Chronique du jour : LETTRE DE PROVINCE
hamidechiboubakeur@yahoo.fr
Les uns après les autres, leurs dirigeants subissent les assauts de leurs militants. Chez ces derniers, les mécontentements ne sont pas tous de la même nature. Pour certains, ils imputent à leur leader les conséquences des batailles électorales perdues alors que d’autres instruisent carrément des procès idéologiques aux instances de l’appareil. Ici et là, d’une chapelle politique à l’autre, toutes, à une ou deux exceptions près, voient se lever le vent des purges.
Car depuis plusieurs semaines, la plupart des partis politiques se démènent dans les affres des luttes intestines qui, a priori, mettent en lumière les pratiques sombres qui auraient valu d’étranges ascensions politiques au détriment de «ligne», voire des règles organiques. Or, loin de n’être que des scènes de ménage, aux conséquences secondaires, cette épidémie des révoltes intra-partisanes ne serait-elle pas les prémices que quelque chose doit impérativement changer dans ce multipartisme asservi dans sa totalité aux méfaits et à la manipulation du pouvoir ? Les partis politiques en butte à la contestation militante aussi bien que ceux qui en sont provisoirement épargnés peuvent- ils en bonne conscience se prévaloir d’un quelconque mérite dans la promotion et la défense des libertés publiques ? Tout au moins certains courants ont-ils campé sur leurs principes en évitant, autant que cela leur était possible pour leur existence, de ne pas trop se compromettre dans les recompositions cycliques que met en œuvre un régime dont l’hostilité au pluralisme est notoire. Mais leurs voix ne portaient guère plus loin que les communiqués de presse. Sur le terrain de la mobilisation, leur visibilité était rare d’autant que la moindre velléité de porter la contradiction sur la place publique leur était déconseillée et même combattue. C’est par conséquent avec ce confetti de sigles que se compose le paysage partisan, dont les trois quarts ne sont que des enseignes du régime. Or, la nouveauté dans la situation présente est que la plupart des remises en question, c’est-à-dire la grogne qui prend des proportions insoupçonnables jusque-là, touchent essentiellement les vieilles officines qui avaient cautionné un processus officiel à travers leurs participants aux élections du 10 mai. Le FLN évidemment mais étonnamment le FFS sont eux dans une véritable crise existentielle. Alors que le FNA joue sa survie à travers un échange d’accusations ayant trait à de sordides malversations financières, le MSP, par contre, est rattrapé par son «entrisme». Cet héritage de Nahnah, qui a fini par rendre soluble dans le prestige de la carrière la totalité de ses credo religieux. Dans la confusion des règlements de compte souvent personnels, l’ensemble des partis découvrent, en quelque sorte, les pénibles avatars de la célèbre fable : celle des «animaux malades de la peste». Ainsi, il est loisible d’imaginer leur devenir dès lors qu’ils «ne mourront pas tous mais tous en sont atteints». Car dans l’annuaire de ce qui était considéré, il n’y a pas si longtemps, comme les bonnes adresses de la démocratie et même sa vitrine, il ne demeure de nos jours que quelques-unes qui répondent encore à l’appel. De la demi-douzaine d’entre elles que le système a, d’ailleurs, dispensées de sa censure d’airain combien seront-elles encore capables de tenir la route même au prix d’émouvantes refondations doctrinales ? En effet, peut-on envisager un instant que le FLN fasse sa révolution copernicienne ? Celle du changement radical en rompant avec son statut de satellite des régimes. Par ailleurs, comment le FFS peut-il actualiser son image de courant fondateur de l’opposition qu’il fut jadis ? La guéguerre qui divise actuellement ses cadres ne ronge-telle pas plutôt ses constantes idéologiques au lieu de les clarifier et les consolider ? Ce FFS qui s’est satisfait de directives épistolaires n’a-t-il pas négligé le travail d’analyse du terrain au point de naviguer à l’estime ? Les dernières péripéties ne lui ont-elles pas valu de nombreuses défections à la base ainsi que le soupçon de connivence avec le pouvoir ? Quant au RND, où les escarmouches ne dépassent jamais la cafétéria du siège, il n’est qu’un ersatz de courant de pensée qui, faute de passé militant, n’a d’avenir que ce que n’importe quel pouvoir voudra lui accorder. Enfin, il faudra se pencher également sur la détresse d’un MSP où les tiraillements au sein de sa direction sont la conséquence des coups de poker menteur de son secrétaire général qui, imprudemment, rompit les amarres avec la main du pouvoir qui l’avait nourri au moment du printemps arabe. Ainsi donc, être dirigeant d’un parti est devenu un sésame pour fréquenter le saint des saints. Autrement dit, la seule voie «militante» pour accéder à la caste. Et l’on comprend pourquoi, malgré les épreuves qui les déstabilisent à l’intérieur de leur camp respectif, ils renoncent rarement à la position dominante acquise par le passé. Au mieux, ils font amende honorable du bout des lèvres pour ensuite réaffirmer leur primauté sur l’ensemble des militants. Secrétaires généraux ou présidents de partis, peu importe le titre que l’organisation a donné à la responsabilité qu’ils occupent, eux ne souhaitent pas la remettre en jeu. Pourtant désignés à titre précaire et révocable après chaque congrès, ils s’attellent à faire le contraire pour imposer leur reconduction malgré des bilans peu flatteurs et des fautes politiques notoires. C’est ainsi que de dupes consentants du pouvoir ils deviennent eux-mêmes des mystificateurs de tribune et des maîtres-chanteurs en face de leurs militants. C’est parce que le goût et l’ivresse du leadership effacent en eux ce qui est à l’origine de leurs engagements. Ils cessent de servir d’abord la doctrine du parti pour ne se servir que de ce que celui-ci représente. Alors ils réinventent un nouveau commerce politique, celui du clientélisme interne qui agrée les dociles et sanctionne tout le reste. Progressivement alors, le parti se retire du véritable champ politique pour ne régler son horloge que sur les rendez-vous électoraux. Des moments-clés pour consolider l’esprit de clan par la promesse de récompenses. Ainsi naquit le pluralisme des notables et disparaissait celui du combat pour la diversité d’opinion. Désormais semblables dans leur pratique et par conséquent interchangeables, nos partis politiques illustrent parfaitement la faillite du modèle algérien.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/07/28/article.php?sid=137205&cid=8
30 juillet 2012
Boubakeur Hamidechi