Mardi, 14 Février 2012
Noir et blanc
On aura tout vu
Par : Mustapha Mohammedi
Je ne reconnais plus la ville de mes tendres souvenirs, mais alors plus du tout. Et pourtant ce brave hameau au sud de Tiaret a donné au pays des cadres de très haut niveau. Depuis des semaines, Sougueur, ex-Trézel, était célèbre pour son marché à bestiaux, le deuxième après El-Harrach, son artisanat, ses merveilleux tapis tissés à la demande, sur le mode amouri ou naïli, un travail d’orfèvre qui faisait courir les commerçants de toute l’Oranie ; l’agglomération était appréciée pour la qualité de son blé, de son raisin et surtout la gentillesse de sa population ; voyageurs et maquignons de passage n’arrêtaient pas de louer l’exceptionnelle générosité de ses paysans, un peu frustes certes, mais toujours disponibles. Le niveau de vie de ce bourg, élevé actuellement au rang de daïra, avait atteint un tel degré dans les années 1970, que les Tiaretis, leurs voisins, en étaient verts de jalousie. Et fatalement ce qui devait arriver arriva. Devant l’exode massif des campagnes et le rush des douars, Sougueur a fini par céder sous le poids des masses et par être asphyxiée. Voilà une cité conçue pour 10 000 habitants, obligée aujourd’hui de gérer, nourrir, loger et transporter 60 000 citoyens supplémentaires, donc de faire face à 60 000 demandes de toutes sortes. En logement principalement. Et c’est là que tout s’est gâté. Pour dire leur ras-le-bol, des jeunes viennent d’attaquer trois bars et les piller de toutes leurs canettes de bière. Leur emboîtant le pas, 13 familles n’ont rien trouvé de mieux pour faire entendre leur voix que d’occuper la municipalité. Aux dernières nouvelles, elles préparent même leurs repas sur place.
M. M
14 février 2012
Chroniques, M. MOHAMMEDI