le 17.05.12 | 10h00
«La politique est l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde»
Paul Valery
Amar Sersour a deux passions dans la vie : l’administration, il est banquier, et la musique. Il a su concilier les deux en menant une carrière professionnelle studieuse et en offrant une musique qui plaît tant aux mélomanes. Quitte à faire grincer des dents des confrères envieux…«Ce saltimbanque de la poésie», comme se plaît à le définir son ami écrivain Abderahmane Lounas, qui n’en rate pas une pour placer un bon mot, a réussi à se faire admettre dans le monde merveilleux mais controversé de la musique. Lounas lance ce calembour juste pour rire, car l’homme visé est aussi mesuré que sage, comme les belles images qu’il donne à contempler à travers ses chansons.
Un des ses fans, qui l’a connu à ses débuts, le classe dans la lignée des poètes avec qui il a fait son chemin et qui ont certainement dû l’influencer un jour. «Il a parié sur la curiosité et la découverte, et voilà qu’il entre de plain-pied dans la jardin des grands grâce à la pureté de ses poèmes et à la profondeur de ses musiques. Et si sa notoriété s’est faite à l’époque spontanément et s’est vérifiée, nul hasard à cela.»
Dans la lignée des grands poètes
Amar Sersour est né le 20 novembre 1955 à Ouaguenoun près de Tizi Ouzou. Son cursus scolaire, il l’a effectué dans cette ville jusqu’au baccalauréat en 1975. Il décroche une licence de gestion à Alger en 1979. Il part en France en 1980 où il prépare un 3e cycle en management à l’Ecole supérieure de Paris. Il y séjourna jusqu’en 1991 en occupant plusieurs postes de manager dans des multinationales, notamment. En rentrant en Algérie, au début des années 1990, Amar ne se doutait pas de la tourmente qui allait secouer le pays une décennie durant. Ce fils de chahid s’arme de patience et vit mal cette période à partir de son poste de cadre à la banque, marqué aussi par la perte de sa mère quelques années auparavant.
Ce côté professionnel ne saurait éclipser sa carrière artistique menée à 20 ans et qui va l’affirmer comme un des fleurons de la chanson kabyle. Ce poète, auteur compositeur et chanteur se frayera un chemin appréciable dans la lignée des auteurs confirmés. Sa proximité avec le grand poète Benmohamed l’aide en quelque sorte à s’affirmer et à affiner sa personnalité. Ses fans apprécient sa prose élégante et limpide, qui rend compréhensibles les arcanes les plus obscurs de la vie de tous les jours.
Le fameux texte de Benmohamed Rappelle-toi qu’il chanta avec panache, le mit sur orbite. «Bien sûr, se souvient-il, ce fut un moment décisif avec tout ce que ce texte charrie d’événements parfois dramatiques vécus par notre pays. C’est une rétrospective de l’histoire de l’Algérie qui va de Fadhma N’soumeur et la tragédie d’Icherriden au mouvement de la contestation du Printemps berbère. On revisite en moins de cinq minutes un siècle d’histoire.» Les spécialistes ne sont pas avares en éloges en qualifiant cette chanson de chef-d’œuvre musical.En effet, note le chroniqueur-chercheur Abdennour Abdeslam : «L’œuvre est une véritable chronologie qui décrit les différentes étapes du cheminement de la revendication amazighe. Amar y décrit une maturation, sans cesse évolutive et grandissante, des actions menées par des générations successives. La chronologie poursuit également la mission d’entretien de la mémoire pour que nul n’oublie les nombreux sacrifices consentis pour que les acquis actuels soient.»
Comment Amar est-il venu à la chanson ? «Très jeune, j’étais influencé par les chanteurs kabyles. J’avais 7 ou 8 ans, c’était l’indépendance. On venait d’acquérir un poste TSF. J’étais complètement absorbé par la musique diffusée. Avec des bidons d’huile et des fils de pêche, on s’inventait des guitares de fortune. C’est comme cela que j’ai commencé. Je n’avais pas de guitare personnelle jusqu’à ma première bourse. Et comme j’avais pris de l’envergure dans ce domaine, j’ai décidé de participer à l’émission ‘‘Les chanteurs de demain’’ animée par Kaci Tizi Ouzou à la Chaîne II. Cela se passait au milieu des années soixante-dix. C’était la première fois que j’investissais ce monde tout à fait nouveau pour moi. J’y ai chanté Iwinna yelhoun itlam (celui qui marche dans la nuit), dont je suis aussi l’auteur-compositeur. L’impression générale était positive et l’animateur m’avait proposé d’en faire un disque. Je me suis dit pourquoi pas ? Quelques jours après, j’enregistre à place Hoche chez Mahboub Bati. Pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître.»
L’engouement est garanti, parce que la chanson transporte l’auditeur dans un monde virtuel merveilleux. Ce n’est pas seulement le désir d’échapper à l’angoisse et aux violences du quotidien. Sans doute, aussi, la volonté de retrouver des repères collectifs communs pour des imaginaires individuels que n’encadre plus depuis longtemps la société actuelle en perpétuelle course contre le temps et peut-être contre elle-même, car la précarité et l’instabilité raccourcissent le temps présent, aussi ne faut-il pas prévoir pour prévenir ?
Combat identitaire
Conscient que les musiques nous soignent de nos malaises quotidiens, Amar prendra quelques distances avec cet art lyrique pour se consacrer exclusivement à ses études supérieures qu’il couronnera par l’acquisition d’une licence en gestion. Mais, entre-temps, il est passé en ouverture d’un gala d’Aït Menguellet organisé à Larbaâ Nath Irathen.
«Je n’étais pas connu, et c’était un immense privilège que de chanter aux côtés de ce monstre sacré qu’est Lounis. C’est au cours de cette manifestation que j’ai fait la connaissance de Benmohamed que je n’avais jamais approché et dont la réputation était bien établie ! A la fin du gala, on a longuement discuté et Ben m’a proposé de faire un disque, ce que j’ai accepté avec un plaisir inoui. On a travaillé ensemble, même à distance.
Car, lorsque je suis entré de Paris, lui a fait le chemin inverse, au début des années quatre vingt-dix avec leur lot de désolation et de tourments. C’était une période terrible qui a laissé des séquelles et des souvenirs sombres qui hantent ma mémoire. J’ai vu partir des amis, des voisins. C’était trop douloureux à vivre ! C’est une période où on a été réduits au silence. C’était impossible de chanter. On n’avait même pas le goût de toucher à une guitare. Nous n’avions ni l’inspiration ni le courage de chanter. Mais était-ce décent de s’exhiber sur scène alors que la mort frappait à tout bout de champ ? Je me suis posé plusieurs questions. Fallait-il partir ailleurs ? La raison m’en a dissuadé en restant près de ma famille.»
Il ne vit pas de ses chansons
Auteur de 49 chansons et six disques, Amar est satisfait de son parcours d’autant qu’il a su concilier sa vie de chanteur en mettant dos à dos les chiffres et les lettres, et celle plus dense de banquier.
«Cela ne m’a pas gêné outre mesure. Quand on a un esprit créatif, on peut l’appliquer à tout. C’est inné. C’est quelque chose qui est en vous, qu’on porte et qu’on nourrit perpétuellement. Dans le lot des chanteurs, je suis inclassable. En fait, je dois préciser que je ne vis pas des produits de mes chansons.»
Quand le malaise qu’il éprouve est diffus et mal identifié, le chanteur recherche des sons et des musiques qui puissent lui donner un sens avec ce désir de renouer les fils de son imaginaire personnel à un grand imaginaire collectif. Le malaise de Amar, il l’a décelé dans le milieu artistique qui n’offre pas les conditions d’un véritable épanouissement. «J’ai constaté que le milieu est hostile au développement de la chanson. Les gens qui gèrent ce pôle sont pour la plupart des aventuriers qui n’ont aucune capacité de manageriat. De plus, il n’y a pas de maisons d’édition pérennes sans compter que le statut d’artiste en Algérie est une vue de l’esprit : un statut pourtant nécessaire qui puisse sécuriser cet homme de l’art qui se donne à fond durant toute sa vie, pour se retrouver à la fin de celle-ci une main devant une main derrière frisant la mendicité. Les artistes, je les qualifierais de clandestins officiels. Comme j’ai eu la chance de faire des études poussées, j’ai préféré travailler dans le domaine lyrique, à mon rythme, car je tiens énormément à mon indépendance, loin de l’activité des ‘‘es-crocodiles’’», complète Lounas, visiblement impressionné par le parcours atypique de son ami.
Le poème Rappelle-toi est un morceau d’anthologie finement décrit par Abdenour qui dessine l’atmosphère prévalant à cette quête de liberté que Amar va chercher en prenant à témoin le Djurdjura, l’immense ciel le couvrant, les vents qui sont passés par là et cette terre que de fois imbibée au rouge du sang de tous ceux qui ne sont plus de ce monde. Il interroge tous les panoramiques par lesquels nous jurons et desquels nous revient l’écho amplifié de nos voix lorsque nous les implorons. Et pendant que défile un fond musical adouci surgit alors, d’où nous ne savons, l’emblématique voix rassurante du faiseur de paroles magiques qu’est l’éminent poète Benmohamed.
«Cette voix énergique, tel le rugissement d’un volcan débordant de partout son cratère, porte en elle cette note d’espoir et d’optimisme qui annonce qu’après moult tortures, après les affreuses saturations imposées, après tous les désespoirs, mais surtout après tant de gabegies, de mensonges et de tricheries, l’amazighité refait surface.» De l’amazighité, thème incontournable dans la discussion, Amar en est rassuré. «Il y a une avancée. Désormais, c’est une langue nationale. Il y a une télé, une radio et d’autres choses qui vont suivre. Cela s’inscrit dans la continuité de l’histoire, car on ne peut indéfiniment mettre des pans entiers de la population hors-jeu. J’estime qu’il y a une avancée appréciable, même s’il faut aller encore plus loin. Le chemin parcouru est important et les acquis arrachés de haute lutte sont loin d’être négligeables», estime-t-il.
Bien qu’il reconnaisse que c’est de plus en plus difficile d’évoluer dans un milieu de plus en plus fluctuant, où les goûts du public ont tendance à se formater, Amar n’en garde pas moins espoir de rebondir. «Expirer au lieu d’inspirer. J’ai hâte de revenir de manière poétique, musicale, en observant la société dans tous ses recoins, en la chantant avec toutes ses contradictions. Il y a un public à l’écoute qui me demande de produire encore. Vous savez, la chanson c’est un don de soi. Il faut en conséquence que je ressente ce que j’ai envie de dire. Quand on vit de la musique, on fait toujours attention à cette source nourricière, l’argent qui fait vivre. Ce n’est certes pas mon cas. J’essaie de me mettre au diapason. Les temps ont changé, mais la situation de l’artiste est toujours dérisoire malgré les avancées technologiques. C’est dommage !…
Parcours :
1955 : Naissance à Ouaguenoun, Tizi Ouzou. Mars 1976 : sortie de son premier 45 tours aux éditions Palais du disque, suite à un passage à l’émission «Ichenayen uzekka», dirigée alors par Kaci Tizi Ouzou. Septembre 1979 : rencontre avec Benmohamed à l’occasion d’une participation à un gala d’Aït Menguellet animé par Ben à Larbaâ Nath Irathen.
1981 : sortie de son premier album dénommé Ezedwa aux éditions Azwaw à Paris.
1982 : sortie de l’album écrit par Benmohamed intitulé Cfu ay ixfi-w édité et commercialisé par les éditions Berbères à Paris.
1983 : sortie de l’album dénommé Abrid aux éditions Berbères.
1985 : sortie de l’album Tiyri chez Disco Lazer.
1987 : Album Tamuyli aux éditiions Nomades à Paris.
En projet : nouvel album qui va être enregistré incessamment.
Production d’œuvres artistiques : 6 disques avec un total de 49 titres chez 4 éditeurs.
En projet : 8 titres à enregistrer incessamment.
Hamid Tahri
© El Watan
25 juillet 2012 à 9 09 45 07457
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