«Je suis allée à Bossuet (Dhaya) avec l’espoir d’y voir un bâtiment historique. L’ancienne redoute est devenue une caserne occupée par un régiment. Rien n’indique, et demain personne ne saura, à quoi elle a servi pendant la guerre d’indépendance. »
Ceci est un extrait de l’entretien accordé à El Watan par Sylvie Thenaud sur les camps d’internement en Algérie. Tout est résumé dans ces quelques lignes : l’oubli par mégarde, l’oubli naturellement, l’oubli imbécile, l’amnésie programmée systématique avec au bout du chemin une histoire privatisée, une histoire qu’on interpelle à sa guise, une histoire à la carte au lieu d’une histoire ciment, une histoire humaine qui rend à l’Algérien son humanité, son sentiment d’appartenance, sa fierté d’être et d’appartenir. Quelques films ont bien décrit ces époques abominables : Le vent des Aurès, Les déracinés,…(récemment un film de l’ENTV a couvert le sujet des exactions dans les caves vinicoles dans la région de Mostaganem, des victimes ont témoigné, on pourrait donc retrouver les criminels… pourquoi on ne fait rien de ce côté, ou bien est-ce la conséquence d’une paresse, d’un pardon donné sans être demandé, des accords d’Évian qui accordent l’amnistie pour tous les actes de violence de part et d’autre : la victime étant mise au même rang que le bourreau ?). Quelques sujets existent sur internet, Youtube, mais ce ne sont que des bribes : ma question : où sont les lieux, où sont les acteurs ; où sont les victimes, les suppliciés, où sont les bourreaux, où sont les tortionnaires, que sont-ils devenus, où sont les consciences ? L’humanité est à ce prix, mais les recherches ici et là de compatriotes ou d’autres nous apportent l’espoir que de plus en plus de gens prennent conscience de cette histoire ensevelie et éprouvent le besoin de rétablir les faits, de corriger les torts (ex. crânes d’illustres combattants égarés dans des tiroirs de musée en France) et ainsi de rendre honneur (sans chercher justice ou réparation) à ces générations de victimes disparues dans la longue nuit. Je suis sûr que ce travail pratique technique fera réellement toucher du doigt dans chaque coin et recoin de l’Algérie la dette immense que nous avons envers notre passé, c’est à cette condition que le futur nous appartiendra. Amen.
Rahmani Mustapha
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/02/07/article.php?sid=129895&cid=49
7 février 2012
Chroniques