le 05.02.12 | 01h00
A mi-chemin entre le roman et la nouvelle, L’adieu au rocher, paru récemment aux éditions Média-Plus, introduit son auteur Zahra Farah dans ce qui est appelé la nouvelle génération de romanciers algériens.
L’histoire, située dans le Constantine conservateur d’avant la guerre d’Algérie, met en scène des destins de femmes broyées par la misère et l’injustice sociale. Liée jusqu’à l’intimité à ses personnages, l’auteur raconte l’effroyable éducation à laquelle étaient soumises des femmes destinées à servir comme bêtes de somme dans des foyers où mari et belle-mère pouvaient détenir le pouvoir sur tout, jusqu’au droit de respirer. Y a-t-il un lien entre l’auteure et son personnage central, Mouni, bannie de Constantine et exilée à Oran ?«On n’invente rien», nous confie Zahra Farah qui s’est librement inspirée de choses vues et même vécues, qu’elle avoue avoir romancées. La fiction prend le-dessus certes, mais le réalisme s’impose tout au long du texte.
La simplicité de l’histoire n’empêche pas une franche critique de la condition féminine dans une Algérie étouffée par les archaïsmes d’une société qui n’a pas changé dans le fond. Pour le choix de la période, l’auteure s’est laissée aller à raconter avec nostalgie et en filigrane certaines valeurs aujourd’hui disparues. Des valeurs que se tuent à transmettre les femmes de L’Adieu au rocher, non sans un certain masochisme cruel. La victime qui se transforme en bourreau, gardien du temple de la morale de la société, semble être le karma de Mouni et ses avatars.
L’esthétique de l’œuvre se concentre essentiellement dans une écriture soignée où l’auteure s’est donné plaisir à étaler un lexique et un thesaurus aujourd’hui presque perdus. Un régal pour les puristes de la langue de Molière. Les personnages manquent un peu d’épaisseur psychologique, comme si l’auteur a fait preuve de pudeur pour ne pas en dire davantage sur eux. On peut rester sur sa faim, mais sans perdre l’envie de garder le livre entre ses mains. Issue d’une famille de lettrés, l’auteure qui a choisi de s’effacer derrière un pseudonyme, promet une suite – probablement en forme de trilogie – à ce premier ouvrage qui finit en open end. Un premier essai qui mérite le respect et signe le début d’une carrière littéraire à son auteure.
L’adieu au rocher de Zahra Farah
193 pages. Editions Média-Plus, 2011. Prix : 750 DA
© El Watan
5 février 2012
1.LECTURE