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L’école, le scoutisme et l’enfant

23 février 2012

Non classé

Voxpopuli : 

A notre époque, l’école fonctionnait très différemment. Nous arrivions le matin, il fallait absolument être en rang par deux et attendre l’instituteur pour avoir le droit d’entrer en classe. Après cela, nous restions debout jusqu’à ce que l’instituteur nous dise «assis ! ». 
La journée commençait par une leçon d’instruction civique et de politesse. L’instituteur regardait si nous avions les mains propres. A aucun moment nous n’avions le droit de parler sans avoir auparavant levé le doigt et avoir l’ordre de l’instituteur. Les punitions, c’était le coin (il arrivait d’y rester plus d’une demi-heure), l’instituteur tapait sur le bout des doigts avec sa règle et pouvait ainsi donner des pages entières d’écriture. Chacun de nous était responsable d’une tâche précise, à savoir ramasser les cahiers de classe, ramener du bois et du charbon en hiver, effacer le tableau, remplir l’encrier, etc. Ces besognes étaient à tour de rôle et on se plaisait de les faire. Le maître enseignait la grammaire, la conjugaison, le calcul mental, le calcul, l’histoire, la géographie. La classe était composée de pupitres en bois de deux places. Il y avait un encrier pour chaque élève et on écrivait avec un porte-plume (sergent major). La trousse s’appelait un plumier en bois. Nous devions obligatoirement avoir une blouse. On jouait aux billes et à la délivrance. S’il existe en français, pour s’adresser à autrui, deux pronoms personnels de la deuxième personne, l’un au singulier, tu, l’autre au pluriel, vous, appelé pluriel de politesse, c’est que la langue française se plaît à certaines nuances qui sont les bases de la civilité. Il ne s’agit pas là de code, mais tout simplement d’usages naturels, qui se perdent. Ce plaisir-là s’émousse. On me dira que d’autres motifs plus graves et plus irritants y concourent, d’autres lésions de civilisation ; et que c’est considérer les choses par le petit bout de la lorgnette, mais dans ce seul domaine de la civilité, peuvent entraîner de grands effets dévastateurs. Aujourd’hui, ce sont d’abord nos enfants que nous voyons condamnés à nous tutoyer. Je ne m’en prends point au tutoiement naturel d’affection et d’intimité (la famille, les amis) ou de solidarité (les copains, les camarades), mais à celui que nous infligent systématiquement les plus jeunes, comme si on n’avait pas droit au respect. D’une façon significative, et qui ne doit rien au hasard, cela commence dès l’école, ou plus un instituteur ne prend la peine de vouvoyer un enfant. Au premier jour de classe, l’ex-maître devenu enseignant par banalisation de la fonction et refus de cette sorte de sacerdoce qu’elle représentait autrefois, ne demande plus à l’enfant dont il fait connaissance : «Comment vous appelez-vous ?» Ce qui serait au moins du bon français, mais : «C’est quoi, ton nom ?» Sans que l’enfant en ait conscience, le voilà déjà rabaissé, marqué comme un élément de troupeau. On lui eût dit «Vous» d’emblée, ainsi qu’à ses camarades, qu’ils en auraient retiré tous ensemble l’impression d’être considérés et appelés à de grands destins, ce qui est faux, naturellement, pour la plus grande partie d’entre eux, mais représente quand même un meilleur départ dans la vie que d’être ravalés dès l’enfance au matricule de tutoiement. Le jeune élève va être conditionné. Dès qu’il pourra lire et écrire, ses premiers livres «d’éveil» lui poseront leurs premières questions sous la forme autoritaire du tutoiement : «Dessine un arbre, une vache…» Ou encore : «Ecris les noms des fleurs que tu connais…» Ce n’est pas bien méchant, mais c’est ainsi que le pli se prend. Tout cela semble si bien admis, que c’est un aspect des choses que personne à ma connaissance n’a jusqu’à présent souligné. On se pose pour principe que l’enfant s’y trouve plus à l’aise. C’est sans doute vrai au premier degré. Cette pente-là est facile et semble toute naturelle. C’est justement pourquoi l’on devrait s’en méfier. Car dans cet immense combat de société qui divise le pays depuis déjà longtemps, qui est loin d’être terminé, quelles que soient ses péripéties politiques, nos enfants sont un enjeu formidable : ils présentent l’avenir. Tout se tient et c’est au nom de l’égalitarisme et de l’uniformité larvée qu’on prive ainsi l’enfant de la déférence élémentaire et du respect qu’on lui doit. Le tutoiement qui sort de la bouche d’un instituteur, fût-il de l’enseignement privé et de la plupart de ceux qui font profession de s’occuper des enfants, est d’abord un acte politique, même s’il est inconscient. Cela fait partie du dressage et cela donne des résultats. Dans de nombreux milieux de travail, le tutoiement devient un passeport obligatoire dont on ne saurait se passer sous peine de déviationnisme bourgeois, alors que, chez les compagnons d’autrefois, c’était le vouvoiement qui marquait l’esprit de caste. Cela peut paraître sympathique, amical, empreint de simplicité. En réalité, ce n’est qu’un piège. Quand les convenances du langage tombent, l’individu perd ses défenses naturelles, rabaissé au plus bas niveau de la civilité. Pour ma part, j’ai été dressé autrement. Je me souviens de la voix du maître qui tombait de l’estrade ; «Omar ! Vous me copierez cent fois…» Ou : «Omar ! Sortez !» J’avais douze ans. C’était pendant la guerre, je fréquentais l’école de la ville. Plus tard au lycée, les professeurs nous donnaient naturellement du monsieur sans la moindre dérision : «Monsieur Omar, au tableau !» On se tutoyait entre condisciples. Choisir tout est là ! Ne rien se laisser imposer sur le plan d’usages, ni le tutoiement d’un égal ni à plus forte raison celui d’un supérieur. Il y avait une exception, de ce temps-là : le scoutisme. Je me souviens de ma surprise quand je m’étais aperçu à seize ans qu’il me fallait tutoyer cet imposant personnage en culotte courte et qui s’appelait le commissaire Kouider (dit Jerouitou), et qu’à l’intérieur de la troupe dirigée par le chef Saïd Boukhalkhal tout le monde se tutoyait aussi avec une sorte de gravité. Mais il s’agissait là d’une coutume de caste, d’un signe de reconnaissance réservé aux seuls initiés, comme la poignée de main gauche, l’engagement sur l’honneur, et les scalps de patrouille, car le scoutisme avait le génie de l’originalité, une soif de singularité forcenée, dont nous n’étions pas peu fiers. On se distinguait nettement de la masse, on s’élevait par degrés à l’intérieur de cette nouvelle école, mais il fallait s’en montrer digne. S’il est certain que le scoutisme algérien joue un rôle important depuis 1936, date de sa création, il est permis de se poser la question de savoir s’il peut encore aujourd’hui avoir un rôle à jouer… Parce que de nos jours, on ne voit plus de vrais scouts. Sauf çà et là, quelques anciens qui essayent d’activer pour eux-mêmes sans souci de former les jeunes pour assurer leur relève, alors que notre nombre va en diminuant. Malheureusement ! Dans tous les pays du monde, l’enfant a besoin d’un cadre approprié pour lui procurer des besoins et des moyens d’un développement harmonieux tant sur le plan physique que sur le plan moral et civique. Ce besoin est encore plus impérieux dans notre pays dont la pyramide des âges montre que sa population est formée plus de 75 % de moins de vingt ans et qui vit un bouleversement politique, économique et socioculturel qui met tout en cause, bouleversement volontaire, changement subi et irréfléchi. L’évolution de notre société laisse apparaître du moins dans le domaine qui nous intéresse :
• Une baisse très sensible des valeurs morales, une contestation de toutes les valeurs de civilisation, un déséquilibre dans nos structures sociales. Mais chose plus grave, nos valeurs de civilisation sont contestées soit par snobisme soit par mimétisme. De l’organisation des bandes aux buts inavoués à la contestation estudiantine d’inspiration étrangère, on assiste à une sorte de désagrégation des forces vives de notre peuple ; c’est-à-dire de sa jeunesse. L’absence de cette prise de conscience qui engage le comportement de chacun pose, effectivement, bien des problèmes quant à la préservation de notre personnalité authentique. Ces orientations posent évidemment en tout premier lieu le problème de l’engagement individuel du chef et du niveau intellectuel des encadreurs. Le 27 décembre 1962, Ahmed Ben Bella, président de la République algérienne, rend visite aux neuf cents chefs Scouts musulmans algériens qui participaient à Zéralda au camp école préparatoire «Omar Lagha». Après avoir rendu un hommage vibrant aux scouts, il dira : «Le spectacle que je vois ici est le plus réconfortant que j’ai vu depuis la constitution de notre gouvernement.» Nous considérons que cet appel a aussi toute sa place dans la dynamique préparatoire de la célébration du 50e anniversaire de notre indépendance. Conclusion : quand il n’y a pas de manipulations politiques ou idéologiques et quand l’intention n’est rien d’autre qu’instruire (éduquer) les élèves pour les construire pour se faire eux-mêmes construire, si le scoutisme et l’enseignement que ce soit à l’ancienne, au présent ou au futur moderniste, en français, en arabe, en berbère, d’une façon bien intentionnée uniquement pour transmettre des connaissances et des savoirs, je dis tout haut à qui veut m’entendre : «J’aime ça et bravo.»
Miloud Touati


Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/02/22/article.php?sid=130587&cid=49

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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