Si l’on devait revenir, sur les différentes luttes menées par la Fédération de France du Front de Libération Nationale algérien, la branche de cette organisation indépendantiste implantée sur le territoire de France métropolitaine, nous fait découvrir l’histoire particulière de ses Algériens présents en France qui ont lutté pour leur indépendance,
Il s’agissait en effet de la première fois que l’on voyait un mouvement qui luttait pour ses droits à l’autodétermination mener des actions de guerre sur le territoire de la métropole et non pas seulement en Algérie. C’était une première dans les annales de l’histoire des révolutions de par le monde aussi est-il que le FLN, était confronté au Mouvement National Algérien de Messali Hadj qui était bien implanté en France au début. Une fois le terrain conquis et les réseaux mis en place sur l’ensemble du territoire métropolitain, la lutte devait commencer, car la stratégie du FLN était de mettre au pied du mur l’entité coloniale, pour plus de pression sur les autorités françaises, à savoir sur le gouvernement de Guy Mollet ce qui paraissait impossible surtout que le cabinet de Michel Debré, était tout à fait hostile à l’indépendance de l’Algérie. Ce dernier va jusqu’à rappeler Maurice Papon, qui s’était fait connaître pendant le régime de Vichy par ses actions de collaborateur des nazis. Préfet de police à cette époque c’est lui qui donnera carte blanche aux forces de polices pour réprimer la manifestation du 17 Octobre 1961 contre le couvre-feu imposé aux populations musulmanes et qui se soldera par une répression aveugle qui fera plus de trois cent morts. La préparation des manifestations algériennes des 17 au 20 octobre 1961, a été attribuée aux responsables du FLN opérant hors de la métropole, cependant tout indique d’après certains témoignages et archives que c’est la Fédération de France qui serait à l’origine de la préparation de ces manifestations et du rôle jusque-là méconnu ou sous-estimé, d’hommes et de femmes qui ont été à l’avant-garde de la lutte menée sur le territoire français.
Un rôle majeur durant la lutte de libération nationale
Ce qui est incompréhensible, c’est que certains faits font l’objet de méconnaissance de la part du public algérien de cette page très importante du fait que la fédération de France était un élément décisif dans la lutte de libération nationale surtout que celle-ci s’est jouée sur le territoire français. Il est vrai qu’à l’époque les organisations clandestines cherchaient à garder secrètes leurs activités, pour éviter les arrestations de leurs éléments. De ce fait des acteurs importants du conflit ont tendance à imposer une lecture partiale de l’histoire, Aussi est-il nécessaire d’avoir une idée précise de la structure du FLN. Des données nouvelles, provenant en particulier des archives de la préfecture de police de Paris, démontrent que la structure de commandement, surtout en France métropolitaine, était très différente de celle décrite jusqu’à présent et qu’elle comprenait de nombreux militants algériens et français jusqu’ici inconnus. Nous savons aujourd’hui que de 1958 à 1962, de nombreux militants sont passés par les structures de la Fédération de France et pas des moindres, certains oubliés d’autres marginalisés alors qu’ils ont joué un rôle majeur durant la lutte de libération nationale pour tenir compte du nombre de militants du FLN qui ont était des acteurs importants et des changements entraînés par cet accroissement touchant aux frontières géographiques des wilayas et aux divisions administratives. Au cours de l’année 1961, deux changements majeurs furent introduits : la restructuration des wilayas et l’ajout d’un niveau de commandement supplémentaire en France métropolitaine avec trois responsables contrôleurs et un responsable fédéral à leur tête. Entre 1959 et 1961, la France fut divisée en six régions administratives puis, à partir de septembre 1961, en sept. L’un de ces grands changements concernait la région de Paris où l’ancienne wilaya 1 « Paris-Centre », couvrant les vingt arrondissements, et la wilaya 2 « Paris-Périphérie » et qui furent remplacées, dès le 1er septembre 1961, par une division entre la wilaya 1 couvrant toute la région au Sud de la Seine, et la wilaya 2 au Nord. Les sept wilayas furent modifiées afin de les regrouper en trois blocs et chacun de ces blocs correspondait à un territoire contrôlé par un seul responsable.
La prise en main efficace de la population immigrée, va provoquer un afflux grandissant de trésorerie
Ne pas oublier que la fédération de France comptait des français parmi ses rangs, comme nous l’avons déjà signalé dans nos précédentes éditions. Pour rappel, en France, à partir de médias anticolonialistes, des journalistes engagés, comme Claude Bourdet, Gilles Martinet, Roger Stéphane de France Observateur, Hervé Bourges et Georges Suffert de Témoignage chrétien, poursuivront un combat déjà entamé contre l’armée française en Indochine. Chez les progressistes chrétiens, les journalistes et les prêtres fourniront un contingent important, à la fédération de France. La police identifiera d’ailleurs au cours de ses filatures plusieurs français dont prêtres de la Mission de France, parmi eux Jean Urvoas et Robert Davezies ainsi que l’abbé Boudouresque, se feront particulièrement remarquer. A cela il faut ajouter d’autres noms appartenant aux milieux libertaires et trotskistes, ainsi qu’au PC et à la CGT, mais qui agissaient à titre personnel. Dans cette mouvance, on peut citer Michel Raptis, alias Pablo, Maurice Craipeau, Henri Benoist, qui imprimera El Moudjahid. L’arrestation de Louanchi et Lebjaoui, responsables de la Fédération de France du FLN, ne mettra pas fin aux actions de la fédération de France et à la demande d’Omar Boudaoud, l’organisation clandestine se reconstituera rapidement avec un nouveau responsable autour de Francis Jeanson, La prise en main efficace de la population immigrée, va provoquer un afflux grandissant de trésorerie. De province, les valises de billets sont acheminées vers Paris. Une partie des sommes collectées est utilisée sur place, en particulier pour la rémunération et le défraiement des « agents » permanents. Le reste, volumineux, est acheminé vers la Suisse, soit par la valise diplomatique tunisienne, soit par des moyens clandestins. Cette trésorerie nécessite de nombreux porteurs, très souvent féminins. Les valises pouvant d’ailleurs aussi bien receler des armes. Ainsi naîtront « les porteurs de valises », et l’appellation s’étendra à tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, aideront la rébellion. Les difficultés rencontrées conduiront à rechercher d’autres solutions pour les transferts financiers. Elles seront fournies par Henri Curiel, juif égyptien, membre du PCI, dont les relations bancaires internationales seront utilisées.
Fédération de France; une nébuleuse indéfinissable, mouvante et complexe
Pour mieux cerner l’historique de la Fédération de France, il faut remonter au 17 janvier 1955, une époque ou le MTLD était bien implanté, parmi les Algériens immigrés. Les militants du MTLD sont généralement fichés, connus de la police et de la DST car le parti de Messali, officiellement déclaré, était pénétré par des informateurs.
C’est ce parti qui va subir le premier choc policier après sa dissolution en novembre 1954. Les immigrés sont, la plupart du temps, regroupés dans des quartiers définis ou des bidonvilles de banlieue constituant des ghettos malsains, difficilement accessibles, à la police qui pouvait se perdre, aussi ne pouvait-elle contrôlée efficacement ces sortes de labyrinthes d’habitations. C’est l’époque ou les cafés maures et les hôtels arabes, deviendront des lieux de ralliement et de points forts pour l’un ou l’autre parti qui se disputaient l’immigration. Les établissements sont mis à sac, attaqués avec des armes à feu, des armes blanches par des « éléments troubles » comme titre la presse de l’époque qui parle de « règlement de comptes entre Nord- Africains ». Au départ, le FLN va très vite étendre son champ d’action en s’imposant sur toute la population nord-africaine résidente en France Pourtant les indices ne manquent pas, ni même les preuves flagrantes de l’existence en France d’un mouvement émanant du FLN, qui deviendra central et l’organisateur de nouveau réseaux à l’intérieur de la métropole. Pour arriver à une certaine maturé politique, le FLN sur le plan organisationnel, il recrutera dans le milieu de l’immigration. L’ossature de cette nouvelle organisation qui deviendra la Fédération de France, sera composée par des ex- militants très engagés du parti de Messali. Ils vont fournir l’ossature du mouvement qui s’installera en métropole, du fait qu’ils connaissent parfaitement les méthodes et les hommes du MNA avec leur connaissance et leur dynamisme leur permettront de rallier le FLN. La fédération FLN de France se constituera dès le début de 1955 malgré les difficultés inhérentes à la constitution d’un mouvement clandestin, au cœur même d’un territoire ennemi. Dès avril 1955 plusieurs responsables dont Terbouche sont arrêtés; la fédération n’en disparaît pas pour autant, au contraire, elle renforce son état-major et augmente ses effectifs. Se posent d’abord les problèmes de liaison avec l’extérieur, avec le commandement de la Révolution qui ne semble guère coordonné; il fallait tout d’abord choisir entre Boudiaf au Caire, ou Abane Ramdane à Alger.
La fédération de France reste pour les forces de l’ordre une nébuleuse indéfinissable, mouvante, complexe, très difficile à pénétrer
Les réactions policières sont loin d’être négligeables; l’action de la DST provoque de sérieux dégâts dans les rangs de l’état-major métropolitain du FLN. Celui-ci est sérieusement handicapé par les arrestations d’avril 1955 puis par celles d’août 1956. En février 1957, la presse annonce que « le FLN en France est décapité ». Les actions policières s’en prennent surtout aux dirigeants dont les déplacements trop fréquents, l’absence de moyens d’existence contrôlables attirait l’attention mais, sur le terrain, l’organisation de la fédération de France reste pour les forces de l’ordre une nébuleuse indéfinissable, mouvante, complexe, très difficile à pénétrer. En juin 1957, Amar Boudaoud succéde à Mourad Terbouche et à Mohamed Lebjaoui, comme nous l’avons évoqué dans notre précédente édition de mercredi, et devient responsable de la Fédération de France. Le FLN comptait déjà plus 20.000 adhérents en métropole; et les collectes de fonds, rapportaient mensuellement plus de 20 millions (anciens francs). Il mettra en place ce que l’on appellera désormais l’organisation politico -administrative, d’où l’établissement des contacts avec les Européens anticolonialistes. Trois wilayas partagent l’hexagone, la une région parisienne étendue à la Bretagne et la Normandie, la 2 centre qui comprend Marseille, Bordeaux, Lyon, la 3 nord et est (et belgique). Chaque région, disposait de groupes armés baptisés groupes de choc ou fedayin. Ces éléments composés d’hommes sûrs sont destinés aux opérations contre les forces de l’ordre, dés les premiers temps La lutte pour le pouvoir, donc pour la prise en main de la masse nord-africaine, s’étend sur tout le territoire .avec le MNA.
L’immigration algérienne, édifice fondamental de la Fédération de France
Le 1er mai est l’occasion de violentes manifestations de Nord- Africains à Lille et à Maubeuge; elles font 30 blessés parmi les policiers du service d’ordre. Le même jour, 1 500 membres du MNA attaquent à Vincennes une manifestation du PCF qu’ils accusent de trahison. A Paris et dans plusieurs villes de l’Est, la police entreprend d’importantes opérations de contrôle dans les regroupements nord-africains. Le même jour, à Livry-Gargan, un Algérien est tué; attaqué pour la deuxième fois, il avait auparavant repoussé une trentaine d’agresseurs au fusil de chasse. Le 31 mai, un café maure de Saint-Denis est attaqué par une centaine d’Algériens après une première tentative la semaine précédente. Le 1er juillet, plusieurs membres de l’état-major FLN sont arrêtés à Paris, 6 millions de francs sont saisis. En août, le commissariat du 18e arrondissement est pris à partie par plus d’un millier d’Algériens qui saccagent également une quarantaine de commerces voisins. L’intervention de renforts de police coûte 15 blessés aux agresseurs. La Fédération de France du FLN comptait 15 000 militants implantés au sein de l’immigration algérienne. « Avant la guerre d’Algérie, écrit l’historien Benjamin Stora, les ouvriers exilés mènent une double existence. Une fois les sirènes des entreprises éteintes, l’existence du militant débutait. Le Parti populaire algérien-Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (PPA-MTLD), qui a succédé à l’Étoile nord-africaine, fondée en 1924 au sein de l’immigration algérienne par Messali Hadj (15 000 militants), « est alors le seul mouvement nationaliste moderne et constitue également une école formidable, ajoute Stora. On y apprend à lire, mais le parti suscite également des débats sur le communisme, sur la révolution nassérienne, sur le rapport à la France ou avec le syndicalisme » C’est au sein de cette immigration algérienne dont l’histoire est caractérisée par une violence extrême, une histoire bien différente de celle des immigrés en provenance des autres pays du Maghreb et d’Afrique, que le FLN, minoritaire en 1955, va s’imposer par la force contre son rival le MNA (Mouvement national algérien), En parallèle, le FLN mène une lutte tout aussi impitoyable contre les services de police français, appuyés par des harkis venus en France sur les conseils de Maurice Papon. À Paris, la Force de police auxiliaire (FPA), composée de 400 harkis, agit hors de tout contrôle : on torture et on fait disparaître des détenus dans les commissariats du 13e et du 18e arrondissement Afin de dénoncer le couvre-feu imposé aux Algériens, il lance un appel à manifester à Paris, le 17 octobre 1961. La manifestation pacifique sera sauvagement réprimée et fera entre 200 et 300 morts. Le FLN en France, c’était aussi l’argent récolté au sein de l’immigration – plus d’un milliard de centimes de l’époque par mois –, autant que l’aide fournie par les pays arabes. Il a su surtout, grâce à une politique intelligente, rallier les artistes et les intellectuels et une majorité de Français à la cause algérienne.
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2 août 2012
Benyahia Aek, Guerre d-ALGERIE