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- Publié le Dimanche, 29 Janvier 2012 15:47
- Écrit par Fèriel Messaoudi
« Celui qui a été l’enfant remuant de la chanson kabyle ne saurait se retirer sur la pointe des pieds. » écrivait Tahar Djaout dans un article paru dans l’hebdomadaire Rupture, 1993, consacré à Chérif Kheddam. L’hommage qui lui a été rendu par son peuple est à l’image de l’œuvre de l’artiste : magistral et de ce que fut l’homme : digne.
Cherif Kheddam a marqué toute une génération par son talent et son audace artistiques. C’est le premier qui a su et pu moderniser la musique kabyle.
Tenna Ibtissam, celle qui a séduit le maestro par sa voix, a bien voulu, rendre hommage à l’homme et à l’artiste dans cet entretien.
Tenna, qui débute une carrière en solo, n’est pas inconnue dans le milieu de la chanson kabyle traditionnelle. Elle a aussi accompagné des groupes modernes comme : Arzazen, Tissas, Talsa et Mocky, en targui. Elle a aussi participé au single de Cherif Kheddam » ruh a zman ruh » en 2005, et chanté avec Takfarinas sur la scène du Zénith à Paris.
A propos de son album, elle a déclaré à un confrère que « chaque chanson a son lot de souvenirs, pas forcément heureux. Cet album contient aussi des reprises : une façon à moi de faire un clin d’œil aux artistes qui ont bercé mon enfance et mon adolescence et leur rendre hommage » ; ajoutera-t-elle.
ALGERIE EXPRESS : Ruh a Zman Ruh est l’une des chansons de Chérif Kheddam sur laquelle vous l’aviez accompagné.Vous revient-elle en échos aujourd’hui?
Tenna Ibtissam : J’ai pris beaucoup de plaisir à enregistrer cette chanson avec Da Cherif en 2005. Depuis, je la fredonne souvent avec autant de plaisir, car je le revois à chaque fois derrière la vitre en train de nous diriger. Aujourd’hui, j’ai envie de fredonner à nouveau cette chanson, mais je ne peux pas, j’ai un pincement au cœur…je dois encore attendre un peu, le temps de réaliser que le maestro a tiré sa révérence!
ALGERIE EXPRESS : Quand et en quelle circonstance avez-vous rencontré le maître pour la première fois ? Qu’est-ce que vous retenez de l’homme ?
Tenna Ibtissam : Je n’ai jamais imaginé qu’un jour j’allais rencontrer celui qui a révolutionné notre musique. C’est aussi lui qui a fait chanter de beaux textes à la plus belle voix jamais égalée à ce jour : Nouara. On lui a parlé de moi au moment où il cherchait des voix pour « ruh a zmen ruh » en 2005. Da Cherif m’a contactée afin d’écouter ma voix. On s’est rencontré dans un studio d’enregistrement en région parisienne. Il m’a soumis le texte et m’a demandée de chanter. Je redoutais un peu sa réponse car je connaissais ses exigences en matière de voix et d’exécution. Il me dit ensuite avec beaucoup de douceur, le sourire aux lèvres » très bien, parfait ».
Je garde le souvenir d’un artiste réservé, observateur et exigeant. Pourtant Da Cherif était un artiste accessible, et d’une modestie rare. Il était ouvert à toute suggestion et proposition. Ensuite, nous nous sommes revus plus tard dans le cadre de son concert au Zénith de Paris pour diriger la chorale dont j’ai fait moi-même partie. Un moment inoubliable où j’ai découvert un Da Cherif heureux, jubilant à l’idée de rencontrer à nouveau son public!
ALGERIE EXPRESS : Vous êtes vous-même artiste. En quoi l’œuvre de Cherif Kheddam est une référence pour vous et par ricochet pour la chanson, la musique kabyle et algérienne en général ?
Tenna Ibtissam : Da Cherif a laissé son empreinte sur la musique kabyle en particulier et la musique algérienne en général. On lui doit l’introduction de nouveaux rythmes dans la musique kabyle tels que la valse, la samba et ce dès les années 50. Tous les artistes se sont inspirés de sa musique, dans le sens où c’est lui qui a introduit l’harmonie dans le domaine en utilisant un orchestre symphonique. En ce qui me concerne, j’ai de l’admiration pour cet artiste à travers les textes que Nouara a chantés. Cette dernière reste mon idole et cela aussi grâce à Da Cherif.
ALGERIE EXPRESS : Je vous laisse conclure.
Tenna Ibtissam : Pour conclure, je dirai seulement que Da Cherif nous a légués une méthode et un trésor inestimable, c’est à nous d’en prendre soin pour le transmettre à notre tour aux générations futures.
Fèriel Messaoudi
23 février 2012
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