Car « tout le monde était privilégié. Il n’y avait que des privilégiés. Les autres aussi, on les condamnerait un jour». Ainsi, le héros est devenu lucide, il a conscience de cette vie « absurde » (le mot est enfin prononcé).
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5 août 2012 à 12 12 22 08228
Dans son étude sur Albert Camus, Robert de Luppé écrit: «L’Etranger est une « oeuvre absurde » mais qui n’a pas la force de l’être jusqu’au bout: Meursault se réveille du lourd sommeil quotidien en faisant éclater sa révolte. » Par l’analyse précise de L’Etranger, essayez d’apprécier la justesse de cette affirmation.
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