
Et pourtant, que fait-on souvent pour convaincre le peuple de rester assis chez lui ? On évoque cette main si étrangère, si familière. « L’Ailleurs» est mauvais pour le peuple, bon pour son dictateur. En Syrie, il y a par exemple des navires russes, des milices du Hezbollah, des frégates iraniennes et pourtant Assad continue de parler de «main étrangère» et ses sympathisants continuent de dire «qu’il ne faut pas recourir à une intervention internationale».
Du coup, ce nez qui crève l’écran de l’actualité: tout le monde parle de complot pour le printemps «arabe». Il existe même des peuples qui sont convaincus qu’ils ont un autre peuple derrière le dos, chez eux, entre eux et eux-mêmes. Les régimes arabes parlent tous de complot. Il est donc supposé que nous sommes le centre du monde, les plus beaux, les plus enviés sur terre, les plus riches. Absurde ? Oui. Car, dans cette logique, se sont les USA qui doivent crier au complot. Et ce n’est le cas. Le cas étrange veut que le plus pauvre crie au mauvais œil et répète partout qu’on veut lui voler ce qu’il ne possède pas. Le complot est l’explication majeure de la dictature quand elle ne s’explique plus que par la violence et l’injustice. On croit unir des peuples longtemps colonisés par la menace d’une autre colonisation.
La main étrangère n’existe pas. C’est une ogresse pour enfants et un infantilisme des géopolitiques. Ce qui existe, ce sont des stratégies adverses, pas des jalousies de couple. Ce qui est naturel, c’est la prédation nationale ou internationale. La main ? C’est celle du Père dictateur, de son fils, de son oncle, de son frère. De ses généraux, des Moukhbarates, des voleurs de banques, des appels d’offres fraudés et des grandes corruptions. Des centaines de mains qui palpent le pays, l’essorent, le violent. La main étrangère n’est qu’une main entre mille autres qui sont nationales, locales, sous le nez. On joue à faire peur au petit peuple et le peuple a peur de l’obscurité. Et pourtant, la preuve est là sous les yeux et filmée même par le JT : les dictatures arabes se promènent main dans la main avec «la main étrangère», chaque fin de mois, à chaque visite officielle, à chaque rencontre. Avec le sourire et sous les flashs. C’est quand le peuple veut changer de colons que le colon national crie au complot. La main étrangère est l’étrange gant de la main nationale qui vous vole. C’est tout.
27 février 2012
Chroniques