le 19.01.12 | 01h00
Le message, de Mostéfa Bessadat, est le titre qui vient d’enrichir la littérature mémorielle, ayant fleuri ces dernières années.
Au Sud, les écrits sont peu nombreux à avoir étaient publiés par rapport au Nord. Aussi, l’initiative de la maison de la culture de Béchar, qui vient d’éditer quelques essayistes locaux, est plus que louable. Parmi ces auteurs, Mostéfa Bessadat est à son premier coup d’essai. Son ouvrage se déploie en deux tomes. Le premier tome, constitué de courts récits, se lit d’un trait, quoique inégalement écrits. Ce qui en fait l’intérêt est qu’ils sont chargés d’une grande émotion sans tomber dans l’excès de sensiblerie. On y plonge dans sa densité, d’autant plus volontiers qu’il raconte une vie d’enfant à l’épreuve de la guerre et de son inhumanité. Mieux, le témoignage, sur le règne de l’arbitraire absolu et de sa brutalité, est exprimé avec le regard et la perception de l’enfant qu’était alors l’auteur.
C’est le ressenti sur le moment qui domine. Mostefa traduit ainsi les traumatismes qui ont marqué son enfance et qui apparemment hantent sa vie d’adulte. En les exorcisant par l’écrit, il le fait presque par devoir, le récit étant enveloppé d’une extrême pudeur. La narration est construite autour des épreuves subies par son petit univers, celui de sa famille et des proches parents. Les anecdotes fourmillent. Parfois amusantes, comme la rouerie de ce résistant qui se façonna des sandales artisanales ayant deux …talons. De la sorte, les pisteurs de l’armée coloniale en étaient pour leurs frais dans sa poursuite, ne sachant pas quelle direction il avait pris à travers le désert. Une autre est, par contre, plus dramatique.
C’est la mésaventure d’une famille de moudjahid évacuée hors de Béchar pour la mettre à l’abri des représailles des militaires. Son transport vers Mascara est assuré dans le fourgon d’un camion frigorique. A l’arrivée, mère et enfants gisaient inanimés, le froid les a faits sombrer dans une inconscience mortelle. Il a fallu les emmener directement dans un hammam pour les ramener à la vie. Le deuxième tome est d’une toute autre facture que le premier. Le regard n’est plus celui de l’enfant. C’est l’adulte qui s’exprime, se faisant scribe des souvenirs de guerre des autres. Celui des moudjahidine parmi les proches et les alliés. C’est l’occasion de rapporter la réalité de la lutte de libération au Sahara et ses spécificités.
Dans ce tome 2, le souci didactique aurait dû suppléer la charge émotionnelle qui fait la qualité du tome 1. Cette lacune pourrait poser problème au lecteur qui ne connaît pas la région. Une seule carte, mal reproduite, illustre l’ouvrage. A cet égard, l’iconographie des deux tomes est peu suggestive de la région. Manifestament, le travail d’un éditeur professionnel a fait défaut. En cas de deuxième édition, Le message gagnerait davantage à être allégé de tout ce qui est commentaires pontifiants et apologétiques. Il n’en reste pas moins que le deuxième tome, plus écrit que le premier, on reste imprégnés jusqu’à sa dernière page, sur les dangers collatéraux de la guerre au Sahara : la soif, les morsures de scorpions et de vipères, car le terrain n’était pas piégé que par des mines.
Mohamed Kali
© El Watan
21 janvier 2012
1.LECTURE