Culture : Le coup de bill’art du Soir
Néo-stakhanovisme ?
Par Kader Bakou
Cassons un tabou et parlons de travail au mois de Ramadan. Etes-vous un stakhanoviste ? Dans l’ex-URSS, le stakhanovisme était une campagne faisant l’apologie d’un type de travailleur très productif et dévoué à son travail. Par extension, on appelle stakhanovisme tout ce qui est fait pour accroître la productivité du travailleur au-delà de la moyenne et l’inciter à adhérer aux objectifs d’augmentation de la production.
Le mot «stakhanoviste» peut aussi désigner un travailleur acharné ou une personne très efficace, volontaire et abattant une quantité de travail hors normes. «Dans une des usines que nous visitons, qui fonctionne à merveille (…), on me présente un stakhanoviste, dont j’avais vu le portrait énorme affiché sur le mur. Il est parvenu, me dit-on, à faire en cinq heures le travail de huit jours (…). Je me hasarde à demander si cela ne revient pas à dire que, d’abord, il mettait huit jours à faire le travail de cinq heures ?» écrit André Gide dans Retour de l’URSS, I936). Les termes «stakhanovisme» et «stakhanoviste» proviennent du nom du mineur soviétique Alekseï Stakhanov qui, dans la nuit du 30 au 31 août 1935, aurait extrait 102 tonnes de charbon en six heures, soit environ quatorze fois le quota demandé à chaque mineur. Mais ce «record» aurait été décidé par le gouvernement soviétique sous Joseph Staline pour servir de modèle aux autres salariés, pour qu’ils travaillent plus et si possible qu’ils dépassent les cadences et les quotas de travail. Le stakhanovisme s’inscrit dans une politique visant à accroître la productivité par un contrôle plus sévère des travailleurs. Cette campagne fut ensuite utilisée à l’extérieur pour «démontrer» l’adhésion des travailleurs au socialisme, les capacités de l’«Homme Nouveau» et les extraordinaires capacités productives du socialisme. Le stakhanovisme servit ainsi d’incitation à l’amélioration des cadences et de la productivité. Mais, il était impopulaire même parmi la classe ouvrière. Aujourd’hui, en Occident (et ailleurs), on taxe de « stakhanoviste» celui qui «en fait trop», celui qui, par exemple, bosse plus que ses collègues de travail, déjà exploités par les patrons. Le cinéaste Abderrezak Hellal a dit un jour : «Nous ne sommes pas les stakhanovistes de l’audiovisuel.» Dans le langage populaire algérien, un stakhanoviste serait celui qui «rend plus chère la chorba» pour ses collègues… en plein Ramadan !
K. B.
bakoukader@yahoo.fr
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/07/22/article.php?sid=136974&cid=16
22 juillet 2012
Kader Bakou