Le logement social détruit surtout la valeur du travail et de l’effort : un homme assis chez lui ou coupant une route peut en avoir gratuitement, un cadre moyen algérien, producteur travailleur, doit payer son logement avec beaucoup beaucoup d’argent et de chance. Le logement social rend laid les villes et villages algériens : destiné à être gratuit, il en devient bas de gamme, sans esthétique ni souci de qualité. C’est un produit socialiste et les produits socialiste sont utiles, jamais beau. Le logement social provoque aussi et surtout des émeutes : c’est l’objet Malthusien par excellence : plus on en donne, plus il provoque des demandes et des mécontents. C’est donc un produit qui coupe la route, le pays en deux, le souffle et la hauteur de chaque homme. Au lieu de réclamer un pays juste, les gens réclament juste 65 m2.
Depuis un an, le logement social est en train de diviser le pays en deux partis politiques, les seuls d’ailleurs. Ceux qui ont leur part, ceux qui coupent la route. Le reste (islamistes, RND, FLN, démocrates, etc.), c’est de la vibration pour le peuple). Tout le monde sait que c’est le moment : le régime paye son sursis, le peuple peut le manger s’il ne mange pas gratuitement. Donc, tant que le printemps «arabe» dure, vaut mieux en profiter.
A la longue, tout le monde sait que l’équation est intenable pourtant. Le logement social est devenu un parti. Les non-logés, face aux logés gratuitement, vont un jour demander El Mouradia et pas seulement un F3. Théoriquement. En attendant, il y a le désastre esthétique : la rente, le logement social et l’argent en papier ont travaillé le visage des Algériens, les ont avilis, ont détruit le sens de l’effort et la valeur du muscle et de la création. Ils transforment ce peuple en une hargne et une colère basse, sans lendemain, cupide et encerclée. C’est le plus mauvais cadeau rendu à ce peuple mauvais héritier de sa propre grandeur. Bien sûr, vu de près, la chronique ne tient pas la route et ne la coupe pas : quand on est sans toit et avec ses enfants, on n’analyse pas mais on cherche un plafond. Et c’est juste. Sauf que de la légitime quête du foyer, le régime a fait le moyen d’une pure dégradation qui se retourne contre lui ces jours-ci.
Vu hier sur une route de Mostaganem : une route coupée, avec d’un côté, des gendarmes harassés et en colère car sans raison, de l’autre, un morceau du peuple qui conteste une liste de bénéficiaires de logements sociaux. Il faisait nuit, froid, un feu éclairait mal l’obscurité, une barricade et un gros silence sinistre éreinté par des gyrophares morbides.
Et le chroniqueur l’a compris : c’est ce qui reste d’un Etat quand il n’y a plus d’Etat, d’élus, d’institutions, de valeurs, d’effort, de lien entre l’effort et la récolte, de sens, de justice. Un face-à-face silencieux, étrange et insoluble entre deux impuissances pendant que les politiciens, dans les villas, dormaient.
21 janvier 2012
Chroniques