Économie NationaleDimanche, 15 Juin 2003 10:48
Chant d’amour et d’espoir
Par : Yacine Idjer
“Lounis Aït Menguellet, écrit Ahmed Ammour, fait partie de ces artistes qui ne cessent de débusquer la vérité là où elle est la plus compromise. Il jongle avec les mots et tend ses vers comme le funambule sa corde. Jamais plus sérieux qu’au moment où il paraît plaisanter et sa gravité toujours sur le point de devenir plaisante.”
La générale de L’Algérie du poète, une pièce théâtrale bâtie sur les textes de chansons du chanteur kabyle Lounis Aït Menguellet traduits du kabyle vers le français par Ahmed Ammour, a été donnée, mercredi dernier, au théâtre national d’Alger (TNA). La pièce, mise en scène par Ahmed Khoudi, est conçue sous la forme d’un conte ou plutôt d’une fable poétique qui met en espace des personnages et des situations imaginaires.
La pièce illustre si bien l’œuvre de l’artiste dans toute sa diversité mettant en exergue ce qu’elle a de plus fort et ressortant de ce fait les thèmes-clés comme l’amour, la liberté, la femme, la justice, le déchirement, l’exil…
La pièce, jouée en français, a été marquée par quelques séquences en kabyle et également par des chants. Ce sont, en somme, trois personnages, anonymes, qui parlent, racontent, qui s’interpellent dans un langage poétique et créent dans un décor abstrait, voire symbolique des tensions ainsi que des conflits mais donnant aussi envie de rêver, d’espérer. Tous les trois créent des situations, racontent des histoires, entretiennent des dialogues.
Effectivement, la scène n’a pour décor qu’une toile de jute incrustée de pièce d’aluminium placée en arrière-plan et deux sortes de socles. L’ensemble de l’espace scénique est nu, facilitant les déplacements, les va-et-vient des comédiens dans un jeu intense, où le moindre mouvement exécuté, la moindre parole dite, le moindre geste fait s’avère étonnant, captivant, riche de sens. L’histoire de la pièce est centrée sur un idéal de justice qui nous ramène aux sources de l’humanisme, et elle apparaît comme l’histoire récente de l’Algérie.
En effet, la pièce est, de bout en bout, pénétrée par toute l’Algérie et, au-delà, animée d’une dimension universelle puissante. Il s’agit par ailleurs d’une pièce mettant en avant une poésie de la spiritualité et du combat, du quotidien et du séculaire, de l’amour et de la déception, de l’espoir et de la réflexion, de l’anecdote et du grandiose.
L’Algérie du poète est une pièce mettant en scène une Algérie rêvée, espérée, voire une Algérie possible, où il n’ y a aucune différence entre les algériens, ni entre la majorité ni entre la minorité. C’est-à-dire une Algérie ouverte à toutes les cultures, tolérante.
Une Algérie cosmopolite, donc multiple. Il s’agit d’une Algérie que l’artiste n’a cessé de chanter tout au long de sa carrière. L’Algérie du poète, faut-il le rappeler, s’inscrit dans Djazaïr, l’année de l’Algérie en France 2003. Il s’agit d’une coproduction entre le théâtre produite par le TNA et l’Apostrophe, scène nationale de Cergy-Pontoise.
I. Y.
Paroles de comédiens
Il s’agit d’une expérience nouvelle pour les comédiens (Rym Takoucht, Assoul Foudil, Fethi Kafi) qui ont joué dans la pièce, une expérience qui est aussi particulière et très enrichissante, puisqu’il s’agit d’une mise en scène de textes de chansons. Et parce qu’elle leur a permis aussi de s’exprimer pleinement à travers la mise en scène, d’autant plus que les textes joués traduisent la vie à laquelle ils se réfèrent et appartiennent, donc “on s’est impliqué à fond”, ont-ils dit. En mettant en espace les textes de Lounis Aït Menguellet, des textes forts et complexes, c’est avec bonheur qu’ils découvrent et redécouvrent l’Algérie à laquelle rêve le poète, une Algérie donnant lieu à rêver et à espérer. “Aït Menguellet nous donnent l’image d’une Algérie plus sincère que celle qu’on connaît, c’est-à-dire une Algérie possible et vraie”, ont-ils précisé. Mais tous les trois partagent le même avis : “Ce n’est pas facile de jouer les poèmes de Lounis Aït Menguellet, car il fallait donner au texte poétique une dimension théâtrale. Il fallait jouer les poèmes et non pas les déclamer.”
I. Y
20 février 2012
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