Où sont donc passés le Croissant rouge, les Scouts musulmans et la constellation d’organismes de bienfaisance pour mener à bien cette opération ? Tout le monde se méfie de l’utilisation politicienne de la chose, mais tout le monde roule pour une chapelle idéologique. Certains élus ont instrumentalisé l’opération pour l’avoir déjà confiée à des militants de leur obédience politique feignant d’ignorer que le Trésor public en est le principal pourvoyeur de fonds. La quadruple opération, résidant dans la commande, l’enlèvement, le stockage et la distribution pourrait être aisément confiée à une seule entité : le grossiste chez lequel, la commande est passée. Le bénéficiaire, peut aisément se faire servir moyennent un « Bon » d’enlèvement dument signé par les services compétents. Il y aura toujours des empêcheurs de tourner en rond, pour trouver à la procédure des vices de forme. Eux qui anticipent sur les événements, subodoreront l’entourloupette de la malversation qu’ils pratiquent eux-mêmes, sans état d’âme. Investis, d’une mission sacrale, ils ne céderont aucune concession de leurs prérogatives qu’ils considèrent, à tord ou à raison, comme régaliennes. Ils régenteront la charité selon leur bon plaisir. Ceci nous renvoie au Ramadan de 1995 où un haut responsable local du Sud invitait à sa table, des jeûneurs non-voyants. Pourquoi de tous les handicapés, nous dira-t-on, invite-on exclusivement cette catégorie de personnes ? L’explication, a été donnée par le journal du 20 h du jour suivant. On a, délibérément, utilisé leur handicap pour filmer à leur insu ces malheureux invités.
Dans le contexte actuel de la crise syrienne, qui nous semblait si lointaine, rien n’explique jusqu’ici, le silence observé à l’endroit des refugiés syriens qui se déversent sur notre pays en flots continus. Impliqués indirectement, par les retombées du conflit, nous observons le drame avec un calme olympien. Lampedusa, la chrétienne serait-elle plus solidaire que nos vieilles cités musulmanes vis-à-vis de nos coreligionnaires ? Il faut, malheureusement, le croire. Ces migrants pourtant légaux, n’ont trouvé que l’espace public d’un square pour abriter leur misère. Enfants en bas âge, femmes et vieilles personnes exhibent leur désarroi aux passants. Les quelques gestes d’entraide timidement tentés par des associations et des individus ne peuvent être que lapidaires, même s’ils demeurent louables. Il s’agit d’un drame humanitaire que seuls les moyens publics peuvent juguler ou du moins amoindrir. Légendairement connu pour être une terre d’accueil, notre pays doit rapidement réagir pour éviter à cette communauté la perdition de la rue. Les mauvais génies de la délinquance peuvent, devant le désintéressement apparent des pouvoirs publics, s’offrir en pâture cette proie livrée à elle-même. On évoque à demi-mots, une prostitution clandestine rampante, suscitée par d’incompressibles besoins économiques, notamment, nutritionnels. L’insatisfaction des besoins biologiques élémentaires, est comme tout le monde le sait, à la base de l’effritement de la dignité humaine menant au déshonneur, si ce vocable veut encore dire quelque chose.
Un furtif tour aux hypermarchés de la périphérie d’Alger, peut renseigner, un tant soi peu, sur la désinvolture outrancière que l’on adopte vis à vis de la détresse humaine. Les caddys regorgeant de boissons, fruits exotiques et autres douceurs jurent par leur insolence dans un tissu social de plus en plus désintégré par le dénivellement social. Le seul droit de garage des véhicules estimé à 100 Da /heure équivaut à la dime journalière versée en compensation de la non-observance licite du jeûne. Le gaspillage est cette hydre qui prive une multitude de «ventres creux» d’une manne alimentaire qui remplit «hontement» les poubelles. On avance même que sur les 50.000.000 de pains manufacturés par jour, 20.000.000 sont voués à la dessiccation. Les collectes d’argent hebdomadaires dans les mosquées pour les besoins de construction d’autres mosquées devraient bénéficier aux démunis tenus par l’observance du jeûne. Du moins pour cette période cruciale où le geste solidaire doit être de mise. Les fonds de la « Zakat » qui sont de plus en plus conséquents, ne devraient pas être distraits de leur mission cardinale. Aider des désœuvrés pour créer leurs propres activités lucratives relève d’abord, du processus d’insertion des jeunes.
Des gens, parfois bien mis, nous abordent discrètement pour quémander de l’aumône. Et ce n’est, apparemment, pas des mendiants. Il s’agit le plus souvent de retraités ou d’employés débauchés d’entreprises restructurées ou cédées qui n’arrivent pas à nourrir, les nombreuses bouches dont ils ont la charge. Il suffit que l’un d’eux nous aborde pour que les questionnements les plus irrationnels nous harcèlent durablement. La politique budgétaire mise en branle par les Etats, pour la maitrise des PIB, balance des paiements, réserves de change et fonds souverains ne serait-elle pas en fin de compte, qu’un verbiage technocratique que la misère humaine a, constamment, mis en échec ? Il ne s’agit en fait, que d’une mauvaise distribution de la richesse nationale. Quand certains, négocient leur séjour vacancier à l’étranger par cyber communication, d’autres pensent déjà à la rentrée scolaire de leur progéniture qui ne pourra être qu’hallucinante. Entre temps, la fête de « Aid El Fitr », ne fera pas que des heureux… Pourtant les habits, encore neufs et remisés par nos rejetons d’enfants, peuvent encore égayer de nombreux foyers.
2 août 2012
Farouk Zahi