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La chute retentissante d’une idole Par Ahmed Halli

15 février 2012

Chroniques

Chronique du jour : KIOSQUE ARABE

halliahmed@hotmail.com
Dans sa chronique habituelle sur le quotidien Echourouk (DZ), l’écrivain Amine Zaoui a posé, au début de ce mois, la question du siècle : «Que lisent les partis islamistes ?» En fait, la forme interrogative était juste une clause de style puisque notre talentueux auteur s’est déjà fait une religion là-dessus, si on peut dire. Pour l’écrivain, ceux qui n’ont pas lu des ouvrages du patrimoine national, ceux qui n’ont pas lu notamment Bennabi, Lacheraf et Arkoun, ne peuvent pas constituer des partis politiques. 
«Je ne peux imaginer, dit-il, qu’un dirigeant islamiste utilise l’iPhone et l’Ipad, voyage en avion et en première classe, dispose d’un site sur internet, alors qu’il ignore tout de ce qu’ont écrit les enfants de ce pays.» En fait, ce que retient Amine Zaoui d’un quart de siècle de lecture du discours islamiste, c’est son extrême pauvreté, sans attaches particulières avec les écrits de nos penseurs et de nos philosophes. C’est ainsi que des prédicateurs, éclaboussés par des scandales, ont eu tout le loisir de polluer le cerveau de nos jeunes. Et Amine Zaoui de citer le cas du best-seller arabe du moment Ne désespère pas, du théologien saoudien A’ïdh Alqarni, qui s’est révélé être un plagiat manifeste. On se souvient de quelle manière A’ïdh Alqarni avait été encensé, voire adulé, par les médias algériens, dont Echourouk précisément. En 2009, précédé par un battage qui n’avait rien à envier, toutes proportions gardées, à l’accueil de Médine, Alqarni avait daigné faire une halte en terre algérienne. Il avait ramené dans ses bagages, outre son livre, un poème sur l’Algérie, ce qui a failli noyer le pays sous un flot d’adrénaline nationale. Tout le monde sait que le proverbe «A beau mentir, qui vient de loin» a été mal expliqué aux Algériens qui l’interprètent toujours en faveur du visiteur (menteur ?) étranger(1). Dame : avec un livre dont on disait qu’il était aussi lu que le Coran, il avait déjà la partie gagnée. Mais en consacrant un poème à l’Algérie, il a réussi à faire de nous des fans inconditionnels, comme le montre la discrétion avec laquelle nos médias ont traité cette affaire de plagiat. Or, l’affaire dure depuis des mois, voire depuis des années, et oppose la Saoudienne Saloua Aloudhaidane à son compatriote Alqarni qu’elle accuse d’avoir pillé son œuvre. Le prédicateur aurait recopié des passages entiers du livre intitulé C’est ainsi qu’ils ont vaincu le désespoir, publié des années auparavant par l’écrivaine. Cette dernière raconte qu’à son insu, elle avait aidé le plagiaire en lui offrant un exemplaire de son livre. De plus, elle a affirmé récemment qu’A’ïdh Alqarni lui avait proposé un dédommagement financier pour prix de son silence, ce qu’elle avait refusé. L’affaire a donc connu un rebondissement la semaine dernière avec la sentence rendue par le ministère saoudien de la Communication. L’institution a, en effet, condamné l’auteur du plagiat à une amende de 90 000 dollars américains, et a décidé de retirer le livre contesté de la vente en Arabie saoudite. Je peux supposer, au risque de me tromper, que les bons croyants qui vendent ce livre, comme une eau bénite, le retireront de nos étalages. Encore une de nos idoles importées qui s’écroule, avec fracas, une chute accompagnée par le silence assourdissant des disciples et des adorateurs ! Il semble cependant que le cheikh saoudien, «Qibla» des Algériens en mal de piété, ne se soit pas contenté de plagier( 2) une de ses compatriotes. Le chroniqueur du magazine Elaph Sammy Buhaïri rapporte le cas du poète égyptien Samir Farradj qui a décidé d’attaquer A’ïdh Alqarni en justice pour le même motif. Il accuse le prédicateur saoudien d’avoir plagié son livre Des poètes tués par leur poésie, paru en 1997, et devenu Des poèmes qui ont tué leurs auteurs sous la signature du cheikh. Comme on peut le constater, ce n’est pas le respect des nuances qui étouffe Alqarni. Il faudra cependant vérifier si le poème consacré à l’Algérie ne provient pas du pillage d’une œuvre plus ou moins connue. Qu’il suscite des accès de trémulation chez certaines catégories d’Algériens, d’accord, mais qu’il ne le fasse pas avec des EPO produits par d’autres que lui ! En dépit de tout cela, il y a encore des gens qui défendent le prédicateur, relève Sammy Buhaïri, parce qu’ils considèrent que les attaques contre Alqarni font partie d’un complot impérialiste, libéral, laïque, et chrétien. Les admirateurs irrédentistes du cheikh pensent que ce sont des attaques contre l’Islam et dans l’intérêt d’Israël, de l’Amérique, et sans doute de l’Iran. La messe est dite ! Comme notre chroniqueur ne manque pas d’arguments, il interpelle le monde religieux et tous ceux qui font fatwas de tous délits. Il s’adresse plus particulièrement à l’université Al-Azhar et aux hautes autorités religieuses saoudiennes avec cette question : «Quel est le châtiment réservé à quelqu’un qui vole les idées et les livres pour s’en attribuer la paternité ? Faut-il lui appliquer le châtiment réservé à un voleur de chèvre par exemple ? Eclairez-nous, que Dieu vous éclaire !» Que les fans et les clients du prédicateur se rassurent ! Ce n’est pas demain qu’ils verront A’ïdh Alqarni amputé du bras qui recopie. En revanche, il y a un Saoudien qui n’en mène pas large actuellement et qui subit les foudres officielles, conjuguées au lynchage virtuel que les foules d’internautes pratiquent sur lui. Il s’agit du poète et journaliste saoudien Hamza Kashogri, qui fait l’objet d’une action en justice pour avoir porté atteinte à l’image du Prophète. Employé au quotidien local Al-Bilad, notre confrère a cru pouvoir contourner la censure ambiante en se répandant sur le site d’échanges Twitter. En bon wahhabite, il s’est insurgé contre la commémoration du Mouloud, mais avec un peu trop de hardiesse aux yeux de ses compatriotes. C’est ainsi qu’il a écrit, s’adressant au Prophète : «Le jour de ta naissance, je ne m’inclinerai pas devant toi, je n’embrasserai pas ta main, mais je te la serrerai d’égal à égal, je te sourirai comme tu me souriras, et je te parlerai seulement en tant qu’ami.» S’il s’en était tenu à ces banalités, ce serait passé inaperçu, mais il en a rajouté comme ici : «Le jour de ta naissance, je me retrouve face à toi, là où je vais. Je dirai que j’ai aimé des choses en toi et que j’ai détesté d’autres sans trop comprendre ces autres choses. Je dirai que j’ai aimé le révolté en toi, pour autant qu’il m’inspirait, et que je n’aime pas les auréoles de la sainteté. Je ne prierai pas sur toi.» Devant les réactions d’hostilité, Hamza Kashogri a fait machine arrière et s’est repenti, en expliquant qu’il avait obéi à des impulsions irrésistibles. Reste à savoir si cette défense figure dans le lexique du système judiciaire saoudien.
A. H.

(1) On se souvient de la ferveur avec laquelle le cheikh yéménite Zendani, pharmacien de profession, et «copieur» de documentaires scientifiques anglo-saxons, avait été accueilli en Algérie durant les «années FIS». La Mecque des révolutionnaires, devenue La Mecque des faux prophètes, quelle décadence et ça continue ! 
(2) Alqarni a commis un autre «Best-Seller» intitulé Ne sois pas chagriné, que des spécialistes ont comparé avec le livre de l’Américain Dale Carnegie : Débarrasse-toi de l’anxiété et commence à vivre. Des insinuations de plagiat avaient fusé çà et là, sans aller jusqu’à des attaques frontales.


Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/02/13/article.php?sid=130208&cid=8

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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