le 05.02.12 | 01h00
Mouna Hachim est titulaire d’un DEA en littérature comparée. Depuis 1992, elle a éprouvé sa plume dans les métiers de la communication et de la presse écrite. Passionnée d’histoire, elle a publié en 2004 Les Enfants de la Chaouia, un roman historique et social, suivi en 2007 d’un travail d’érudition, le Dictionnaire des noms de famille du Maroc.
J’ai beau m’opposer à toute forme de clivage, loin de l’activisme radicaliste et de stéréotypes ethnicistes victimaires, je ne peux être insensible à cette question récurrente dans le cadre de certaines revendications : pourquoi maintenir cette appellation, Union du Maghreb «Arabe» ?
J’ai beau aussi répondre que l’arabité, c’est celle d’une histoire, d’une langue, d’une civilisation ; qu’elle constitue, au même titre que l’amazighité, une partie intrinsèque de notre identité ; qu’elle n’est pas exclusion… mais je ne suis pas totalement convaincue d’être convaincante.La question, loin de se réduire à une broutille d’ordre terminologique, touche à la notion même de l’identité ; elle peut être une grande source de blocage et a besoin d’être reposée de manière dépassionnée, sous différents aspects, particulièrement dans notre contexte actuel.N’est-ce pas significatif que la question amazighe ait accompagné les revendications démocratiques du Printemps dit «arabe», centrée principalement sur la reconnaissance de l’identité berbère et sur la co-officialité de sa langue comme droit historique inaliénable.
Depuis les Indépendances, les politiques officielles avaient élaboré une définition arbitraire de l’identité, présentée comme étant strictement «arabe», induisant par là une forme insidieuse de déni de l’âme berbère, ainsi qu’à un processus de marginalisation dans les livres d’histoire, dans l’enseignement et dans les médias principalement par les chantres de l’arabité ou du panarabisme, emportés par des élans centralisateurs ultra-jacobins, ne pouvant que pousser à la radicalisation, les plus extrêmes.
Chaque pays tente manifestement de régler la question amazighe à sa manière, soit dans l’ostracisme ou dans l’ouverture avec des avancées constitutionnelles notables pour le Maroc ; tandis que dans un pays comme la Libye, les inquiétudes sont ravivées par la persistance d’une situation équivalente à celle entretenue par le régime d’El Gueddafi comme s’il n’y avait jamais eu de révolution ni de sacrifices.
Par ailleurs, avec les bouleversements socio-politiques qu’a connus l’Afrique du Nord, la question de la relance de l’Union du Maghreb semble prendre un nouveau tournant. A partir du 6 février, soit quelques jours après le premier anniversaire de la révolution tunisienne, Mohamed Marzouki effectuera une visite en Algérie et au Maroc. Il a déclaré dans la presse que cette année est celle du Maghreb arabe et a expliqué en substance que l’avenir de la Tunisie n’est pas en Tunisie mais dans l’espace maghrébin, ce qui est valable pour tous les autres Etats nord-africains.
D’ailleurs, dans cet esprit, un autre moment fort de l’actualité est la visite actuelle de notre nouveau ministre des Affaires étrangères Saâd-Eddine El Othmani à Alger pour son premier déplacement officiel à l’étranger ; tandis qu’à la mi-février, à Rabat, se tient une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Union du Maghreb. Il semble bien donc que la question de la relance de l’UMA est à l’ordre du jour. Mohamed Marzouki précise dans ce cadre que l’obstacle à l’Union du Maghreb arabe avait été représenté par les dictatures qui ont pour particularités de s’affronter non de s’unir, donnant l’exemple de l’Europe qui n’a pu accomplir son unité que depuis la chute de la dictature sur son territoire et affirmant qu’il n’existe pas d’avenir sans union.
Cependant, sans vouloir chipoter sur les mots devant les louables intentions et la gravité des enjeux humains, politiques, économiques posés par la problématique de la construction maghrébine…, l’adjectif qualificatif «arabe» accolé à l’Union du Maghreb est encore une fois remis sur le tapis, notamment à travers la voix du Net où les revendications trouvent leur pleine expression.
Pourquoi cet attachement, voire même cette sacralisation chez certains de la mention
«arabe» ? Pourquoi considérer le retrait du terme «arabe» comme une amputation alors que l’absence de la mention «amazighe» serait
normale ? Pourquoi «Union du Maghreb arabe» et pas «Union du Maghreb» tout court, voire «Union nord-africaine» (UNA), partant du fait que c’est plus rassembleur que «Maghreb arabe», «Union berbère», voire Tamazgha.
Bref, la construction maghrébine et le développement harmonieux des Etats ne sauraient se passer d’un socle fondamental ancré dans l’histoire de l’Afrique du Nord, avant l’arrivée des peuples phénicien, romain, byzantin, vandale, arabe…
Il est consternant de savoir à cet égard que sur de gigantesques territoires allant de l’Atlantique à la Tripolitaine, il est considéré comme étant une «minorité», la majorité de la population. Pas uniquement par les pouvoirs politiques, mais aussi par les mentalités en raison de la méconnaissance de l’Histoire et du surdimensionnement de l’arabisme… L’amazighité est si ancrée dans chaque recoin de cette terre du Maghreb qu’il en est impérieux, au-delà de la consécration, au sein de chaque Etat, de la reconnaissance de l’identité amazighe dans toutes ses dimensions linguistique, culturelle, civilisationnelle, qu’elle soit également placée comme gage d’une construction démocratique nord-africaine, sous le signe de l’unité.
Car les changements qu’ont connus à des degrés divers tous ces pays du Nord du continent et les défis qui les attendent imposent non seulement une nouvelle organisation des rapports et la création de nouveaux mécanismes, mais également de donner de puissants signaux dont l’un des premiers symboles serait l’ouverture des frontières terrestres et la proclamation d’une profession de foi unioniste avec un nom de baptême fédérateur, en phase avec l’idéal de justice et de fraternité qui anime les peuples.
Mouna Hachim
© El Watan
7 février 2012
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