Le 19/2/2012 -> A LA UNE -> Chroniques
Soug N’ssa
Aucune des femmes ne naît «mère», elles le deviennent en mettant au monde un enfant. Un peu par instinct et beaucoup en tâtonnant. Et c’est justement au gré de ces tâtonnements, de ces essais, de ces bavures et de ces veillées, de ces épuisements, de ces frayeurs mais de ces joies aussi que l’on devient mère. L’instinct maternel se cherche dans la mémoire inconsciente pour se reproduire ou s’invente lorsque la mémoire est tristement vide, comme celle des orphelins. L’instinct maternel se cultive. Il se développe au fil du temps en apprenant à connaître et à vivre avec, pour et à travers son enfant. Cet élan que certains voudraient quasi inné s’affine pourtant avec chaque tétée, avec chaque rôt désespérément attendu à toute heure du jour et de la nuit, avec chaque dent et chaque poussée de fièvre, avec chaque grimace et chaque ébauche d’un sourire suspecté, avec chaque syllabe difficilement audible et chaque balbutiement décodé que l’on voudrait «sacré»… L’instinct maternel se nourrit de rendez-vous intimes, de câlins et de complicité. L’instinct maternel n’existe que si et seulement si la mère est prête à le mûrir. Sinon, comment expliquer qu’il existe des mères indignes, des infanticides, des enfants abandonnés…? D’ailleurs, en y réfléchissant, on est tenté de se demander pourquoi alors, ne parle-t-on pas d’instinct paternel du moment que ce «phénomène» serait acquis selon les spécialistes? L’instinct n’est-il pas propre à l’animal? Et comme l’homme n’est finalement qu’un animal, un simple syllogisme permettrait le questionnement suivant: pourquoi alors ne pourrait-on pas aisément parler d’instinct paternel? Qui a décrété que la mère devait aimer «instinctivement» son enfant et le père se contenter de les nourrir? Qui peut affirmer que l’amour maternel additionné à la facture alimentaire du père suffit à l’équilibre émotionnel et psychique d’un enfant? Personne. Qui peut quantifier l’amour d’un père? Qui a le droit de remettre en question cette relation, aussi gauche soit-elle ou aussi discrète. Parfois, l’amour d’un père se ressent par sa seule présence, par des regards qu’on juge sévères et même des silences que l’on prend pour de l’indifférence…Non, personne ne peut dire lequel des deux amours est le plus «instinctif» l’amour d’une mère ou celui d’un père, tout comme personne ne peut dire lequel du soleil ou de la lune est le «plus» indispensable à notre univers…
19 février 2012
Chroniques