«Journaliste, un métier ? Plutôt un sacerdoce…»
le 03.05.12 | 10h00
Que vaut la presse algérienne, cinquante ans après l’indépendance ? Quelles ont été les grandes étapes franchies par la corporation ? Les médias algériens sont-ils à la hauteur des aspirations et des attentes ? Ont-ils été un pouvoir, un contre-pouvoir où un porte-voix du pouvoir ? A ces questions et à bien d’autres, tentera de répondre un des témoins clefs de la naissance de la presse post-indépendance. Youcef Ferhi, 76 ans, qui a compté parmi la première fournée de journalistes en 1962 et surtout fondateur de l’hebdomadaire Algérie – Actualités en octobre 1965 et qu’il dirigera jusqu’à la fin 1972. Cet hebdo se distinguait par sa relative liberté de ton, dès lors qu’il était perçu comme une soupape, une petite bouffée d’oxygène dans l’immense univers conformiste de l’époque.
Visage carré, carrure trapue, sourire en coin appuyé, poignée de main chaleureuse, Youcef Ferhi nous replonge dans les arcanes du métier. Avec ses heurts et ses malheurs, ses bons moments et ses tourments.
Journaliste par hasard
L’homme garde toujours la flamme des années de braise. Son regard s’allume lorsqu’il évoque son passé. Il interrompt ses études lors de la grève de Mai 1956, pour les reprendre après l’indépendance et obtenir une licence en droit. Il fait partie de ceux qui sont à l’origine de l’émergence du premier quotidien national Echaâb en 1962. Il participe à la création d’Alger ce soir en 1963 et fonde Algérie-Actualités en octobre 1965.
En parlant de son parcours, derrière ses grosses lunettes il s’exprime les yeux fermés : «Je suis venu au journalisme presque par hasard. En rentrant de Tunis, j’étais affecté en 1962 aux finances. Notre mission consistait à s’occuper du retour des refugiés. A Alger, je rencontre Sid Ahmed Baghli, qui dirigeait le cabinet de M’hamed Yazid, alors ministre de l’Information du GPRA. C’est sans doute là que tout s’est enclenché. Les événements se sont ensuite vite emballés. J’avais opté pour le journalisme, une annonce de recrutement de journalistes était faite dans le journal Echaâb, quotidien né le 14 septembre 1962. Il y avait une trentaine de candidats qui s’étaient présentés, dont Bachir Rezzoug, Kamel Belkacem, Halim Mokdad, Hadji Abdelmadjid, Lyes Hamdani et bien d’autres, dont moi-même. J’avais 26 ans, j’ai exercé au Peuple en tant que chef de rubrique». «Je dois à la vérité de dire que le métier, je l’ai appris sur le tas. Un jour, j’étais en reportage sur le tourisme. Quand je rentre à Alger, je m’aperçois que Djamel Bendimerad avait pris les commandes du journal. Zerdani et Louanchi étaient partis. Je ne m’entends pas avec le nouveau patron. Je démissionne en compagnie de Z’hor Zerari.
Deux jours après, Serge Michel me suggère d’être son premier assistant au stage consacré aux journalistes avec la promesse d’ouvrir un journal lors du premier Congrès du FLN en avril 1964. Ce qui se réalisa le 14 avril avec la parution du premier numéro d’Alger ce soir. Au début, il n’y avait pas de problèmes. Je n’ai jamais eu affaire à la censure. Pour moi, il fallait tout dire, tout expliquer. Ce n’est qu’à partir du dernier trimestre de 1964 que commence la mainmise du FLN sur la presse. Sur le plan politique, Ben Bella commençait à asseoir son pouvoir en éliminant Khider, Boudiaf et Ferhat Abbas. Le bureau politique du FLN s’était doté d’une commission d’information et d’orientation qui s’occupait, en fait, du contrôle, présidée par Hocine Zehouane. Les directeurs de journaux destinataires de directives fermes se pliaient sans broncher aux injonctions».
L’expérience d’Alger ce soir a fait long feu. Aujourd’hui, lorsqu’on en parle, c’est surtout pour évoquer sa suspension à cause d’un fâcheux malentendu, où la photo du ministre de l’Information, Bachir Boumaza, et la légende relative à la face cachée de la lune criblée de cratères avait donné lieu à bien des spéculations, dès lors que le ministre avait le visage marqué de petite vérole. «Ce jour-là, j’assurais le bouclage du journal vers midi à l’imprimerie du parti, Boulevard Khemisti. Au moment de la signature du bon à tirer de la une, une dépêche de l’agence soviétique Tass, reprise par toutes les agences de presse, venait de tomber sur le télex. C’était un événement scientifique et un scoop qu’on ne pouvait rater. L’information donnée sous la photo ne pouvait être prise pour une légende ! Les gens avaient extrapolé en propageant l’idée que l’arrêt du journal était dû à cette soi-disant méprise». Or, il n’en est rien.
La face cachée de la lune
«La vérité, je ne l’apprendrais que 20 ans plus tard de la bouche même de Bachir Boumaza qui m’a affirmé que la liquidation d’Alger ce soir avait été décidée au lendemain du 19 juin, parce qu’on considérait les membres de l’équipe rédactionnelle comme ‘‘gauchistes’’, qu’on devait arrêter ! Pourtant, on nous avait rassurés de la réapparution du journal, mais ce n’était que de la poudre aux yeux. En fait, ce qui a précipité la disparition du journal, c’est le pavé que j’ai balancé, quelques jours auparavant, en annonçant une éventuelle réunion du Conseil de la révolution et de l’Assemblée nationale. Vous vous rendez compte ! Une centaine de Boumediénistes se réunissant avec plus de 300 Benbellistes près de 3 mois après le 19 juin ! Cet épisode passé, le pouvoir avait réfléchi à combler le vide en créant un magazine du week-end, branché plutôt sur le choses culturelles. J’ai sauté sur l’occasion lorsque la proposition m’a été faite par Boumaza. Je me suis mis au travail en mettant en forme un journal appelé Actualité dimanche, et comme l’appellation frisait le mimétisme, on a changé le titre.
J’en ai fait part à Belazoug, directeur d’El Moudjahid, dont le souci était de ne pas dégarnir son équipe rédactionnelle. Je me limiterais à Z’hor Zerari et Mohamed Abderrahmani pour encadrer l’équipe composée de Bachir Rezzoug, secrétaire général de rédaction, Mohamed Bederina, Baouya, Bouslama, Korichi, Rachid Mazouni… Le premier numéro paraît le 28 septembre 1965. La formule sera conservée jusqu’au passage du grand format au format tabloïd. Au-delà du caractère purement technique de la faisabilité de ce nouveau-né, la ligne éditoriale souhaitée ‘‘souple’’ n’en souffrit pas moins. Lors des accords d’Ifrane (Maroc), j’avais prévu un article. Pour le samedi, soit quatre jours après la signature. Le journal était bouclé et à 23h tombe le premier numéro. Benyahia, alors ministre de l’Information, passe au 20 rue de la Liberté, s’arrête, prend un numéro, le feuillette et décrète qu’on le stoppe. J’étais absent. Le lendemain, je constate qu’il n’y a pas de numéro dans les kiosques. On m’appelle du ministère. ‘‘Est-ce que tu peux revoir le texte’’, m’avait-on ordonné. Je me suis échiné durant toute la matinée du samedi à récupérer les plaques et les photos, à refaire la une et à écrire un papier. A 13 h, le journal était sur les étals.
Etre journaliste sous un régime autoritaire réfractaire et allergique à toute forme de liberté d’expression, c’était marcher sur des œufs, non pas en disant une quelconque grosse connerie, mais en écrivant des choses qui déplairaient au pouvoir en place ! Aussi, la plupart des journalistes avaient compris qu’une minuscule phrase pouvait avoir d’incommensurables effets. Je persiste à penser que l’autocensure est plus efficace que la censure», admet notre doyen qui fait sienne cette maxisme de Karl Max. En l’absence de liberté de la presse, toutes les autres libertés ne sont que des mirages… Parmi les faits saillants qui ont marqué la vie du journal, Ferhi nous racontera cette mésaventure à propos de l’hôtel Aurassi. «En avril 1965, j’avais rédigé un article en écrivant qu’il était inconvenant de démolir le stade de football des Tagarins et un autre mitoyen d’athlétisme, d’autant que l’assiette offrait des perspectives pour un grand complexe sportif avec des courts de tennis, des piscines…, des gradins en demi-lune face à la mer.
Vous vous imaginez le panorama ! De plus, le terrain n’était pas solide. Les Français, au début du siècle dernier, avaient construit les édifices environnants sur des fondations qui ont englouti des tonnes et des tonnes de béton, avec de surcroît des pertes humaines. De plus, l’Aurassi qui était prévu sur 23 étages s’est contenté de 9. Le papier que j’avais écrit avait déplu en haut lieu, je reçois un coup de fil. ‘‘C’est Ahmimed (Ben Bella), vous vous rendez compte de ce que vous avez écrit sur l’Aurassi ?’’ a-t-il tempêté, puis s’en suivit un chapelet d’insultes et d’obscénités que par décence je ne pourrais reproduire…» De son expérience journalistique qu’il considère aujourd’hui comme un précieux acquis, il lui est resté une grande méfiance.
Méfiant malgré tout
Il n’y avait certes pas de propos hardis sur la politique, et les journalistes ne pouvaient se permettre la liberté d’écrire tout ce qui leur passait par la tête. Le monde journalistique actuel ne semble l’enthousiasmer que moyennement, même s’il y hume parfois un parfum de liberté. Invité à évoquer son sentiment vis-à-vis de la presse d’aujourd’hui, Ferhi, fronçant les sourcils broussailleux, est sans merci. «Il y a un manque flagrant de professionnalisme. Il n’ y a pas un véritable journalisme d’investigation. Beaucoup de choses sont affirmées sans aucun contrôle, sans vérifier leur véracité, c’est bien malheureux de faire ce constat qui décrédibilise la profession. Par ailleurs, je constate qu’il y a des articles illisibles. Ce qui me désole davantage, c’est qu’il n’ y a pas une union de journalistes, quelles que soient leurs tendances, pour défendre leurs droits socioprofessionnels.
Dans l’histoire de la presse, l’ouverture démocratique est un acquis irréversible. Mais il est à consolider par le sérieux et la volonté de toujours se perfectionner», suggère-t-il. Pour lui, la liberté de la presse présente des inconvénients. Mais moins que l’absence de liberté, «il faut récompenser le mérite, je ne conçois pas qu’un journal qui ne tire pas au-delà d’un certain seuil puisse bénéficier des largesses de la publicité publique. C’est inadmissible. A l’heure de l’Internet et de la presse numérique, les journaux ne souffrent-ils pas de cette redoutable concurrence ?»
La presse version papier ne mourra jamais, pronostique-t-il, rien ne vaut le plaisir de tenir un journal dans ses mains, de le palper et de le garder si besoin. En tous cas, il n’ y a pas de crainte pour notre presse, au moins pour les années à venir…
Parcours :
Originaire de Talefsa dans la Qalaâ de Beni Abbas près d’Ighil Ali, Youcef Ferhi est né le 9 mai 1936 à Alger. Il interrompt ses études lors de la grève des étudiants de Mai 1956 pour les reprendre après l’indépendance et obtenir une licence en droit. Il participe dès août 1962 à la création du premier quotidien national Achaâb.
Assistant au 1er stage de formation de journalistes aux côtés de Serge Michel en 1964, il prend part, avec une partie des journalistes formés, à la création d’Alger ce soir. Il crée Algérie Actualités en octobre 1965, qu’il dirige jusqu’en 1972. Avec Kateb Yacine et Issiakhem, il crée Le Chameau prolétaire, supplément d’Algérie Actualités. De 1973 à 1990, il est cadre à la DNC, puis directeur de l’hebdo sportif en arabe El Mountakheb de 1994 à 1998.
Auteur du premier livre sur la cuisine algérienne édité par la SNED et Bordas (1969) et de Douce France ou 132 ans de colonialisme en Algérie (Ed. Dahlab). Collabore à diverses publications, membre fondateur de la fondation du 8 Mai 1945. Marié, père de 4 enfants.
Hamid Tahri
© El Watan
25 juillet 2012 à 8 08 38 07387
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