La chronique de Benali Si Youcef
La «République des bidonvilles»
Une enquête vient d’être lancée par les services de la Gendarmerie nationale sur certaines «magouilles» foncières, ayant permis de donner naissance à un grand bidonville au quartier de Haï Ezzouhour (ex-Roseville), dans la Commune de Mers El Kébir. Une enquête déclenchée, nous dit-on, après de multiples plaintes émanant des habitants de la Cité Jeanne d’Arc, mitoyenne au domaine agricole récemment envahi par les constructions illicites. Cette exploitation agricole, le long du versant Ouest du Murdjadjo, a été détournée de sa vocation, sous le regard «contemplatif» des responsables locaux chargés du secteur et surtout des élus locaux de la région, inscrits depuis longtemps aux abonnés absents et parfois suspectés de complicité dans toutes les dérives de gestion du patrimoine urbain et agricole de l’Etat et de la collectivité locale. Comment expliquer en effet qu’un vaste domaine agricole puisse être ainsi «morcelé» en une centaine de lots et vendu à des citoyens en quête de logement pour des sommes allant de 20 à 35 millions de centimes le lot? Comment comprendre cette désastreuse absence de l’Etat qui permet de bafouer les règles et les lois de la République dans une ambiance d’impunité absolue ? Il est vrai que les premiers baraquements de la cité Jeanne d’Arc, implantés durant la douloureuse conjoncture de la décennie noire, avaient ensuite permis de s’installer en terrain privilégié pour la constitution d’un bidonville tentaculaire donnant prioritairement accès au logement social. D’autres bidonvilles célèbres de la Wilaya oranaise, tels que «Douar El Flalis» ou «Cheklaloua», ont également connu de multiples opérations de démolition, qui ne servaient en fait qu’au relogement des familles en place et au renouvellement des baraques pour l’accueil de nouveaux candidats. Les bidonvilles qui renaissent de leurs ruines constituaient depuis des années une étrange réalité qui ne dérangeait nullement les autorités concernées. Sur le chemin de Wilaya, qui débouche sur la RN2 au niveau de l’entrée de la base navale et du chantier naval, les constructions illicites avec ossatures en béton et piliers en attente pour l’élévation en étage, et l’habitat précaire en parpaing et tôle ondulée se côtoient et se mélangent dans un triste décor et une étrange ambiance de course à l’occupation foncière. Une fois la bâtisse ou la baraque installée, les branchements illicites aux réseaux publics d’AEP, de gaz et d’électricité relèvent d’une déroutante banalité. Selon certains témoins, des agents de la Sonelgaz et employés municipaux se convertissent le temps d’un week-end, en «professionnels de ces raccordements clandestins» pour quelques bonnes poignées de dinars. Et par manque de conduites, branchées sur le réseau principal, l’assainissement, lui-même, parfois saturé ou défectueux, les eaux usées se déversent le long des chemins transformés en dépotoirs nauséabonds. A quelque dizaine de mètres de la base navale, la mafia des bidonvilles et des constructions illicites impose ses règles et sa Loi. Jusqu’à quand?
14 janvier 2012
Contributions