UN ITINÉRAIRE HORS DES SENTIERS BATTUS POUR UN HÉROS QUI FAIT UN VOYAGE INITIATIQUE SUR FOND D’HISTOIRE NATIONALE ET INTERNATIONALE. TEL EST LE CONTENU EXTRÊMEMENT DENSE QUI REND CE ROMAN MOTIVANT POUR TOUTES LES CATÉGORIES DE LECTEURS.
Il est rare de trouver un roman qui lie la vie du héros à celle d’un monde en devenir. Le fond qui nous fait faire un voyage dans le temps et l’espace nous oblige ainsi à une bonne concentration sur des événements, des faits historiques et des personnages d’envergure internationale. Un univers romanesque hors du commun Lorsque nous entamons la lecture des premières pages, nous entrons, sur un mode narratif, dans l’ambiance de l’Algérie d’antan, celle des premières années de l’indépendance agrémentées par la musique authentiquement algéroise qu’on a du plaisir à entendre parce qu’elle émane de nos compositeurs qui ont vécu la même réalité que nos aïeux, ont souffert comme le peuple de la même oppression tout en étant les gardiens d’un patrimoine culturel. Ainsi, avec Stopha, personnage principal à qui on fait jouer aussi le rôle de double du romancier ou narrateur à l’intérieur du roman, on redécouvre Alger avec sa Casbah, les rues Tanger, Bab Ezzoun, du Coq, Ben M’hidi, et la ville de Constantine dont le héros est originaire. Chaque élément du décor porte les stigmates du passé : tenue vestimentaire, noms de lieux comme Le Bosphore pour un café de quartier populaire, ancien pêcheur portant l’épouvantail de la mer méditerranéenne toute proche cité comme représentatif d’une population, au lendemain de l’indépendance. Les quartiers d’Alger avaient gardé toutes leurs saveurs, odeurs, couleurs, activités commerciales à l’image des gargotes jijéliennes et kabyles. On y rencontrait des cinémas et une mosquée ibadite. Stopha vit dans un studio avec un élève du lycée Emir-Abdelkader, Abdenour qui s’accommode bien d’un étudiant d’université qui reste attentif sur l’essentiel de la ville ; les cafés qui ne ferment jamais : le terminus, le café de l’Indépendance, le café du glacier, le Tonton-ville situés près du siège de l’opéra qui rappelle Boudia, Ksentini et Chafia Boudraâ, Touri, Bachtarzi, Mustapha Kateb. Alger, dans une Algérie socialiste Cela a commencé en 1962, avec des discours fleuve du grand frère, appellation de ces premières années de l’indépendance, choisie pour désigner le premier président qui s’était choisi une tenue à la manière de Mao Tsé Toung, qui organisait des campagnes de reboisement redonnant à la terre brûlée sa couverture végétale d’antan et qui s’était distingué par les discours sur les places publiques : place de Martyrs, du 1er Mai. Stopha, qui s’était inscrit à la faculté des sciences politiques, trouvait ainsi sur le terrain de la matière à mettre en pratique ses études, concepts politiques, idéologies. Il rencontre en chemin Samy, Sirhan et d’autres jeunes hommes dynamiques qui ont acquis une culture politique après des études universitaires. Et que de pérégrinations à travers le pays, Constantine qu’il redécouvre, Tipaza, les Ouadhias. Avec Serhan, Badis, Ghassan et lui-même, c’est la formation académique dans une grande école. Autour des grands hommes qui ont marqué leur temps Pour un jeune qui a connu la période antérieure à l’indépendance, c’est le changement radical, la révolution avec les conférences à tendance tiers-mondiste, marxiste, des visites de chefs d’Etat amis, des hommes de culture parlant de littérature, sociologie, économie politique, révolutions des autres pays… Notre pays venait de sortir d’une guerre de libération des plus meurtrières et les Algériens commençaient à savourer les premières années de liberté, d’indépendance. Les premiers hommes sur la lune auguraient d’un avenir meilleur ou pire. Et que de supputations à ce sujet ! Au sujet des noms de personnages que l’auteur fait défiler. On faisait état, de conflits internes non confirmés, ni infirmés. Stopha semble avoir voulu, à partir du Tittéri où il s’était rendu, rendre compte par une lettre à Hamdène, de l’actualité, des grands projets pour l’Algérie qu’on a voulu voir devenir la Bulgarie ou l’Espagne. Il faut signaler aussi une deuxième lettre occupant une bonne place dans le roman en lui ajoutant un cachet épistolaire. Une autre période se dessine à l’horizon, celle de l’aquarium symbolisant la fermeture qui n’exclut cependant pas l’ouverture vers d’autres horizons : l’ONU pour parler de Palestine, de l’apartheid, de Luther King. Sabra et Chatila, Allendé, Indira, Tito, Castro, Bourguida, le barrage vert, la transaharienne, la voix du Polisario, la résistance chilienne et des îles Canaries ne se sont pas effacés des mémoires ; ils ont influé sur leur temps et ont beaucoup apporté. Ce qu’il y a de bien dans cette œuvre romanesque, c’est de pouvoir trouver quelques lignes significatives sur des faits admirés ou décriés comme Djibout, Addis Abeba choisie pour les sommets africains. On y trouve aussi pour se rappeler le temps des révolutions socialistes et du rapprochement des pays d’Afrique dans le cadre d’une Union africaine ou d’une Organisation des pays producteurs de matières premières. Le président Nyerere avait expliqué devant un parterre de journalistes auxquels s’était joint Stopha et dans une petite ville du Kilimandjaro, point culminant du Tanganyika et de toue l’Afrique ce qu’est le socialisme : «Le socialisme en Tanzanie tire son essence de la sagesse et des valeurs de la culture communautaire africaines. La nouvelle société que nous projetons de bâtir sur cette terre n’émarge à aucun moment des visions étrangères à son identité. Notre souci n’est ni d’importer ni de reproduire des recettes venues d’ailleurs. Il nous dicte une seule priorité : instruire notre peuple afin qu’il maîtrise son développement et son destin.» Très beau passage à retenir dont la dernière phrase est digne des grands penseurs qui aiment leur pays. On n’a pas l’habitude de lire des livres aussi bien écrits dans un style relevé et pour rapporter tout ce qui peut apporter un plus de connaissances sur l’histoire nationale, africaine, internationale tout en redonnant l’envie de décrypter des ouvrages. Badr’Eddine Mili, Les Miroirs aux alouettes, roman, Chihab Editions, 326 pages, 2011.
31 janvier 2012
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