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Le mieux est encore de lire…

3 août 2012

Non classé

Le commentaire fait référence : Il faut abattre la lune (Broché)

LE DEBUT…

Je suis né au bord de la mer et la mer m’a toujours emporté. Je suis né en Méditerranée où la terre est obscure et le soleil aveuglant, dans un pays en noir et blanc, violent comme un négatif. Les cartes postales d’Algérie sont des mensonges qui ne montrent que les apparences, un ciel toujours bleu, un soleil doré et un horizon léger; une terre chaude, caressante et maternelle,floquée d’ocre rouge et de tâches de verdure. En réalité, le soleil d’ici est trop fort, coupant comme le bord d’une boîte en fer blanc. Il ne réchauffe pas les habitants, il leur brûle la peau, les écorche vifs. Terre et ciel de feu crachent alors la même couleur, ce rouge sang qui englue régulièrement l’histoire du pays. Blanc le soleil, noir le sol, rouge le sang; l’univers est impitoyable pour les délicats, les faibles, les lâches. Et insupportable pour tous les autres s’il n’y avait là, à portée du corps des hommes, la masse sensuelle et lourde de la mer. Avec ses vagues qui se balancent, écument de vie, soupirent et meurent en paix au bord de la plage. C’est la mer qui meut et émeut la terre d’Algérie jusqu’à en faire une chair souple, chaude, vivante. Comme une main qui caresserait en permanence un rein douloureux. Elle est là, masse d’eau bleue, verte, violette, parfois boueuse du gris des profondeurs mais toujours lumineuse de désir. Sans elle, les humains seraient nus et durs comme des os oubliés sur une dune. Lui, le soleil, ne sait produire que chaleur et poussière ; c’est la mer, qui l’apprivoise et lui renvoie son double féminin, elle qui transforme son éblouissement en clarté, en doigt de lumière, en reflet d’eau. Le soleil laboure la terre d’Algérie mais c’est la mer qui l’ensemence. Et la sauve. Notre mer, qui êtes la chair de la terre, vous êtes là, sous moi, marchepied de velours aux portes d’Alger.

Dix-neuf septembre 1991, ce retour ne ressemble pas à des retrouvailles. Après vingt-neuf ans d’absence, ce pays m’est devenu étranger. L’autre, celui de mon enfance, n’existe plus. Un pays est un espace et l’enfance un moment. Il faut les deux à la fois pour dire  » mon pays « . Je ne suis plus un enfant et cette terre est habitée par d’autres. Elle leur appartient désormais. D’avant-hier à aujourd’hui, il y a une trentaine d’années où je n’étais pas ici. Le pays de mon enfance, stocké dans ma mémoire, me semble momifié. L’avion survole un coin du monde que j’ai rangé au rayon Politique Etrangère sans jamais rouvrir le dossier. Je ne sais rien de ces gens et de leur histoire contemporaine. Un immense trou noir. Ici, je suis un étranger qui ne revendique aucun droit spécifique. En posant le pied sur le tarmac de l’aéroport Houari Boumediène à Alger, je ne ressens pas d’ émotion particulière. Je suis de passage. Juste le temps de voir un documentaire sur la guerre d’Algérie que son auteur, un historien français, a tenu à projeter dans un cinéma local. J’arrive ici écœuré par la farce de la guerre du Golfe et la tragédie des montagnes du Kurdistan d’où je suis revenu anéanti par une fièvre inconnue. Du coup, ce bref voyage culturel à Alger ressemble à une permission pour convalescent.
Maintenant, une violente odeur me soulève le cœur, quelque chose entre l’ordure et le végétal, une pestilence que je reconnais aussitôt : la rivière de l’Harrach ! A quelques kilomètres de l’aéroport, mon taxi franchit un pont au-dessus d’une eau noire, épaissie par les déchets d’une usine d’alfa et l’émergence de bouches d’égouts. Autrefois, quand le vent tournait en direction de la banlieue d’Alger, cette haleine de malade soufflait sur plusieurs kilomètres et escaladait les dix étages de notre immeuble. Du haut de mon balcon, je regardais, dégoûté et fasciné, des gamins croûteux qui n’hésitaient pas à jeter leur radeau de planches pour tenter la traversée du grand cloaque. Aujourd’hui, je n’en vois aucun. Mais voilà plus de trente ans que l’Harrach pue, toujours aussi fort. Le taxi file sur la  » Route Moutonnière « , séparée de la mer par une jetée d’énormes rochers noirs.  » Moutonnière « … quelqu’un m’a dit un jour que le nom venait des troupeaux de moutons qu’on menait à l’abattoir. J’ai toujours préféré croire qu’ils évoquaient cette écume de laine blanche que le vent soulève au sommet des vagues. En fait, je ne sais plus. La voiture roule trop vite pour mon début de mémoire et j’ai soudain très envie de dormir. Les yeux mi-clos, je perçois pourtant cette qualité de ciel, une certaine quantité de couleur vaporisée dans un certain volume d’air marin, une lumière de  » sortie de lycée  » comme l’a dit un ami. D’un coup de frein brutal, le chauffeur évite un chien jaune, jure dans l’embouteillage, me parle de son neveu asthmatique soigné à Paris et de son père torturé par les parachutistes français :
- » Quand il en parle, – pas souvent, hein ! -alors, il est tout bizarre. Son corps devient chiffon. Et il pleure. Mon père! Il pleure comme un enfant… « 
Je n’entends déjà plus. Et le reste de son monologue se noie, enveloppé dans ma torpeur.

Anonyme

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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