Faut-il à ses conditions appréhender l’historique qui a été façonnée en un sens par des hommes qui ont omis de nous en parler, pour passer sur l’essentiel et laisser le vide s’installer et se reconvertir en amnésie, L’histoire de cet intellectuel, qui a été l’avant-garde de la révolution et parmi les plus grands a été occulté depuis. Aussi pour revenir à ce disparu il y a lieu de savoir qu’Ahmed Francis naquit à Relizane en 1912. Il effectua l’ensemble de ses études en France et obtint son doctorat en médecine à l’Université de Paris. De retour en Algérie, il exerça sa profession à Sétif en 1942. Ahmed Francis débuta dans le militantisme politique alors qu’il était encore étudiant à la faculté française de médecine, et ce dans le cadre de l’association des étudiants d’Afrique du Nord où il forma, avec Ahmed Boumendjel, une élite de jeunes intéressés par des recherches politiques liées à la question algérienne. A son retour en Algérie, il reprit ses activités politiques avec Ferhat Abbès, dont il devint très proche. Il participa à la création du Mouvement des Amis du Manifeste et de la Liberté. Après les massacres du 8 mai 1945, il fut arrêté et transféré vers les camps d’internement du Sahara. Il y demeura jusqu’en 1946 avant d’être libéré. Cette même année, Ahmed Francis contribua à la création du Parti de l’Union Démocratique pour le Manifeste Algérien et fut désigné comme délégué du parti auprès de l’Assemblée Algérienne où il poursuivit son activité politique jusqu’au déclenchement de la lutte de libération. Ahmed Francis ne rejoignit les rangs de la Révolution qu’en 1956 après l’adhésion de Ferhat Abbès. Après le Congrès de la Soummam, il fut nommé membre suppléant au Conseil National de la Révolution Algérienne. Il effectua plusieurs tournées en Europe et en Amérique Latine au service de la question algérienne au cours desquelles il rencontra de nombreuses personnalités politiques. En juin 1958, il fut nommé secrétaire permanent au Congrès de Tanger pour l’Union du Maghreb Arabe. Il devint ministre des finances, dans la première et deuxième formation du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne présidé par Ferhat Abbès (1958-1961). Il participa aux premières négociations d’Evian. Il fut démis de ses fonctions après la destitution de Ferhat Abbès et quitta la scène politique jusqu’à l’indépendance. Après l’indépendance, il fut nommé député dans la première assemblée constituante, puis ministre des finances le 27 septembre 1962. Pour rappel Ahmed Francis est Issu d’une famille bourgeoise, il suivra des études de médecine, passe son doctorat et exerce à Relizane. Beau-frère de Fehrat Abbas, il suivra toujours de très près la trajectoire politique de ce dernier. Ainsi, dès mars 1944, considérant que la politique d’assimilation est désormais dépassée, il fonde avec Abbas une association des amis du Manifeste et de la liberté (AML) en riposte à l’ordonnance du Comité d’Alger qui reconnaissait enfin – mais trop tard à leur gré – leurs droits électoraux aux musulmans. Il se trouve encore, deux ans plus tard, aux côtés de Fehrat Abbas, avec le docteur Saadane et Ahmed Boumendjel, lors de la création du parti de l’Union démocratique du Manifeste algérien (UDMA), destiné à remplacer l’AML dissoute après l’insurrection de Sétif de mai 1945. Aux élections pour la seconde Assemblée nationale Constituante du 2 juin 1946, Ahmed Francis figure en deuxième position sur la liste présentée par son parti devant le collège des non-citoyens du département d’Oran. Avec 98 068 voix sur 304 025 inscrits et seulement 147 840 votants, l’UDMA emporte, à Oran, les trois sièges à pourvoir. Ce succès n’est pas isolé, car l’UDMA remporte 11 des 13 sièges attribués au deuxième collège pour l’ensemble de l’Algérie. A l’Assemblée Constituante, Ahmed Francis est nommé à la Commission de la défense nationale et à celle des territoires d’outre-mer. Il ne prend la parole qu’une seule fois, le 20 novembre 1946, lors de la discussion du Titre VIII de la Constitution consacré à l’Union française, pour soutenir un contre-projet plus fédéraliste proposé par l’UDMA. Il termine son intervention en proposant la convocation à Paris d’une Assemblée Constituante de l’Union française. Ce contre projet sera ensuite défendu – mais en vain – par Fehrat Abbas Fidèle à la consigne de son parti, Ahmed Francis ne se représente pas aux élections législatives du 10 novembre 1946. Bien qu’hostile au nouveau statut de l’Algérie voté en 1947, il se fait élire avec sept de ses collègues de l’UDMA, dont Fehrat Abbas, à la première Assemblée algérienne en avril 1948. Il est à nouveau candidat aux élections législatives du 17 juin 1951. Il choisit cette fois le département d’Alger où il figure en quatrième position sur une liste présentée par l’Union démocratique des amis du Manifeste algérien. Mais les conditions politiques ont changé et l’UDMA avec 13 204 voix sur les 453 075 inscrits et les 297 865 exprimés ne recueille que 4,5 % des suffrages et n’obtient aucun des cinq sièges à pourvoir. La totalité de ceux-ci vont à une liste de Concorde et entente républicaine qui remporte 78,5 % des suffrages. L’UDMA n’a aucun élu dans la nouvelle Assemblée. Constatant que la solution fédéraliste est dédaignée par la France, les leaders de l’UDMA – ceux que Jean Lacouture nomme les « Girondins de la Révolution algérienne » – sont peu à peu amenés à se rapprocher des thèses indépendantistes. Le 31 mars 1956, soit quinze jours avant sa dissolution par le Gouvernement Guy Mollet, Fehrat Abbas, Kaddour Sator et Ahmed Francis démissionnent de l’Assemblée algérienne. Le 26 avril Ahmed Francis annonce au Caire son adhésion au FLN. Nommé ministre des finances des deux premiers « Gouvernements provisoires de la République algérienne », il participera à de nombreuses missions diplomatiques du FLN, notamment en Chine et en Yougoslavie. Ahmed Francis décèdera le 1er septembre 1968 à Genève (Suisse). Depuis on a plus jamais entendu parler de ce docteur qui a tant donné à la patrie, aujourd’hui nous l’évoquons pour nous le rappeler à la veille de ce 57ème anniversaire de la révolution du 1er novembre 1954.
2 août 2012
Ahmed Francis, C. Djamel