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Morsi serait-il un pion dans l’échiquier des militaires? par Kamal Guerroua *

2 août 2012

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«L’espoir est la force d’une révolution» André Malraux (1901-1976), philosophe français

Triomphe des islamistes, mainmise de l’armée, fin des dictatures, renaissance des peuples, peu importent les dénominations que l’on balance çà et là, l’essentiel est que la lame de fond du printemps arabe a cisaillé de ses griffes le corps et l’esprit du «fixisme historique» qu’aurait posé comme évidence inébranlable la bonne conscience occidentale, hypocrite en son fond et humaniste dans sa façade. 

A peine le président tunisien Moncef Marzouki venait-il d’essuyer des sueurs froides suite à son clash tonitruant avec Jebali, son Premier ministre à propos de l’extradition de l’ancien Premier ministre d’El-Gueddafi, en l’occurrence, Baghadadi Mahmoudi, presque menée à bout à son insu en mai dernier, les islamistes égyptiens, eux, endurent les dures épreuves avec les militaires. Étrangement, là où «les grandes muettes» n’ont pas le droit de vie et de mort sur les politiques, ce sont les islamistes qui triomphent et là où les militaires rebondissent, ce sont les islamistes qui fléchissent. Que ce soit en Egypte ou en Tunisie ou partout ailleurs où le tourbillon arabe a sévi, le trouble plane au-dessus des têtes, on dirait qu’on est devant une scène crépusculaire où l’on ne sait pas vraiment s’il s’agissait de la levée ou du coucher du soleil !

En vérité, si le succès des révolutions a un secret, ça serait sûrement: l’engagement. De même, leur échec n’en fait plus aucun mystère: les contre-révolutions ainsi que les coups d’Etat déguisés en formules de salut et de sauvegarde des intérêts des nations. Malheureusement, cette règle d’or aux éclats sans émail est le propre du printemps arabe. L’actualité égyptienne n’y déroge absolument pas. Certes les Egyptiens ne sont plus au moment présent à la discrétion d’une quelconque dictature, mais ils le sont moins par rapport à une non-démocratie. Il semble bien clair que le printemps arabe a porté des fruits mais dommage pas de fleurs. Il est presque terne.

En conséquence, il y a lieu de croire que les rêves d’antan de la place Al-Tahrir n’aient été en bout de course qu’une cerise sur le gâteau. Seul empêchement pour leur éclosion: les coups de force de la junte militaire prennent différentes formes. Si Nasser, avec son idéologie de nationaliser l’islam au nom du Baâsisme, avait décidé d’avorter le souhait des frères musulmans en 1954, ses alliés stratégiques de premier plan, en évinçant son ténor Mohammed Néguib et en procédant à de sévères purges dans leurs rangs, soixante ans plus tard, le maréchal Al-Tantawi qui préside aux destinées de l’omnipotent conseil suprême des forces armées (C.S.F.A) n’en est pas moins tolérant: pas question que des barbus concentrent la réalité du pouvoir dans leurs mains. Apparemment, les militaires ont peur de mettre le renard dans leur poulailler, leur décision par décret à la mi-juin dernier de mettre l’assemblée du peuple sous leurs bottes n’est qu’un petit pas dans le processus de confiscation du pouvoir. En rétrospective, l’on aurait bien constaté que même si Ahmed Chafik qui jouit du soutien des réseaux souterrains de l’appareil étatique et du coup de pouce des anciens membres du désormais ex-P.N.D (Parti national démocratique) a été éliminé face au représentant des frères musulmans Mohammed Morsi au second tour des premières élections présidentielles, véritablement pluralistes dans le pays, tenues le 17 juin dernier, rien n’augure l’épilogue du feuilleton égyptien riche en rebondissements du fait que la grande muette, en calquant le savoir-faire et les ruses de sa sœur algérienne en matière des pronunciamientos, ne veut pas lâcher du lest. Néanmoins, l’utopie fantasmée de l’establishment dans un probable rejaillissement d’un contre-pouvoir citoyen en défaveur de l’islamisme a été balayée du revers de la main par la rue. Pour preuve, l’arrêté administratif du C.S.F.A et le décret de l’anti-constitutionnalité de la loi électorale visant à annuler les dernières élections législatives ont été rejetés en bloc par le nouveau président à peine une semaine après son accession aux commandes du pays, ce dernier s’est fermement opposé à la Haute cour constitutionnelle. Un véritable pavé dans la mare qui pourrait le mettre aux prises directes avec la junte militaire de son pays.

Si Ahmed Chafik, ce commandant de l’armée de l’air et dernier Premier ministre de Moubarak avait sauvé sa peau le 14 juin dernier de « la loi de l’isolement» qui le cible lui ainsi que les héritiers et les apparatchiks du système du dictateur déchu, il n’aurait toutefois à pas pu, à son grand malheur, faire fi de la sentence des urnes et de la mobilisation des islamistes. En tout cas, la pression et la rage populaires l’ont emporté sur toute autre considération politicienne. Mais, réflexion toute faite, à part ces convulsions postrévolutionnaires, qu’en est-il réellement de l’utopie révolutionnaire des jeunes assoiffés de liberté d’avant et durant les dix-huit jours marathoniens de l’insurrection de janvier-février 2011? La dictature de Moubarak est-elle vraiment écrasée dans son fœtus? Sur le terrain, rien ne le prouve car un an et demi d’instabilité et d’incertitude a largement suffi pour ternir l’image de toute révolution aux yeux des égyptiens. L’expérience a été infructueuse à plus d’un titre dans la mesure où chacun veut faire cavalier seul sans se référer à l’autre. Les frères musulmans ont cru pouvoir se passer de l’aide des autres tendances de la société (les salafistes et plus particulièrement les jeunes révolutionnaires). Ceux-ci ont même proposé leur offre de service de marcher dans le sillage de Morsi en échange d’une promesse de formation d’un gouvernement de coalition. Rien n’en fut. Les frères musulmans en fins tacticiens veulent solder leurs comptes à tous les activistes du printemps égyptien en se posant comme l’unique alternative face au diktat des militaires.

Par ailleurs et c’est là où vraiment le bât blesse, des problèmes de fond demeurent dans l’expectative: comment gérer dorénavant le conflit israélo-palestinien? Comment s’y prendre avec les clauses des accords de Camp David de 1979 qui ont rendu l’Egypte un pays normalisé avec l’ennemi sioniste et quels rapports la confrérie entendrait-elle entretenir avec l’Oncle Sam, principale force hégémonique intéressée dans la région? Il est certain que le problème palestinien avec ses ramifications omniprésentes touche fatalement plus que tout autre sujet l’avenir du Caire. Comme quoi, le destin des frères musulmans ne devrait plus rimer avec celui du Hamas palestinien, agonisant depuis sa victoire aux élections législatives de 2006 à cause de son intransigeance face à l’ennemi sioniste ainsi que les intérêts stratégiques de l’impérialisme américain et ses suppôts. Visiblement, Morsi, ce proche collaborateur de Kheirat Al-Shater, le fondé du pouvoir de la confrérie islamiste égyptienne, serait confronté non seulement au pouvoir parallèle de «l’establishment» mais aussi et surtout aux effets désastreux laissés par la dictature (la crise politique, sociale, morale et économique).

Un fait semble avéré, ce ne sont plus les quelques envolées lyrico-islamisantes, nées spontanément du jour au lendemain qui vont déboulonner tout un système pourri à la racine mais à coup sûr la foi de tous les Egyptiens dans le changement sous la gouvernance d’un pouvoir civil. Ce qui est vraiment pénible pour le président Morsi est la non-expérience des frères musulmans dans la gestion politique, la peur de décevoir les aspirations populaires pèse lourdement sur l’avenir de ce pays-pivot dans le processus de paix au Moyen Orient. Des handicaps de plus à rajouter aux multiples autres freins qui se présentent devant eux. Hélas, de l’autre côté de la scène, l’on trouve les « révolutionnaires» postés devant un choix cornélien des plus triste qu’ils aient imaginé : accepter le jeu des islamistes ou se rendre pieds et poings liés à la tyrannie des militaires !

Morsi, écartelé entre des révolutionnaires laïques, des militaires pas forcément acquis au cri des masses, lesquelles sont tout à fait en désaccord avec « l’establishment », des salafistes sur leurs gardes, des couches clochardisées qui ne supportent plus la vie dans la misère, des sionistes pressés de sceller à jamais le contrat de paix, serait-il un simple suiveur des sentiers battus de ses prédécesseurs, un pion aux mains des militaires ou un anti-impérialiste endurci, et un guide suprême au-dessus de tous les nuages? Aucune réponse n’est vraiment en perspective vu que l’incertitude règne encore dans le ciel du Caire. En définitive, on ne saurait qu’être plus qu’unanime sur le fait que c’est le sort de la révolution égyptienne qui déciderait des suites à donner au printemps arabe pour deux raisons principales. D’une part, en plus du rôle traditionnel du leader de la locomotive arabe, la nature militaro-oligarchique du régime déchu de Moubarak est de loin la plus dure par rapport à la «sécuritocratie» de Ben Ali ou à la «bédouinocratie» d’El-Gueddafi par exemple.

D’autre part, l’aspect sanguinaire de la révolution du Caire n’est guère une simple trace à effacer par des promesses au vent. L’entêtement et la quête inassouvie de la vérité par la population égyptienne durant le procès de Moubarak en sont des preuves irréfragables. Le nouveau président en est bien conscient et les impératifs auxquels il devrait s’affronter s’annoncent beaucoup plus difficiles qu’il n’y paraît. Alors en réussirait-il le coup? On laisse le bénéfice du doute à l’avenir, il en saura quelque chose.

* universitaire

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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