Par Naïma Yachir
naiyach@yahoo.fr
Assise sur son fauteuil, Leïla rêve d’une autre vie, celle qu’elle a toujours espérée. Elle est seule avec son prince charmant dans leur nid douillet, loin des sarcasmes de sa belle-mère et toute sa belle famille. Elle fera la grasse matinée, mitonnera des petits plats dans lesquels elle mettra tout son amour. Elle se fera belle pour son cher mari, l’accueillera le soir quand il rentrera de son travail. La belle vie quoi !
La voix de sa mère l’extirpe de son joli rêve. «Va vite te changer, ton mari est venu te chercher.» Telle une automate, le visage triste, elle se lève sans mot dire, ôte sa robe de chambre et la troque contre un hijab, enfile ses chaussures, embrasse sa mère et suit son époux. Elle retrouve son unique espace ; sa chambre à coucher, le seul lieu où elle a droit à des moments d’intimité ; le soir s’entend. Le jour, elle n’y a pas droit, il y a trop à faire ailleurs. Elle retrouvera aussi Zineb, sa belle-sœur, celle qui avait tout pour elle, une belle-famille dont elle rêvait, un grand F4 tout équipé, y compris le lave-vaisselle. Un appartement dans un quartier chic de la capitale où elle est libre de se pavaner comme elle le désire, faire la grasse matinée quand le cœur lui en dit, faire une petite sieste auprès un repas copieux sans se soucier de débarrasser la table, car Ratiba, la femme de ménage, est là pour cela. Mais Zineb n’est pas contente. Elle ne veut pas vivre seule avec son époux, elle n’en a cure de son lave-vaisselle, son lave-linge, son téléviseur plasma, son lit confortable et sa chambre à coucher qui a coûté à son mari 40 millions de centimes. Elle ne supporte plus cette vie de zombie, elle veut du monde autour d’elle, elle veut être aux côtés de sa belle-mère, ses deux belles-sœurs. Eplorée, sa belle-mère n’arrive pas à comprendre cette situation et refuse la cohabitation, elle est encore jeune et espère marier son cadet et ses deux filles. «J’avoue que j’ai du mal à comprendre ma belle-fille avec laquelle je m’entends bien du reste, elle habite un appartement de rêve, elle n’est pourtant pas illettrée, c’est une universitaire ; de plus, elle a fait un mariage d’amour. C’est vrai elle est jeune mais elle savait dès le départ qu’elle allait habiter seule ; j’étais heureuse de marier mon aîné pour me décharger de toute responsabilité, voilà que je vais me retrouver à m’occuper malgré moi de mon fils et de mon futur petit-fils ; de plus, mon mari refuse la cohabitation. Je suis face à un véritable dilemme, ma belle-fille ne veut pas entendre raison : ou elle vient habiter avec nous ou elle retourne chez ses parents» ! Une situation qui a laissé pantois plus d’une belle-fille comme Leïla qui, ne supportant plus sa vie communautaire, enviant Zineb, aurait donné cher pour vivre sa vie. Mais ne dit-on pas : «On ne peut pas tout avoir dans la vie.»
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/01/21/article.php?sid=129016&cid=52
21 janvier 2012
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