Par Abdelmadjid Bouzidi
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L’économie algérienne est vulnérable. Constat bien banal. Le paradoxe est que cette économie, fragile, est financièrement riche et peut donner l’illusion que «ici, tout va bien». Les Algériens ne doutent de rien et pensent que rien ne peut leur arriver. Du pain, du lait, de la semoule presque gratuits ; de l’électricité et du gaz totalement sous-tarifés, des transports publics largement subventionnés, etc., etc.
Cette situation n’est pas tenable et la rupture risque d’arriver plus tôt que prévu. Il faut pourtant bien comprendre que chez nous «tout est à faire». Et d’abord la construction d’entreprises performantes et compétitives, la construction de champions locaux, régionaux et dans une dernière étape internationaux. Les premiers résultats du recensement économique publiés par l’ONS laissent perplexe et montrent le long chemin qui reste à parcourir par notre pays pour se doter d’une économie productive. Si on devait se permettre un raccourci, on pourrait écrire que la mondialisation de l’économie repose en premier lieu sur la concurrence : que la concurrence, c’est la compétition et concerne, bien évidemment, en premier lieu, les entreprises et que la compétition entre entreprises met en jeu l’intelligence économique. L’économie de marché mondialisée exige de l’entreprise une grande performance et de la compétitivité. Performance et compétitivité de l’entreprise exigent à leur tour aujourd’hui une grande maîtrise du management de l’informel. Dans le domaine de l’entreprise, «on est passé de la manufacture à la cerveau-facture », écrit le professeur R. D. Collin de l’école de management de Grenoble. L’intelligence économique fait aujourd’hui partie du système conceptuel proposé à l’économie de l’entreprise. Ce concept, inspiré de pratiques militaires bien anciennes, désigne «la capacité d’une organisation à collecter, interpréter et exploiter les informations décisives pour l’issue du combat». Cette «science» a bien évidemment connu une grande évolution et continue encore aujourd’hui de se perfectionner. A ses débuts, l’intelligence économique visait modestement à rationaliser la collecte et le stockage de l’information pertinente utile à l’entreprise. Comme nous venons de le rappeler, «la mondialisation des marchés, l’apparition régulière de nouveaux compétiteurs dans tous les secteurs d’activité, la complexité croissante des techniques mises en œuvre changent la donne et confèrent une nouvelle dimension à ce paradigme». (Cf. «Les cahiers de la compétitivité» in Le Mondedu 13 juin 2007). L’intelligence économique d’abord au Japon, puis aux USA, se développe comme science de l’anticipation. L’objet de cette science est la collecte de l’information qui est publique, gratuite ou payante, en provenance du monde entier. Cette information est ensuite analysée et permet aux entreprises de définir leur stratégie en tenant compte, bien sûr, des contraintes mais aussi des impératifs qu’impose la mondialisation de l’économie. En d’autres termes, la démarche de l’intelligence économique (I.E) consiste à travailler à collecter et maîtriser le flux d’informations qui circulent tant à l’extérieur qu’au cœur de l’entreprise. Cette démarche peut être structurée en quatre temps :
• 1 Dans un premier temps, il s’agit de cibler les informations pertinentes pour l’activité de l’entreprise.
• 2 Une fois ciblées, les informations doivent être recherchées. Le travail consiste ici à sélectionner la bonne information de manière à la transformer en connaissance. Cela suppose deux choses :
a) un état d’esprit
b) des outils de collecte, d’analyse et de traitement de l’information.
•3 Dans un troisième temps, le travail consiste à exploiter les informations conformément aux objectifs stratégiques ou opérationnels de l’entreprise dans le but d’aider à leur atteinte. La collecte de l’information, son bon traitement et son analyse pertinente vont permettre à l’entreprise d’agir au mieux de ses intérêts. Cette utilisation offensive de l’information va permettre à l’entreprise d’identifier des partenaires potentiels, à construire des synergies à l’international et à créer de nouvelles alliances. Tout cela dans la perspective de conquérir de nouvelles parts de marché ou plus simplement de conserver les siennes. Cela ne requiert pas seulement une excellente connaissance de l’environnement économique mais également politique au niveau local, régional ou international ainsi que l’environnement fiscal ou juridique.
• 4 Le quatrième temps de la démarche intelligence économique est celui qui consiste à protéger et sécuriser les données stratégiques de l’entreprise. Il convient à cette étape de sélectionner les informations diffusables de celles qui ne le sont pas. A côté des obligations légales, il s’agit de savoir ce qui peut filtrer de la vie quotidienne d’une entreprise, de ses recherches en matière de développement technologique ou géographique, par exemple. L’entreprise doit être capable de mesurer le risque acceptable, le «risque résiduel» c’est-à-dire ce qu’elle peut dévoiler à ses partenaires. On peut constater après ces rappels que l’IE est constituée par «des systèmes complets de techniques et de compétences humaines intégrées dans une organisation complète». Bien évidemment, pour développer une véritable stratégie d’intelligence économique, l’entreprise doit disposer «de temps et d’argent ainsi que d’une organisation interne adaptée et d’un support externe». Terminons cette contribution en soulignant un fait : pour l’heure, aucune entreprise algérienne, ni publique ni privée, ne dispose d’une stratégie d’intelligence économique et le retard est, ici aussi, considérable même par rapport à nos voisins. Les exportations hors hydrocarbures ne peuvent pas venir seulement de la litanie : beaucoup de travail attend l’Etat mais surtout les entreprises.
A. B.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/07/25/article.php?sid=137111&cid=8
25 juillet 2012
Abdelmadjid Bouzidi