LA CHRONIQUE DE ABDELHAKIM MEZIANI
Il y a de quoi en vouloir à quelques historiens dont la pratique n’est pas sans un zeste de pusillanimité dans leurs rapports au rôle joué par les médinas dans le jaillissement du mouvement national. A fortiori lorsqu’ils s’alignent sur la conception dominante de l’écriture de l’histoire et attribuent la création de l’Association des Oulémas et de Nadi at-Taraqi aux réformistes musulmans alors que le mérite singulier revient de droit respectivement aux adeptes de la Tariqa et à la bourgeoisie citadine algéroise.
Ce n’est donc pas sans arrière-pensées si des pans importants de la mémoire collective sont restitués bien loin de la vérité historique. Serait-ce ces raisons qui ont poussé certains historiens à ignorer dangereusement jusqu’à l’existence de Ahl sounna oual djamaa (les gens de la sounna et de la communauté) alors que ses principaux fondateurs ont été à l’origine de la création de l’Association des Oulémas?
Le remodelage du passé en fonction d’intérêts surannés et du clientélisme semble être rattrapé par l’histoire. En restaurant dans ses droits le soufisme, le président de la République n’a pas manqué d’opérer une sérieuse rupture avec la conception systémique de l’écriture de l’histoire. À un moment où il est permis de soutenir que l’avènement de l’association des Oulémas est loin d’être casuel. Il procède, bien au contraire, d’une démarche en adéquation avec la réalité d’un peuple qui aspirait, dès les lendemains de la Première Guerre mondiale, à l’émancipation plurielle. Je suis de ceux qui considèrent qu’il ne résulte nullement de raisons exogènes tant il est intervenu aux antipodes des raccourcis empruntés par certains auteurs faisant la part belle aux influences levantines.
Celles de Chekib Arslan et de cheikh Mohammed Abdou alors que de mémoire d’Algérois si le recteur de l’université d’El-Azhar était venu en 1903 à Alger, c’était à l’invitation de la caste coloniale pour y prendre une fatwa encourageant les jeunes Algériens à rejoindre l’armée française…Aucun historien ne rapporta, par exemple, la virulente réplique du grand érudit mystique algérois Cheikh Abdelhalim Bensmaïa qui fit remarquer à Cheikh Abdou que les jeunes Algériens n’avaient pas à aller mourir pour les forces d’occupation. Ce rappel incessant au passé glorieux est loin d’être un exercice de style. La fusion entre la ruralité et la citadinité dès 1920, la défense du patrimoine culturel et artistique, les poèmes et les chants tant mystiques que citadins constituèrent l’une des formes les plus actives de la résistance face à l’occupant.
Ce qui fit dire à Charles-Roger Ageron que les poètes et les initiateurs d’un tel mouvement ont bien mérité de leur peuple. Ils se sont montrés des gardiens vigilants. Ils ont dit jusque dans leur désespoir l’invincible espérance d’un peuple croyant que l’aube du siècle dernier galvanisa, annonciatrice qu’elle était de bouleversements en profondeur.
A. M.
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25 juillet 2012
Abdelhakim Meziani