Culture
Samedi, 11 Février 2012
La chronique de Abdelhakim Meziani
À en croire donc leurs promoteurs dont la sortie médiatique a été perçue comme une véritable mise au point à la conférence-débat animée par l’architecte-urbaniste Halim Faïdi au Café littéraire de la Fondation Casbah, les travaux d’extension du métro d’Alger, de la Grande Poste à la place des Martyrs, “ne présentent pas de danger” pour le patrimoine urbanistique et archéologique environnant. Je veux bien le croire surtout que je demeure parmi ceux qui ont à cœur les actions salvatrices de Khalida Toumi dans le domaine de la sauvegarde de pans importants de la mémoire collective. Pour autant, je me sens quelque peu pris au dépourvu par le discours inique de quelques commis qui croient savoir, s’agissant d’un secteur sauvegardé, qu’il n’y a que des experts ou spécialistes en la matière pour s’exprimer sur la question. Comme si Halim Faïdi ou Belkacem Babaci, le président de la Fondation Casbah, ne seraient que d’obscurs intrus… À tout le moins réductrice, cette attitude expéditive n’est pas sans présenter quelques connotations manifestement élitistes et révéler l’ampleur des contradictions auxquelles s’expose l’intelligentsia de ce pays. À un moment crucial où ces mêmes contradictions donnent l’amère impression que certains milieux sont pris entre deux déterminations antagonistes : sauvegarder et défendre un patrimoine plusieurs fois millénaire, d’une part et conférer une légitimité aussi incontestable que possible à un projet de société arrimé à la modernité, d’autre part. Pourtant, entre ces deux déterminations, le discours des clercs a alors bien du mal à trouver ses repères, à convaincre, en complète rupture qu’il est avec un contenu scientifique, c’est-à-dire critique. Même si, conscientes qu’elles sont les conséquences de ce projet urbain sur les vestiges archéologiques, les autorités algériennes ont suscité la mise en œuvre d’une opération d’archéologie préventive. De tous les intervenants, du Forum d’El Moudjahid à la Fondation Casbah, c’est assurément Halim Faïdi qui semble le plus proche des préoccupations des pouvoirs publics. A fortiori lorsqu’il n’a fait que communiquer sur une réalité tangible que d’aucuns veulent mener à bien le plus discrètement possible au mépris de la transparence commandée pourtant par la mission dont ils ont été investis et du droit de savoir du citoyen. C’est parce que des journalistes et citoyens ont évoqué la question apparemment très tendue du Métro d’Alger et des stations aboutissant autour de la Place des Martyrs que l’invité du Café littéraire, Mohammed Boudia s’est cru obligé de déplorer le manque d’information et de faire allusion aux risques sérieux que des travaux lourds et en sous-sol faisaient courir, à l’état avéré de dégradation avancée de l’ensemble de La Casbah d’Alger et au caractère inoccupé des voûtes qui soutiennent la Place des Martyrs : “Il est évident que le métro est une nécessité à Alger, y compris et surtout sa desserte de la basse Casbah. Il est évident que les autorités exécutives en charge de ces travaux sont alertes sur les sujets liés à la sécurité et que la wilaya d’Alger a mis en place des instruments modernes de contrôle, de gestion et de respect des normes. Je ne peux même pas imaginer les choses autrement.” Des milieux très au fait du dossier ne sont pas loin de penser que la levée de boucliers suscitée par la manifestation organisée à l’initiative de la société civile, représentée en la circonstance par la Fondation Casbah, ne serait qu’une formidable diversion, encore une, tant le nœud gordien de l’affaire est constitué par l’état de délabrement avancé de La Casbah dans son ensemble. C’est cela que montre en partie le constat photographique, soutient l’architecte-urbaniste : “Le secteur de La Casbah d’Alger a subi une très importante dégradation au point que des quartiers entiers sont devenus de véritables décharges d’ordures. Des constructions anarchiques fleurissent en plein cœur de la cité, pourtant classée patrimoine de l’Humanité. Les maisons tombent les unes après les autres, bien plus rapidement qu’on légifère ou qu’on débatte. Comment l’Espagne a-t-elle pu réhabiliter toute la ville de Tolède en seulement dix ans, alors que nous n’arrivons même pas à restaurer dans le même temps la citadelle de Bab J’did ?”
A. M.
zianide2@gmail.com
11 février 2012
Chroniques