le 04.12.11 | 01h00
Donnés vainqueurs du premier tour des législatives, les Frères musulmans cherchent à rassurer les laïcs et les chrétiens. Entre-temps, certains salafistes n’hésitent pas à exprimer publiquement le fond de leur pensée.
La polémique est enclenchée lorsque cheikh Hazem Abou Ismaïl, candidat déclaré à la future présidentielle sous l’étiquette d’«indépendant», a affirmé que le gouvernement devrait «créer un climat pour faciliter» le port du voile, dans un pays conservateur.
Et d’ajouter qu’il ne permettrait pas à son fils de se marier à une femme non voilée car celle-ci ne serait pas «une mère convenable». «Je ne permettrais pas à un jeune homme et une jeune femme de s’asseoir ensemble dans un lieu public car cela est contraire aux traditions sociales», a indiqué cet ancien membre des influents Frères musulmans, interviewé jeudi soir sur la chaîne privée CBC et reprise hier par l’AFP.
Il a estimé de même que «la mixité dans les lieux de travail est inacceptable» et que, s’il était élu, il interdirait «la vente et la fabrication de l’alcool» tout en laissant aux citoyens la liberté de boire… chez eux. Cheikh Abou Ismaïl n’est pas membre du parti salafiste Al Nour qui a créé la surprise en raflant 20 à 30% des voix selon les estimations, derrière les Frères musulmans.
Beaucoup de jeunes s’insurgent s’insurgent contre les islamistes, toutes tendances confondues, les accusant d’avoir volé «leur» révolution qui a chassé le président Hosni Moubarak en début d’année. Interrogé par l’AFP cette semaine, Mohamed Nour, porte-parole d’Al Nour, a dénoncé une «campagne de diabolisation et de diffamation» à l’encontre des salafistes.
Même l’écrivain Naguib Mahfouz n’est pas épargné
Le débat s’est enflammé lorsqu’un autre salafiste, le candidat Abdel Monem Al Chahhat, s’en est pris à l’écrivain égyptien Naguib Mahfouz (1911-2006), icône littéraire du Monde arabe et lauréat du prix Nobel de littérature en 1988.
Il a affirmé que l’éminent écrivain incitait au «vice» car ses romans portaient sur «la drogue et la prostitution» et se basaient sur une «philosophie athée», provoquant une levée de boucliers chez les intellectuels égyptiens.
«Si Al Chahhat avait pu faire arrêter Naguib Mahfouz, il l’aurait fait», s’indigne le romancier Ibrahim
Abdel Majid, cité samedi par le quotidien indépendant Al Masri Al Yom, qualifiant ses propos de «risibles».
«S’il gagne aux élections, il y aura une vraie bataille au sein du Parlement», a-t-il prévenu.
«Ce cheikh doit savoir que la littérature et l’art ne peuvent être jugés selon des critères religieux», a relevé de son côté Salah Fadl, critique littéraire.
«Al Chahhat doit suivre des cours de littérature pour savoir que ‘ghazal’ (genre poétique sur l’amour) et le sexe ont toujours fait partie de la poésie», a-t-il dit, ajoutant que ce sont les propos du salafiste qui sont «l’ignorance et le vice incarnés».
Rédaction Internationale
© El Watan
13 janvier 2012
LITTERATURE