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Quelques indications à l’intention de nos futurs constituants Par Abdelmadjid Bouzidi

1 août 2012

Abdelmadjid Bouzidi

Chronique du jour : DECODAGES

abdelmadjidbouzidi@yahoo.fr
Notre pays s’apprête à connaître un nouveau texte de la Constitution et aura probablement à l’adopter. Les printemps arabes nous interpellent quant à la direction à prendre au cours de ce processus. Des leçons sont en effet à tirer de tous ces événements et devraient inspirer nos constituants.
Nous savons à présent, par l’analyse de la genèse du «printemps arabe», que la gouvernance autoritariste et la gestion patrimoniale des biens de l’Etat, que la surdité affichée face aux souffrances de la société par les pouvoirs en place, que la dilapidation du patrimoine public et la corruption ont produit des mouvements de révolte populaire qui ne sont plus axés sur des revendications «alimentaires », mais bien sur des exigences d’ouverture politique et de construction de la démocratie. Et ces mouvements ne doivent rien à l’islamisme comme ils ne sauraient s’expliquer par les seules «feuilles de route» élaborées par les Occidentaux pour déstabiliser complètement le monde arabe que ces derniers aient pris la juste mesure de la colère des différents peuples arabes et qu’ils l’aient attisée : très certainement. Mais «la cause externe n’agit que par l’intermédiaire de la cause interne» rappelait Mao Tse Toung qui précisait «une quantité de chaleur appliquée sur une pierre ne produit rien ; appliquée sur un œuf, elle donne un poussin». Les peuples arabes ont soif de démocratie. Et cette revendication n’est pas de l’européocentrisme mais bien comprise par ces peuples comme une condition nécessaire à remplir s’ils veulent pouvoir régler leurs autres problèmes de logement, de chômage, de besoins alimentaires. Sans accéder au processus d’élaboration de la décision selon les voies réellement représentatives, ces peuples n’amélioreront d’aucune autre façon leurs sorts.
Quelles seraient les leçons à tirer de ces printemps arabes ?
(Tunisie, Egypte, Libye, Yémen, Syrie…) Il est évident que les processus étant toujours en cours, des analyses sérieuses et plus fouillées restent encore à faire avant de comprendre les tenants et les aboutissants de ces «printemps». Il n’en reste pas moins que les soulèvements populaires qu’ont connus ces pays rappellent quelques acquis que la sociologie politique a permis d’établir et sur lesquels il y a peu de réserves. On peut en rappeler, ici, au moins cinq :
1/ L’Etat qui, sous l’emprise d’un homme, veut gérer seul, par sa seule bureaucratie, la société verse inévitablement dans l’autoritarisme et son corollaire le «tout sécuritaire» qui produisent les effets inverses de ceux qui étaient espérés. Ils génèrent fracture sociale, désordre et violence. Le face-à-face bureaucratie d’Etat-population, sans intermédiation institutionnalisée et acceptée, débouche irrémédiablement sur la rue.
2/ Un Etat fort est un Etat légitime qui a confiance en son peuple et qui s’appuie sur lui pour gérer la société. «C’est en faisant de chaque citoyen un membre actif de l’Etat, en lui donnant accès aux fonctions et aux services qui l’intéressent le plus, qu’on l’attachera le plus à l’indépendance du pays» (Thomas Jefferson). Ce qui a fait tomber Saddam Hussein puis El Gueddafi et, probablement bientôt, Bachar Al Assad ce sont certes les agressions armées que leur infligent les pays de l’Otan et à leur tête bien sûr les USA mais c’est aussi la désaffection de leurs peuples vis-à-vis de régimes pourris et sanguinaires que ces dirigeants ont mis en place. Seuls les peuples de ces pays auraient pu défendre l’Etat avec efficacité si celui-ci était légitime.
3/ La gestion de la société, la gouvernance comme on dit aujourd’hui, ne peut pas se faire sans rupture en l’absence d’institutions fortes = syndicats, partis politiques, structures de régulation, mouvement associatif … Toutes ces organisations qui remplissent l’importante fonction d’intermédiation entre les pouvoirs publics et la population dans ses diverses composantes.
4/ Les problèmes politiques ne sont pas solubles dans l’économie. Ce n’est pas en distribuant des emplois aidés, des subventions et des transferts sociaux que l’on règle les problèmes politiques qui minent une société. Les questions politiques ont leur propre logique et doivent faire l’objet de traitement spécifique. La croissance économique elle-même se heurte, tôt ou tard, au déficit de démocratie, de délibération, de dialogue social.
5/ La démocratie est un besoin social fondamental. Elle est possible partout même si le processus de sa construction doit s’ancrer dans le concret réel de chaque société. Et ce besoin ne peut être sans cesse ajournée.
Et l’Algérie dans tout cela ?
Notre pays connaît depuis quelques années, des colères populaires, des contestations violentes et des émeutes. Ces mouvements de contestation populaire doivent être vus comme un révélateur de problèmes sociaux, certes, mais pas seulement. Ce sont aussi des révélateurs d’une gestion politique de la société qui n’emporte nullement l’adhésion des Algériens ni plu singulièrement encore celle de la jeunesse. Les déclarations des citoyens que nous font parvenir les chaînes de TV Ennahar et Echourouk sont suffisamment «parlantes». La colère des Algériens est d’autant plus forte que le pays dispose d’un ensemble d’institutions en mesure d’assurer une transition démocratique «sans heurts ni fracas». Pourquoi donc l’Etat gèle-t-il toutes ces institutions de délibération, de dialogue, de participation à la vie politique du pays ? Et que l’on ne nous sorte plus l’épouvantail de l’islamisme politique, les Algériens ont suffisamment payé pour le réduire considérablement et ont largement démontré récemment qu’ils n’en voulaient plus !
Quel est l’état des lieux ?
1. Le pluralisme syndical est reconnu dans le droit, refusé dans les faits. Il revitaliserait pourtant d’une manière bien utile le dialogue social, la démocratie sociale.
2. La tripartite est bien là mais elle fonctionne comme appendice du gouvernement et ne délibère dans les faits sur aucun dossier économique ou social, la délibération étant pourtant un lien de confrontation des avis et de construction élaborée de consensus, pourquoi ne pas l’élargir à tous les syndicats et l’institutionnaliser ?
3. Le Conseil national économique et social existe, dispose d’un budget mais n’a toujours pas été renouvelé et ne reçoit pratiquement pas de saisine. L’urgence est à sa redynamisation car c’est là une formidable tribune de délibération, d’échanges, de débats, de réflexion sur les questions économiques et sociales qui intéressent la nation. Il faut rappeler que cette instance réunit représentants de l’Etat, syndicats, patronat, experts… Bel espace de fonctionnement d’une démocratie de négociation qui permettrait une application des politiques publiques plus consensuelles.
4. Les conseils de l’éducation, de la jeunesse, de l’information ont existé et ont permis des débats sur des dossiers cruciaux même s’ils avaient besoin d’être dynamisés et d’être plus représentatifs. Pourquoi les avoir supprimés ?
5. Le Conseil national de l’énergie permet un élargissement de la réflexion sur la politique énergétique du pays et d’éviter les erreurs que pourrait commettre l’administration en charge du secteur. Pourquoi ne fonctionne- t-il pas ?
6. Le mouvement associatif est reconnu légalement. Il est réglementé. Mais il fonctionne de manière anarchique, ne dispose pas de moyens, est laissé à son propre sort et à une vie végétative.
Il y a partout là un formidable outil d’aide à la société pour se prendre elle-même en charge, un outil de développement du civisme et de construction de la citoyenneté. Pourquoi donc toutes ces institutions ne sont-elles pas réveillées, remises au travail, laissées fonctionner sans immixtion ? Nous n’avons pas abordé le second volet de la transition démocratique. Celui du multipartisme. N’est-il pas grand temps de revoir le fonctionnement de la vie politique nationale. Libérer la parole, refaire fonctionner les institutions existantes en les démocratisant, revitaliser société politique et société civile, avancer sur les deux jambes et engager sérieusement, avec détermination, la transition démocratique dans notre pays, une «démocratie forte» comme la qualifie le politologue américain Benyamin R. Barber, c’est-à-dire une démocratie enracinée dans la société profonde. Allons-nous le faire ? La montagne ne vat- elle pas seulement nous renvoyer nos propres échos ? Espérons que non, afin d’éviter une transition violente, socialement coûteuse dont le pays n’a pas besoin.
A. B.

Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/08/01/article.php?sid=137383&cid=8

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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